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L’espoir, moteur secret de la résilience africaine (Par Jules Aloïse Prospère Faye)

Auteur: Jules Aloïse Prospère Faye

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L’espoir, moteur secret de la résilience africaine (Par Jules Aloïse Prospère Faye)

Dans les années 1950, le Dr Curt Richter, chercheur à Harvard, a mené une expérience fascinante : des rats placés dans un bassin d’eau abandonnaient en moyenne au bout de 15 minutes, incapables de continuer. Mais lorsque les chercheurs les sortaient un instant, les séchaient et les reposaient dans l’eau, ces mêmes rats pouvaient tenir… 60 heures.

La différence ? L’espoir d’être sauvés.

Cette expérience, au-delà de la science animale, nous offre une leçon profonde pour nous, Africains. Car notre continent connaît depuis des décennies des turbulences – politiques, économiques, sociales – qui auraient pu, à maintes reprises, nous faire « abandonner ». Mais comme ces rats, chaque fois qu’une lueur d’espoir se présente, nous repoussons les limites de notre résilience.

Une jeunesse entre épuisement et espoir

Aujourd’hui, la jeunesse africaine est dans cette zone critique des « 15 minutes » : face au chômage massif, à l’émigration forcée, aux crises sécuritaires, à la corruption et à la précarité. Beaucoup pensent que le combat est perdu d’avance.

Pourtant, à chaque élection, à chaque innovation technologique, à chaque start-up qui réussit, à chaque mobilisation citoyenne, un souffle nouveau s’installe. Ce souffle, c’est la conviction que les choses peuvent changer, que demain peut être meilleur.

L’Afrique a déjà nagé plus longtemps qu’on ne le croit

L’histoire de nos sociétés le prouve : malgré l’esclavage, la colonisation, les crises postindépendances, les guerres civiles, les épidémies et aujourd’hui les défis climatiques, l’Afrique n’a jamais cessé de se relever.

Comme les rats de Richter, nos peuples savent trouver dans l’espoir et dans la foi en un avenir possible, la force de « nager » bien au-delà des limites physiques et psychologiques.

Un appel à la jeunesse africaine

La vraie question n’est pas : « Combien de temps encore pouvons-nous tenir ? »

Mais plutôt : « Qu’allons-nous faire de cette capacité extraordinaire de résilience ? »

Car l’Afrique ne doit pas se contenter de survivre. Elle doit transformer cette énergie en un projet continental : bâtir des nations prospères, souveraines, technologiquement avancées et culturellement fortes.

Chers jeunes, ne sous-estimez jamais le pouvoir de l’espoir. Comme dans l’expérience de Harvard, il peut repousser les frontières de l’impossible. Mais l’espoir seul ne suffit pas : il doit être nourri par l’éducation, l’organisation, l’entrepreneuriat, l’engagement politique et citoyen.

Alors, même si le monde vous croit à bout de souffle, continuez à nager. Car le futur du continent repose sur votre endurance et sur votre conviction que l’Afrique peut et doit réussir.

