Rentrée scolaire : Saignée des ménages, hémorragie de l’économie (économiste)
Le Sénégal est à moins d’un mois de la rentrée scolaire, mais ce moment occupe certainement l’esprit de milliers de parents d’élèves du fait des charges à supporter. D’où l’intérêt et le caractère actuels de ce sujet. Dans une tribune, l’économiste Magaye Gaye regrette que ce qui devait être un moment d’espoir se transforme en une épreuve pour les familles africaines. « Dans un contexte d’inflation généralisée, l’école est devenue une machine qui saigne les ménages et affaiblit l’économie nationale », affirme-t-il.
À propos des ménages, constate-t-il, en plus des frais d’inscription parfois exorbitants, il y a « des listes interminables de fournitures dont une partie ne sera jamais utilisée ». Si l’achat se limitait à une fois dans l’année, il serait plus ou moins supportable, mais regrette Magaye Gaye, la mauvaise qualité des sacs, des gourdes et autres fournitures font qu’il faut renouveler certains articles une à plusieurs fois l’année. « Des stylos qui s’assèchent en une semaine, des sacs qui se déchirent après un trimestre, des gourdes hors de prix déjà inutilisables après quelques jours », liste-t-il.
Et comme si cela ne suffisait pas, les enseignants, dénonce Gaye, en rajoutent avec des cours du soir ou cours particuliers payants sans compter l’achat de fascicules imposé aux élèves. « Ces dérives créent un climat malsain où l’éducation se transforme en marché parallèle », s’insurge-t-il.
Au plan national, l’économie en subit un sacré coup, d’après Gaye. Prenant le cas du Sénégal, l’économiste rappelle qu’il y a deux millions d’élèves. Avec une gourde à 2000 F l’unité, on se retrouve avec 4 milliards F CFA, compte non tenu du renouvellement dû à la mauvaise qualité. Viennent ensuite les sacs et les autres articles. De quoi explorer des solutions endogènes. « Ces milliards pourraient être investis localement si l’État africain soutenait sérieusement l’industrie nationale du papier et du plastique », soutient Gaye.
Ce dernier pointe aussi du doigt les changements fréquents de programmes qui, en plus d’une efficacité douteuse, obligent les parents à acheter de nouveaux manuels scolaires « sans valeur ajoutée réelle ». « L’éducation, qui devrait être un levier de souveraineté et de développement, est trop souvent abandonnée aux logiques mercantiles et aux influences étrangères. Elle devient un espace de consommation forcée, un fardeau économique et une dépendance organisée », s’indigne-t-il.
Malgré un constat alarmant, Magaye Gaye est d’avis qu’il est toujours possible d’agir pour que la rentrée scolaire ne soit plus une saignée pour les ménages et une hémorragie pour l’économie. Il pense à des mesures simples telles que l’encadrement du marché des fournitures, le soutien de l’industrie locale, une surveillance des pratiques enseignantes et l’introduction du digital.
« Il n’est pas nécessaire d’attendre des années ni de disposer de milliards pour commencer à réformer. Dès l'actuelle rentrée des classes, un ministre de l’Éducation responsable pourrait prendre des mesures simples, mais décisives : plafonner les frais d’inscription, interdire la vente de fascicules par les enseignants, rationaliser la liste des fournitures, et surtout mettre fin à l’emprise des éditeurs privés », suggère-t-il. Sur ce dernier point, il propose à l’État de concevoir son propre manuel et de rendre libre la reproduction physique ou numérique.
Commentaires (4)
Participer à la Discussion
Règles de la communauté :
💡 Astuce : Utilisez des emojis depuis votre téléphone ou le module emoji ci-dessous. Cliquez sur GIF pour ajouter un GIF animé. Collez un lien X/Twitter ou TikTok pour l'afficher automatiquement.