Retour des conférences de presse du Gouvernement : La lecture de Domingo Mané, spécialiste en communication
Le gouvernement semble mettre de l’ordre dans sa communication. D’ailleurs, il a décidé de ramener ses traditionnelles conférences de presse. De plus, la porte-parole du gouvernement a migré vers la primature. Des aspects que nous décrypte ici, Bacary Domingo Mané, spécialiste en communication.
Quelle lecture faites-vous de la décision de ramener les conférences de presse du gouvernement ?
Ce rendez-vous avec la presse était un grand moment de communication politique dans la mesure où les ministres qui font face à la presse parvenaient à expliquer leur agenda, ce qu'ils ont fait et ce qu'ils comptent faire. Les questions des journalistes permettent d'aller en profondeur dans les réponses servies. Dans tous les cas, c'est un bon procédé de communication politique et surtout de communication gouvernementale. Avec l'absence de ces rendez-vous, beaucoup ont commencé à décrier la communication gouvernementale en disant que le gouvernement ne communique pas beaucoup ou ne communiquerait pas du tout. C’est en ce moment qu’on a amené la formule du porte-parole qui se prononce à l'issue de chaque conseil des ministres, avec le ministre Moustapha Njekk Sarré (Ex Porte-parole du Gouvernement).
Est-ce que cela avait eu l’effet escompté ?
Cela n'a pas eu un véritable impact de mon point de vue. Alors que les journalistes reçoivent le communiqué, alors que la RTS lit le communiqué de bout en bout, si en plus le porte-parole du gouvernement venait encore à nous donner les détails de ce qui a été dit lors des conseils des ministres, ça faisait trop. Donc pour moi, le fait qu’à un moment donné, le gouvernement a laissé de côté ces rendez-vous avec la presse, a quelque part altéré un peu la communication gouvernementale.
La reprise de ce format de communication, qu’est-ce qu’elle va apporter de nouveau ?
Le fait de reprendre cet exercice est une excellente chose parce que ça permet de savoir ce que les ministres sont en train de faire dans leur cabinet. Le ministre doit communiquer avec les populations pour lesquelles il est nommé. Et ces populations ont besoin d'informations. Jean-Marie Cotteret, dans ses trois effets, dit que la communication politique permet d'abord de donner des informations, de modifier l'opinion des gens. C'est-à-dire que des gens peuvent avoir une opinion négative au sujet d’une chose, mais dès que la personne parle, ces gens vont revoir leur manière de penser. C'est ce qu'il appelle modifier l'opinion. La troisième chose c'est le changement de comportement. C'est-à-dire qu’aujourd'hui, la communication politique gouvernementale devrait amener les populations à changer de comportement. Mais pour que le changement de comportement se fasse, faudrait-il d'abord que ces populations-là aient des informations pertinentes. Donc le fait que le gouvernement a interrompu les rendez-vous des ministres avec les médias, pour moi, a impacté négativement la communication gouvernementale. Comme c'est revenu, c'est une excellente chose.
Qu'est-ce que ça va apporter concrètement ?
Ça va apporter plus de détails, plus d'informations. Ce qui est intéressant, c'est le choix des ministres. Vous avez les ministres de l'Intérieur, de l'Assainissement et de l’Education. Donc le choix n'est pas fortuit. Cela est tributaire de l'actualité que nous vivons actuellement. Par exemple pour le ministre de l'Intérieur, dès son arrivée il a initié les opérations de désengorgement. Evidemment, beaucoup de Sénégalais ont salué, mais il faut vraiment beaucoup communiquer sur cela. Parce que des gens avaient des habitudes et certains avaient occupé les rues, notamment les marchands ambulants et des mendiants. Donc il faut vraiment de la communication politique pour mieux expliquer le sens de l'action du ministère de l'Intérieur. Et on lui donne l'opportunité de mieux expliquer aux populations les mesures qui sont prises par le ministère. Donc les conférences de presse du gouvernement, pour moi, c'est vraiment l'opportunité pour permettre aux différents ministres d'aller en profondeur dans les actions qu’ils posent au quotidien dans leur département.
La chose à éviter dans cet exercice ?
Ce qu'il faudra éviter, c'est de tomber dans le piège des questions polémiques qui risquent, de mon point de vue, de noyer l'essentiel. Je ne dis pas que les journalistes n'ont pas le droit de poser n'importe quelle question. Là n'est pas le problème. Le problème c'est la réponse qui sera servie par les ministres. Quand quelqu'un pose une question polémiste, dans la réponse, vous pouvez éviter ce côté polémiste et recentrer les débats sur l'essentiel.
On a vu que des questions polémiques, comme la reddition des comptes et les questions judiciaires, ne figurent pas à l’ordre du jour…
Oui, c'est ça que j'appelle les petites querelles. En communication, il faut éviter les petites querelles, c'est-à-dire que ces sujets polémiques peuvent nous éloigner du véritable champ d'actions gouvernemental. Ce n’est pas le moment. C'est vrai, on est en train de parler de la reddition des comptes, mais il faut aussi se souvenir qu’à l'époque, des responsables du parquet financier avaient fait une sorte de bilan de leur travail. Donc, je pense que le gouvernement a bien fait de ne pas inclure dans ce face-à-face, des sujets qui auraient pu nous éloigner de l'essentiel.
La communication gouvernementale, comme la nouvelle ministre porte-parole du gouvernement, a été logée à la primature. Quelle lecture vous en faites ?
Je pense que le premier ministre Ousmane Sonko veut avoir la mainmise sur la communication gouvernementale, parce que lui-même il avait fait une sortie il y a quelques mois, pour montrer que cette communication gouvernementale, il faut la renforcer. D'ailleurs c'est à partir de cette déclaration qu’on a vu que la porte-parole du gouvernement a été nommée et logée à la primature. Parce que loger à la primature signifie qu’il y a un contact direct avec le chef du gouvernement. Donc elle aura une visibilité sur le travail de tous les ministres puisqu’elle est logée au niveau de la primature. Le premier ministre est le patron du gouvernement. Donc c'est tout à fait logique qu'on loge le porte-parole au niveau de la primature. Pour moi, c'est pour des raisons d'efficacité dans la prise de parole, dans les explications, dans les échanges avec les journalistes.
Propos rassemblés par Youssouf SANE
Commentaires (1)
voici qu'on va nous tympaniser avec des annonces mensongères d'aucune utilité pour faire plaisir à Seneweb de remplir chaque jour leur feuille de choux !
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