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Le souffle de Ahmadou-Mahtar Mbow : quand l’Afrique enseigna le monde (Par M. Cheikh Tidiane Bâ et M. Khadiyatoulah Fall)

Auteur: M. Cheikh Tidiane Bâ et M. Khadiyatoulah Fall

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Le souffle de Ahmadou-Mahtar Mbow : quand l’Afrique enseigna le monde (Par M. Cheikh Tidiane Bâ et M. Khadiyatoulah Fall)

Une nation reconnaissante s’incline encore devant un bâtisseur de savoirs

La Nation sénégalaise s’incline encore, avec respect et émotion, devant la mémoire vivante d’un homme dont le nom résonne bien au-delà de nos frontières : le Professeur Ahmadou-Mahtar Mbow.

Son parcours exceptionnel, fait de rigueur, de courage intellectuel et de fidélité aux idéaux de justice, d’éducation et de paix, constitue une des plus fortes incarnations de ce que le Sénégal a donné de meilleur au monde.

En rendant hommage à ce grand serviteur de la République et de l’humanité, le Sénégal célèbre une conscience universelle, un pédagogue visionnaire et un diplomate du savoir qui a élevé l’éducation au rang de patrimoine mondial.

L’héritage UNESCO : un souffle africain dans la conscience du monde

Premier Africain et premier homme du Sud à diriger l’UNESCO, le Professeur Mbow a marqué l’histoire de l’institution par son humanisme lucide et son engagement pour la justice cognitive mondiale.

Sous sa direction, l’UNESCO a défendu un idéal audacieux : celui d’un monde où toutes les cultures participent à l’universalité du savoir et où aucune nation n’est condamnée à l’invisibilité intellectuelle.

Son appel à un Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication (NOMIC) fut un acte de courage politique et intellectuel. Il traduisait une conviction profonde : celle que le droit de savoir et le droit de dire sont des conditions essentielles de la dignité des peuples.

Il fut la voix d’une Afrique qui n’acceptait plus d’être spectatrice, mais qui revendiquait sa place dans la fabrique du monde, dans l’écriture de l’histoire, dans la gouvernance de la connaissance.

Le pédagogue, le savant et le patriote

Mais avant d’être un homme de l’UNESCO, Ahmadou-Mahtar Mbow fut un homme de l’école.

Instituteur dans la jeune administration coloniale, professeur d’histoire et de géographie, ministre de l’Éducation du Sénégal, il croyait fermement que l’école n’est pas seulement un lieu d’instruction, mais un espace d’émancipation.

Il aura œuvré, tout au long de sa vie, à la construction d’un système éducatif ancré dans nos valeurs, mais ouvert sur l’universel.

Son parcours, de Dakar à Paris, puis à l’UNESCO, fut celui d’un homme-pont : entre les cultures, les générations et les continents.

Il savait que l’avenir des nations africaines ne se jouerait pas seulement dans les conférences économiques, mais dans les salles de classe, les laboratoires, les consciences éveillées.

Une éthique du service et une pédagogie de la dignité

Le Professeur Mbow a toujours incarné cette éthique du service public que nous voulons transmettre à nos enfants :

– servir sans se servir,

– gouverner sans dominer,

– savoir sans mépriser.

Il a montré qu’on peut être à la fois africain, universel et fidèle à soi-même.

Dans un monde en mutation, il a porté la parole d’un humanisme du Sud, où la diversité n’est pas un obstacle, mais une promesse d’équilibre et de fécondité mutuelle.

À travers lui, c’est tout un continent qui a appris à parler au monde sans complexe, à conjuguer savoir et dignité, science et culture, modernité et tradition.

Le bâtisseur de consensus et le président des Assises nationales

Fidèle à cette éthique du service et à sa pédagogie de la dignité, le Professeur Ahmadou-Mahtar Mbow poursuivit, bien au-delà de ses fonctions internationales, son œuvre au service du Sénégal.