Univers 25 : Quand le paradis devient enfer – Une leçon pour l’Afrique Dans les années 1970, le biologiste américain John B. Calhoun mena une expérience qui allait marquer durablement la réflexion sur les sociétés : l’« Univers 25 ». Son idée était simple mais audacieuse : observer le comportement de colonies de souris placées dans un environnement parfait, un « paradis artificiel ». Dans un espace spacieux et protégé, il installa tout ce dont les rongeurs pouvaient rêver : nourriture en abondance, eau illimitée, abris confortables, sécurité totale. Aucune prédation, aucun stress, aucun danger. Pour démarrer l’expérience, il introduisit huit souris, soit quatre mâles et quatre femelles. ⸻ Une croissance fulgurante… au début Les premiers mois furent un succès éclatant. Les souris se reproduisirent rapidement, et la population augmenta de façon exponentielle. Au 315ᵉ jour, la colonie comptait déjà plusieurs centaines d’individus. Tout semblait confirmer que l’abondance et la sécurité étaient les clés d’une société harmonieuse et prospère. Mais c’est alors que des phénomènes inattendus apparurent. ⸻ La dégradation sociale Lorsque la population atteignit environ 600 souris, de nouveaux comportements émergèrent : • Une hiérarchie pyramidale s’installa, reléguant certains individus à des rôles subalternes, souvent rejetés ou agressés par les autres. • Des mâles dominants concentrèrent leur agressivité sur les plus faibles, qui s’isolèrent et sombrèrent dans une forme d’apathie. • Certaines femelles cessèrent de protéger leurs petits, allant parfois jusqu’à les abandonner ou les attaquer. • Les jeunes, sans rôle ni place dans une société saturée, devinrent agressifs ou au contraire totalement repliés. • Les comportements « déviants » se multiplièrent : cannibalisme, hyper-agressivité, sexualité désorganisée, voire refus de reproduction. Progressivement, la natalité s’effondra. La mortalité des nouveau-nés grimpa jusqu’à 100 %. Les mâles cessèrent de défendre les femelles, et les femelles cessèrent d’élever leurs petits. La société entra dans une phase de désorganisation totale. ⸻ La mort comportementale Malgré l’abondance de ressources, la colonie se dirigea vers l’extinction. La dernière naissance fut enregistrée environ deux ans après le début de l’expérience. En 1973, toutes les souris étaient mortes. Calhoun répéta l’expérience 25 fois, toujours avec le même résultat : l’effondrement complet et irréversible d’une société saturée de confort. Il appela cela la « mort comportementale » : lorsque les rôles sociaux se dissolvent, que l’effort disparaît et que les individus perdent tout but, la société s’éteint de l’intérieur, sans agression extérieure ni pénurie. ⸻ Une parabole pour nos sociétés africaines Pourquoi rappeler aujourd’hui cette expérience troublante ? Parce qu’elle nous renvoie à nos propres réalités africaines. L’Afrique n’est pas un désert de ressources. Au contraire, elle dispose de terres arables, d’eau, de soleil, de minerais, de pétrole, d’une jeunesse nombreuse et énergique. Pourtant, elle vit encore des paradoxes inquiétants : • Nos terres fertiles ne nous protègent pas de la dépendance alimentaire. • Nos richesses minières ne profitent pas à la majorité. • Notre jeunesse dynamique souffre du chômage, de l’exode rural et de la migration clandestine. Le risque est là : que le confort illusoire fourni par l’assistanat international, les rentes minières ou les importations faciles crée un univers africain où l’effort, l’innovation et le rôle social perdent leur sens. ⸻ Relever des défis plutôt que rechercher le confort L’enseignement de l’Univers 25 est clair : une société qui cesse de relever des défis, qui se contente de recevoir sans produire, se condamne tôt ou tard à l’effondrement interne. Pour éviter ce piège, l’Afrique doit : • Investir dans son autosuffisance alimentaire par l’agriculture et l’agro-industrie. • Transformer localement ses matières premières pour créer richesse et emploi. • Encourager l’éducation, la recherche et l’innovation afin de donner un rôle créatif à sa jeunesse. • Promouvoir la bonne gouvernance et une culture de responsabilité. Ce n’est pas l’abondance qui garantit la prospérité, mais la capacité à transformer les ressources en projets, les défis en opportunités, et les rêves en réalisations concrètes. ⸻ Conclusion L’« Univers 25 » est plus qu’une expérience scientifique sur des rongeurs : c’est un miroir tendu à l’humanité. Pour l’Afrique, c’est un avertissement. Le confort sans effort mène à l’apathie, et l’apathie mène à l’effondrement. Si nous voulons éviter la « mort comportementale », nous devons redonner à nos sociétés le goût du travail, de l’effort collectif et de l’innovation. L’avenir africain ne dépend pas de ce que nous recevons, mais de ce que nous bâtissons ensemble.
Auteur: Jules Aloïse Prospère Faye

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