Etat de Palestine: qui reconnaît, ou pas ?
Après presque deux ans de guerre dans la bande de Gaza, le Royaume-Uni, le Canada et l'Australie ont reconnu dimanche l'Etat de Palestine et devraient être suivis par la France et d'autres pays lundi, à New York.
Questions-réponses autour des reconnaissances diplomatiques de cet Etat proclamé par la direction palestinienne en exil en 1988, alors qu'actuellement Israël occupe la Cisjordanie et que la bande de Gaza est largement détruite.
- Quels pays reconnaissent ou veulent reconnaître l'Etat de Palestine?
Les trois quarts des pays de l'ONU.
Selon les vérifications de l'AFP, au moins 144 pays sur les 193 membres de l'ONU reconnaissent déjà l'Etat de Palestine, l'AFP n'ayant pas obtenu de confirmation récente pour trois pays africains.
Ce décompte inclut le Royaume-Uni et le Canada - premiers pays du G7 à faire une telle reconnaissance - et l'Australie. Ils devraient être suivis par le Portugal, puis plusieurs autres pays (France, Belgique, Luxembourg, Malte, etc.) lundi lors du sommet coprésidé par la France et l'Arabie saoudite sur l'avenir de la solution à deux Etats.
La Russie, les pays arabes, quasiment tous ceux d'Afrique et d'Amérique latine, la grande majorité des pays asiatiques, dont l'Inde et la Chine, sont déjà dans cette liste.
L'Algérie fut le premier pays, le 15 novembre 1988, à reconnaître l'Etat de Palestine, juste après sa proclamation à Alger par le dirigeant historique de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat.
Des dizaines de pays suivront peu après, puis, lors d'une seconde vague, vingt ans plus tard.
La guerre à Gaza menée par Israël en riposte à l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas sur son sol le 7 octobre 2023 a entraîné une nouvelle série de reconnaissances, par déjà douze pays.
- Qui ne reconnaît pas?
Au moins 46 pays actuellement: les Etats-Unis et Israël en premier lieu. Le gouvernement de Benjamin Netanyahu rejette totalement l'idée d'un Etat palestinien et, en 2024, le Parlement israélien a voté une résolution contre sa création.
Egalement des pays alliés de l'un et/ou de l'autre: comme le Japon, la Corée du Sud ou Singapour, en Asie, le Cameroun, en Afrique, le Panama, en Amérique latine, et la plupart des pays d'Océanie.
Le continent européen est le plus divisé, pratiquement à moitié-moitié. Jusqu'aux années 2010, les seuls pays reconnaissant l'Etat de Palestine étaient, outre la Turquie, ceux de l'ancien bloc soviétique. Mais certains, comme la Hongrie et la République tchèque, considèrent aujourd'hui ne pas avoir fait de reconnaissance bilatérale.
Jusqu'au début de la guerre à Gaza, l'Europe de l'ouest et du nord était unanime sur la non-reconnaissance, exception faite de la Suède depuis 2014. Mais en 2024, Norvège, Espagne, Irlande et Slovénie ont suivi la voie de Stockholm, avant le Royaume-Uni dimanche. A l'inverse, l'Italie ou l'Allemagne ne l'envisagent pas.
- Qu'est-ce que la reconnaissance d'un pays?
Une question compliquée en droit international, "un peu à mi-chemin entre le politique et le juridique", selon Romain Le Boeuf, professeur de droit international à l'Université d'Aix-Marseille.
"Les Etats sont libres du moment et de la forme de la reconnaissance", avec des formes "très variables", explicites ou implicites, explique-t-il à l'AFP .
"On n'a pas de bureau d'enregistrement des reconnaissances. L'Autorité palestinienne met sur sa propre liste tous les actes qu'elle estime être des actes de reconnaissance, mais de manière purement subjective. De la même manière, d'autres États vont dire qu'ils ont reconnu ou pas mais sans vraiment avoir à se justifier", poursuit-il.
En revanche, "le droit international est assez clair: la reconnaissance ne crée pas l'Etat, pas plus que l'absence de reconnaissance n'empêche l'Etat d'exister", poursuit M. Le Boeuf, les éléments d'existence d'un Etat étant un territoire, une population et un gouvernement indépendant.
Si la portée d'une reconnaissance d'Etat est "largement symbolique et politique", dans le cas de la Palestine, cela fait quand même trois quarts des pays "qui vous disent que la Palestine réunit les conditions nécessaires" pour être un Etat, souligne-t-il.
"En termes de symbolisme, cela change en quelque sorte la donne", considérait mi-août dans le New York Times l'avocat et professeur de droit franco-britannique Philippe Sands.
"Parce qu'une fois que vous reconnaissez le statut d'Etat à la Palestine, (...) vous placez essentiellement la Palestine et Israël sur un pied d'égalité en termes de leur traitement en vertu du droit international."
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