En acceptant de présider les Assises nationales (2008-2009), il offrit à la Nation un cadre inédit de dialogue, de vérité et de refondation démocratique.

Sous sa conduite, ces Assises devinrent un espace exemplaire de concertation, où les forces politiques, sociales, religieuses et intellectuelles purent, pour la première fois depuis l’indépendance, repenser collectivement les fondements du contrat social sénégalais.

Par son autorité morale et sa rigueur méthodologique, il transforma un exercice politique en moment de pédagogie nationale : enseigner à un peuple qu’il peut se regarder en face, débattre sans se déchirer, et imaginer ensemble son avenir.

Cette contribution historique prolongeait naturellement son combat pour la justice cognitive à l’UNESCO : il s’agissait désormais de promouvoir une justice civique et institutionnelle au sein même de la République sénégalaise.

Mémoire et avenir : le Sénégal dans le sillage de Mbow

Aujourd’hui, notre pays s’engage à réinventer son système éducatif, à restaurer la confiance dans l’école publique, à réconcilier l’excellence et l’équité, à intégrer les langues nationales, les humanités africaines, le numérique et l’intelligence artificielle dans une vision holistique de l’éducation.

En rendant hommage à Ahmadou-Mahtar Mbow, le Sénégal affirme que l’éducation n’est pas un secteur parmi d’autres, mais le cœur battant d’un projet de société.

Le meilleur hommage que nous puissions lui rendre, c’est de réenchanter l’école sénégalaise, de former des enseignants inspirés, des chercheurs audacieux, des citoyens éclairés.

Une promesse de continuité

Notre pays doit s’engager à faire vivre l’héritage de Mbow dans nos politiques éducatives :

– en favorisant la recherche pédagogique,

– en valorisant les valeurs civiques et humanistes,

– en intégrant l’éducation à la citoyenneté mondiale,

– en renforçant les liens entre savoirs, valeurs et avenir commun.

Nous souhaitons que chaque génération d’élèves et d’étudiants puisse connaître l’œuvre de cet homme, et que le Prix national Ahmadou-Mahtar Mbow de l’Éducation et de la Paix soit institué pour honorer, chaque année, celles et ceux qui prolongent son idéal.

Dans le visage du Professeur Ahmadou-Mahtar Mbow, le Sénégal voit le reflet de ce qu’il aspire à devenir : une nation debout, instruite, juste et rayonnante.

Son héritage nous rappelle que le savoir n’a de sens que s’il libère, que l’éducation n’a de valeur que si elle élève, et que la mémoire n’a de force que si elle éclaire l’avenir.

Puisse notre engagement collectif faire du Sénégal un lieu où souffle encore l’esprit du grand africaniste, du grand humaniste, du républicain,  du Sénégalais Ahmadou-Mahtar Mbow : un esprit de savoir, de service et d’espérance.

M. Cheikh Tidiane Bâ, sociologue et chercheur, consultant, neveu de Ahmadou-Mahtar Mbow

M. Khadiyatoulah Fall, professeur chercheur émérite, Université du Québec, ami de la famille

Auteur: M. Cheikh Tidiane Bâ et M. Khadiyatoulah Fall
Publié le: Vendredi 24 Octobre 2025

Commentaires (6)

  • image
    Fifi il y a 21 heures

    L' africain a faim.

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    Inconnue il y a 21 heures

    Qu'Allah l'accueille dans son Paradis Firdaws

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    Hamidou il y a 20 heures

    Bel hommage. Merci.

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    Mountakha Gueye il y a 20 heures

    Text bi daw na yaram
    Ma sha Allah.

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    Ismaila Drummondville il y a 18 heures

    M Mbow était un homme multidimensionnel Son apport à l'éducation dans les pays du Sud est incommensurable
    Vous en faites une bonne analyse
    Bravo

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    Abdou Aziz Mbengue il y a 11 heures

    le savoir n’a pas sens que s’il libère. Totalement d’accord.

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