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Adresse à la nation ce jeudi : Wade face à trois options : Abdiquer, Dialoguer et Contre-attaquer

Auteur: Amadou Oury DIALLO

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Depuis l’embrasement de la rue le 23 juin dernier contre le projet de réforme constitutionnelle, suivi le 27 par les émeutes de l’électricité, le président Wade tardait à s’adresser aux Sénégalais.Il sort enfin de son silence pour s’adresser aujourd’hui à la nation depuis l’hôtel des Almadies.Affaibli, trois options s’offrent aujourd’hui à lui : la contre-offensive, la capitulation ou la reprise d’un dialogue politique sincère avec l’opposition. L’exercice s’avère ardu d’autant qu’il sera confronté à ses partisans qu’à lui-même. 

Parlera, parlera pas ? Finalement, le président de la République Abdoulaye Wade a décidé, exactement vingt jours après, de sortir de l’attitude mutique dans laquelle il s’était emmuré telle une huître depuis les fameux ‘événements’ du 23 juin dernier -fait inédit dans la jeune histoire politique du Sénégal indépendant. Des événements qui avaient vu le régime libéral plier devant la furie populaire rejetant le projet de réforme constitutionnelle visant à instituer un ticket présidentiel et à supprimer le second tour de l’élection. Fait inédit, disons-nous, car c’est la première fois que l’Assemblée nationale, dans l’histoire du Sénégal indépendant, soit contrainte de faire volte-face devant la contestation populaire, dans sa volonté législatrice. A côté, bien sûr, des formations politiques et de la société civile, les mouvements de jeunes, dont le mouvement Y en a marre qui a été le plus en vue, ont porté le combat contre cette énième velléité de tripatouillage de la Constitution. D’aucuns l’ont qualifié de ‘victoire du peuple’ parce qu’ayant renoué avec sa souveraineté longtemps confisquée par une assemblée jugée croupion. D’autres y ont vu un avis de tempête annonçant puis prolongeant celle formidable qui a déferlé dès janvier 2011, sur le Maghreb (Tunisie, Algérie, Maroc, Libye), le Machrek (Egypte) et le Proche-Orient (Syrie, Yémen), emportant, dans son tourbillon, des régimes dictatoriaux mais vermoulus en réalité et annonçant, à en croire certains observateurs, le remake subsaharien du Printemps arabe. Réputé pour sa stabilité et sa longue tradition démocratique, le Sénégal n’a pas usurpé son label de modèle démocratique sur un continent habitué aux coups de force et autres élections truquées. A preuve, l’essentiel des auditeurs qui intervenaient lors de l’émission Appel sur l’actualité sur Radio France internationale (Rfi), n’en revenaient pas sur les manœuvres vaudevillesques que le régime libéral opérait contre les acquis démocratiques du Sénégal.

Wade est pris entre le marteau de la légitime attente sociale et l’enclume des exigences partisanes

Donc la situation était suffisamment grave pour que le chef de l’Etat s’adressât à la nation à l’instar du ‘ Je vous ai compris ! ’ gaullien. Assassinat de Malick Ba suite à l’installation d’une délégation spéciale à Sangalkam ; désaveu du Parlement et défiance populaire envers le régime ; émeutes de l’électricité du 27 juin dernier ; levée de bouclier contre la candidature de Wade à un troisième mandat présidentiel ; lâchage en règle des alliés français par Robert Bourgi interposé, positions radicalisées entre le pouvoir et l’opposition… On le voit, à quelques heures de son adresse à la nation, le président Wade est pris entre le marteau de la légitime attente sociale et l’enclume des exigences partisanes. Le chef du parti libéral semble acculé et les marges de manœuvre sont étroites. Mais que peut donc faire Wade, au-delà de tout numéro d’équilibrisme ? Trois options s’offrent à lui. Primo, la contre-offensive. Au lendemain des événements du 23 juin, la défiance populaire vis-à-vis d’un pouvoir libéral groggy, a atteint son intensité paroxystique. Comment reprendre la main ? Les partisans ont battu le rappel des troupes et promis de répondre désormais ‘œil pour œil dent pour dent’ à ce qu’ils estiment être des ‘attaques’ contre la démocratie. Signe d’énervement, la bataille des idées fait place à celle de la force. Le régime en place et ses troupes, c’est un euphémisme, n’y gagneront rien. Au contraire, celle-ci aura le don d’envenimer une situation déjà tendue. Et accréditer auprès de l’opinion, la thèse que la violence est pour ainsi dire inscrite dans l’Adn du Sopi. Ici, toute contre-offensive ne peut faire sens que sur le plan des propositions. Or, que proposer de neuf, après une décennie de gouvernance libérale émaillée, surtout, de scandales, de concussions, de gaspillages, d’improvisations et autres tâtonnements. Sauf retournement spectaculaire, l’on voit mal l’alchimie reprendre entre Wade, alors mythique Pape du Sopi, et ‘son’ peuple.

