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Tuesday 02 September, 2025
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Financement alternatif et souveraineté économique : le cas des Diaspora Bonds au Sénégal

Auteur: AICHA FALL

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Depuis l’adoption de la loi de finances 2025 en décembre dernier, les autorités sénégalaises entendent concrétiser, dès cet été, une mesure qui pourrait redéfinir les contours du financement public : l’émission d’obligations réservées aux Sénégalais vivant à l’étranger. Ce mécanisme, articulé autour de taux d’intérêt compétitifs et d’avantages fiscaux, s’inscrit dans la Stratégie nationale de développement (SND 2025–2029) et vise à orienter une partie de l’épargne des expatriés vers des projets structurants. Une ambition de souveraineté budgétaire affirmée, à condition de lever plusieurs verrous.
En 2023, les transferts de fonds de la diaspora sénégalaise ont représenté environ 1?600 milliards de francs CFA, soit plus de 10 % du PIB, selon les données de la Banque mondiale. Un montant supérieur à l’aide publique au développement reçue la même année, estimée à 1?400 milliards de francs CFA. Ces flux, bien que majoritairement orientés vers la consommation courante ou l’immobilier, constituent un levier considérable pour financer le développement national. Encore faut-il mettre en place des outils adaptés pour capter cette ressource de manière productive.
Une première initiative significative a été lancée par la Banque de l’Habitat du Sénégal (BHS) en 2019. L’établissement a levé 20 milliards de francs CFA via une émission obligataire ciblant spécifiquement les Sénégalais de l’extérieur. Proposée à un taux brut de 6,25 % sur cinq ans, l’opération a enregistré un taux de souscription de 114 %, avec des investisseurs répartis dans 26 pays africains. Ce succès a montré que lorsque les produits sont clairs, sûrs et bien promus, la mobilisation de l’épargne de la diaspora devient un objectif atteignable.
Le gouvernement prévoit désormais de lancer ses propres Diaspora Bonds souverains, avec un taux indicatif de 5 %, inférieur à celui des récentes euro-obligations émises sur les marchés internationaux (jusqu’à 7,75 %). L’objectif affiché est double : réduire le coût de la dette et renforcer l’ancrage local du financement des politiques publiques. D’après une estimation du think tank WATHI, un programme bien structuré pourrait générer jusqu’à 1?500 milliards de francs CFA dans les prochaines années.
Mais au-delà du potentiel, la réussite de ces titres obligataires dépendra d’un écosystème fiable et cohérent. Il faudra garantir une gestion rigoureuse, offrir des garanties crédibles et assurer une transparence totale quant à l’utilisation des fonds. Les enseignements tirés du Nigeria ou du Kenya, qui ont expérimenté des mécanismes similaires, rappellent que la confiance reste la condition première du succès.
L’autre enjeu réside dans l’accessibilité de ces instruments : les profils de la communauté sénégalaise à l’étranger sont multiples, et souvent éloignés des circuits bancaires classiques. Il sera donc crucial de développer des canaux simples, notamment numériques, tout en menant un travail d’éducation financière ciblé.
Enfin, l’efficacité de ce type de financement dépendra du choix des projets concernés. Pour que les fonds collectés renforcent réellement la souveraineté économique du pays, ils devront être orientés vers des secteurs à fort impact social et économique : logement social, infrastructures de proximité, développement agricole ou encore industries créatives. Loin d’un simple outil budgétaire, les Diaspora Bonds pourraient ainsi contribuer à rapprocher durablement les aspirations de l’État et l’engagement concret de ses ressortissants à travers le monde.
Auteur: AICHA FALL

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