Après la manifestation contre le président Diouf en 1999, c'est la deuxième fois que des Sénégalais occupent, hier, les devants de l'Assemblée nationale française pour protester contre leur régime. Même s'ils n'étaient pas nombreux, les manifestants ont voulu faire dans la symbolique et attirer l'attention des députés français sur la situation sénégalaise qu'ils qualifient de ‘désastreuse’.

(Correspondant permanent à Paris) - Ils n'étaient pas nombreux, hier, devant l'Assemblée nationale française. Seule une cinquantaine ont fait le déplacement de la Place du président Edouard Herriot qui fait face au Palais Bourbon. Une grosse banderole met en évidence leur slogan : ‘Wade dégage’, écrite en rouge-sang ! En face des manifestants, quelques policiers armés et en tenues de combats. Micro à la main, le maître de cérémonie, Demba Sow de l'Alliance pour la République, débite ses insanités contre le président Wade et sa famille. Mais aussi contre le Consul général Léopold Faye contre qui, une autre manifestation autorisée sera organisée demain devant le Consulat du Sénégal à Paris. Pendant ce temps, certains manifestants forment de petits groupes, causant sur la main tendue du président Wade à l'opposition que le ‘Groupe des six’ a pu arracher lors d'une audience tenue la veille. Si certains se disent ouverts au dialogue avec des conditions, d'autres opposent un niet catégorique, pensant qu'il faut achever ‘la bête’ avant qu'elle ne puisse se relever. Tous demandent au Mouvement du 23 juin de faire attention à la ruse de Ndiombor (le lièvre).

Malgré tout, la cinquantaine de manifestants n'oublient pas les raisons de leur présence au Palais Bourbon. Au moment où certains distribuent leur mémorandum aux passants et certains députés sortent de l'Assemblée nationale pour déjeuner, Ibrahima Ndiaye du Parti socialiste assène : ‘On est venu prévenir la représentation française. On est venu exprimer au peuple français notre désarroi, notre inquiétude sur ce qui se passe au Sénégal pour que nul n'en ignore, pour que les députés ne puissent pas dire qu'ils n'étaient pas au courant.’ Précisant qu'ils ont laissé leurs ‘boulots respectifs pour maintenir la pression sur le président Wade’. Le camarade d'Ousmane Tanor Dieng demande aux représentants du peuple français d'avoir ‘un œil sur le Sénégal’. ‘Car Abdoulaye Wade est blessé moralement et psychologiquement par les évènements du 23 juin. On leur a dit (les députés français, Ndlr) qu'il ne faut pas que la France ignore ce qui se passe au Sénégal. Elle doit prendre ses responsabilités notamment l'Exécutif français par le biais de son chef, fait savoir Ibrahima Ndiaye. Certains députés ont reçu le mémorandum par la voie électronique’. ‘On compte rencontrer quelques représentants de la commission des Affaires étrangères pour leur parler de vive voix’, informe Ndiaye. Qui ajoute que lui et ses camarades ont créé ‘un comité de veille pour agir et réagir par rapport à ce qui passera au Sénégal’.

De son côté, Abdoulaye Sall de l'Afp préfère retenir ce que représente le fait de manifester devant le Palais Bourbon car c'est ‘une chose inoubliable’. Mais aussi ‘un signal à envoyer au régime libéral de Me Wade’, soutient-il. Avant de marteler : ‘Que le président Wade se présente ou pas, il faut qu'on ait en face un responsable digne de ce nom pour porter l'espoir des Sénégalais afin qu'on ait un autre Sénégal, un autre régime, un autre Parlement pour régler les problèmes des Sénégalais.’

Qant à Sidy Fall du Msu, il appelle à une large union avec les associations sénégalaises de France pour se ‘débarrasser de ce régime’. Pour lui, il faut saisir non pas seulement le Parlement français, mais aussi l'Elysée, Matignon et l'Union européenne pour que Wade cesse de prendre ‘notre Constitution comme un brouillon, de changer les règles de jeu en cours de route’.A 16 heures, à Paris, la police demande aux manifestants d'évacuer la place comme le stipule l'autorisation de manifester. Car c'était au tour des Tamouls d'occuper les lieux.