Maroc, Madagascar, Népal... Qu'est-ce que le mouvement «Gen Z» à l'origine de vastes manifestations à travers le monde ?
Après le Sri Lanka, les Philippines ou encore le Népal, des milliers de jeunes se soulèvent à Madagascar et au Maroc à travers un mouvement baptisé «Gen Z». Nés entre 1997 et 2012, ils entendent défier le pouvoir pour réclamer davantage de droits sociaux.
Un parfum de révolution populaire ? Depuis 2022, une série de soulèvements menée par la génération Z, née entre la fin des années 1990 et le début des années 2010, fait trembler les élites vieillissantes et parfois corrompues de plusieurs pays du «sud global». Après avoir balayé le gouvernement népalais début septembre et secoué dernièrement les Philippines, la vague de contestation dépasse désormais les frontières du continent asiatique pour atteindre Madagascar et le Maroc. À chaque fois, les revendications se ressemblent avec, en toile de fond, une colère sociale et une solidarité numérique.
En 2022, les jeunes Sri-Lankais lançaient le mouvement pour renverser avec succès le clan Rajapaksa au pouvoir depuis près de 20 ans. En 2024, les Bangladais prenaient le relais pour chasser, en six semaines, la Première ministre Sheikh Hasina qui s’accrochait au pouvoir depuis 15 ans. Deux jours à peine ont ensuite suffi à la jeunesse népalaise pour faire tomber leur gouvernement. À chaque fois, le profil des manifestants est le même : des jeunes dont la plupart n'ont pas plus d'une vingtaine d’année, qui font partie de ce que l’on appelle la Génération Z : ces enfants nés entre 1997 et 2012, hyper connectés qui ont grandi avec internet.
Au moins 22 morts à Madagascar
Dans leurs mots comme dans le drapeau pirate tiré du manga «One Piece» qui leur sert de signe de ralliement, les manifestants malgaches de la Gen Z à Antananarivo revendiquent l'influence du «vent de changement» notamment venu du Népal dans la contestation qui embrase l'île. Alors que les manifestations ont fait au moins 22 morts, les protestataires refusent d’abdiquer, et leurs revendications dépassent désormais le ras-le-bol contre les coupures incessantes d'eau et d'électricité. Ils appellent maintenant à la démission du président Andry Rajoelina, qui a promis en réponse la nomination d’un nouveau Premier ministre, appelé à prendre des réformes pour l’île.
Et pour cause : en 2022, 75% de la population de Madagascar vivait sous le seuil de pauvreté de 4.000 ariary par personne et par jour - soit moins de 80 centimes d'euros au cours actuel - d'après la Banque mondiale. Par ailleurs, la jeunesse représente l'écrasante majorité des habitants de l'île, d'après l'Unicef. Quelque 20,9 millions des près de 30 millions de Malgaches avaient moins de 30 ans en 2023. «Vous êtes nombreux à vous demander qui sont la génération Z. Nous ne sommes que des jeunes prêts à changer l'histoire de Madagascar», explique l’un des jeunes porte-paroles du mouvement.
La jeunesse marocaine dans les rues
Même constat au Maroc. Le collectif de jeunes Marocains «GenZ 212», créé avec l’indicatif téléphonique du pays «212» et qui compte près de 150.000 membres sur Discord, a appelé dans la nuit de jeudi à vendredi à la démission du gouvernement, après une sixième soirée consécutive de manifestations pour de meilleurs services de santé et d'éducation, marquées mercredi par des violences meurtrières. Ces manifestations sociales font suite à des protestations qui ont démarré à la mi-septembre dans plusieurs villes après la mort à l'hôpital public d'Agadir de huit femmes enceintes admises pour césariennes.
Cette déclinaison marocaine du mouvement se décrit comme un groupe de «jeunes libres» sans affiliation politique qui revendique «un espace de discussion» sur des questions comme «la santé, l’éducation et la lutte contre la corruption». Il affirme agir par «amour de la patrie et du roi», dans un pays marqué par de profondes inégalités, tant territoriales qu’entre les systèmes public et privé. «Nous demandons la dissolution du gouvernement actuel pour son échec à protéger les droits constitutionnels des Marocains et à répondre à leurs revendications sociales», a déclaré GenZ 212 dans un communiqué adressé au roi du Maroc, Mohammed VI.
Le royaume, qui coorganisera la Coupe du monde 2030 de football avec l’Espagne et le Portugal, a engagé de vastes chantiers d’infrastructures : construction de nouveaux stades, extension du réseau à grande vitesse et modernisation de plusieurs aéroports. «Nous voulons des hôpitaux, pas seulement des stades», ont répété jeudi des jeunes à Rabat, un slogan porté depuis le début de leur mobilisation. Des centaines d’autres ont défilé à Casablanca et Agadir tenant le même discours.
Un drapeau pour emblème
Dans tous ces pays, un emblème a fait surface. Le drapeau pirate de Luffy, héros de One Piece, manga le plus vendu de l'Histoire, s'est imposé en quelques semaines comme le symbole de cette génération de jeunes manifestants. D'abord brandie en Indonésie en août par des citoyens en signe de protestation contre le gouvernement, cette tête de mort coiffée d'un chapeau de paille a été reprise par des manifestants au Népal mi-septembre, avant d’être arborée au Maroc ou à Madagascar. «Luffy, c'est celui qui libère les peuples, qui se bat contre un gouvernement corrompu», expliquent des jeunes manifestants.
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