Secundo, une capitulation ou renonciation de Wade à un troisième mandat est-elle envisageable ?

Entre entêtement suicidaire de conservation du pouvoir et perspective d’une sortie honorable

La question de la constitutionnalité d’un troisième mandat est au cœur du problème. Opposition, société civile, une bonne frange des constitutionnalistes et, plus récemment encore, la France et les États-Unis d’Amérique, ont clairement pris position contre toute tentative de Wade de briguer la présidence en février 2012. Là, il est en face du dilemme de sa carrière politique. S’il renonce à se présenter pour créer les conditions d’une élection présidentielle démocratique et paisible, il pourra alors s’assurer une sortie honorable dans le droit fil de ses devanciers Senghor ou Diouf, d’un Konaré du Mali, d’un Mandela, ou d’un Chissano du Mozambique. Et ainsi entrer dans la select et, hélas, très fermée aristocratie politique qui fait l’orgueil du continent. Sur le plan domestique, une telle décision de sagesse, en plus d’apaiser le climat socio-politique, aura le mérite de conforter le Sénégal dans son statut de modèle démocratique en Afrique. Mais le pourra-t-il tant la volonté des partisans libéraux- dont Wade au premier chef-, de conserver le pouvoir ‘pendant cinquante ans’ est tenace, quitte à friser l’entêtement suicidaire. Ici aussi, les desseins avoués sont bien connus : parachever les ambitions et travaux présidentiels afin d’entrer définitivement dans l’histoire. Mais les autres desseins moins avouables sont les velléités de succession dynastique à la tête de l’Etat et aujourd’hui tant décriées. L’homme politique français et socialiste Jean Jaurès dit que l’homme politique idéal est, entre autres, celui-là ‘qui fait entrer la volonté dans l’histoire’. Aussi la meilleure manière pour Wade de figurer en bonne place dans les annales de l’histoire est-elle de faire entrer cette volonté-là du peuple sénégalais dans son histoire politique. C'est-à-dire, celle de renoncer à un troisième mandat susceptible d’être la clef de la boîte de Pandore.

Rancœurs et griefs cristallisés entre pouvoir et opposition

Tertio, une offre de dialogue politique sincère à l’endroit de l’opposition politique semble constituer l’une des dernières cartes dont dispose à présent le président. Mais les chances sont minces qu’elle soit acceptée par l’opposition tant, ici aussi, les rancœurs et griefs réels ou allégués, se sont cristallisés de part et d’autre. Déjà, le dialogue de sourds s’est installé depuis longtemps entre les deux camps. Certains membres du camp présidentiel disqualifient d’avance l’opposition pour un quelconque dialogue, car ayant boycotté les législatives de 2007. Fidèle à sa ligne de conduite depuis longtemps éprouvée, l’opposition campe sur ses positions, rejetant toute offre de dialogue. Dernier exemple en date, le Groupe des 6 (composé de six personnalités de la société civile au lendemain des manifestations du 27 juin dernier), a vu son offre de médiation déclinée par l’opposition à moins qu’elle ne soit assortie de certains préalables tels que la renonciation par Wade à sa candidature, l’abrogation des décrets portant découpages administratifs contestés, démission des ministres d’Etat Ousmane Ngom (Intérieur) et Cheikh Tidiane Sy (Justice). En outre, à huit mois de la présidentielle, Bennoo Siggil Senegaal juge, sans doute, absolument contre-productif, de se rabibocher avec un pouvoir libéral très affaibli et impopulaire. Statu quo et impasse.

Au final, le Sénégal est au tournant de son histoire politique au lendemain des ‘événements du 23 juin’ dernier. Aujourd’hui, l’adresse de Wade à la nation, si elle en est une vraiment, permettra sans aucun doute, d’entrevoir la manière dont ce tournant va être négocié dans les prochaines semaines ou les prochains mois.Ce qui demeure sûr est que Wade y joue lui aussi, son destin autant que son héritage politique.

Auteur: Amadou Oury DIALLO
Publié le: Jeudi 14 Juillet 2011

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