Calendar icon
Sunday 16 November, 2025
Weather icon
á Dakar
Close icon
Se connecter

Reportage - Meeting de l’Ast : Une foule d’interrogations

Auteur: walf.sn

image

Le camp libéral et ses alliées ont réussi un meeting-monstre samedi 23 juin sur l’ancienne piste. Ils voulaient prouver leur capacité de mobilisation, ce fut fait. Mais comment faire le départ entre les vrais militants et ceux mobilisés à coup de billets de Cfa ? 

Flons-flons, tams-tams, jeunes hommes et femmes en t-shirts et casquettes aux couleurs du Pds et floqués ‘Wade : un vrai bilan’ ou ‘sentinelles de la démocratie’ ou encore ‘Réélection de Wade en 2012’…Le meeting organisé le samedi 23 juillet par les partisans du président en réponse au camouflet du 23 juin dernier, a démontré la machine mobilisatrice du parti au pouvoir et de ses alliés. En effet, dès les premières heures de la journée, au moment où le Mouvement du 23 juin (M23) s’apprêtait à tenir son rassemblement sur la Place de l’Obélisque, des milliers de partisans du Sopi font route vers le siège du Pds situé sur la Voie de dégagement Nord (Vdn). A grand renfort de ‘Ndiaga Ndiaye’ et de ‘cars rapides’. Sur plusieurs centaines de mètres, c’est le go-slow sur la Vdn. Impossible presque d’accéder au lieu en véhicule. Ambiance carnavalesque. Les militants ont afflué de partout. Un chauffeur de ‘Ndiaga Ndiaye’ affirme être venu de Bakel avec sa ‘cargaison de militants’ pour 200 mille francs Cfa.

Ses passagers, visiblement fatigués, soutiennent tous avoir fait l’odyssée pour ‘Maître’. Mais aussi pour le maire de leur cité, Aminata Diallo. Un autre de Kaolack pour 75 mille. Moins fortuné, un jeune conducteur de ‘car rapide’ venu de Yeumbeul (lointaine banlieue dakaroise) reconnaît avoir, lui, empoché 20 mille francs et qu’il juge ‘dérisoire’. Pourquoi les a-t-il donc acceptés ? ‘Au nom du bon voisinage tout simplement, lâche-t-il.’ Avant d’en rajouter amer ‘ces politiciens de quartier ne sont pas sérieux ! Ce sont des millions de francs Cfa qu’ils reçoivent en pareille occasion, mais ce sont des miettes qu’ils nous payent en retour’. En effet, si l’on se fie aux nombreux témoignages recueillis sur place, l’argent a beaucoup circulé pour la mobilisation des ‘militants’. C’est d’ailleurs, une méthode éprouvée à l’occasion de tous les meetings politiques. Mais à des degrés divers selon qu’il s’agit du parti au pouvoir ou de l’opposition.

‘Nous sommes de ‘Y en a marre’. On est juste venu pour le fun !’

Le Parti socialiste (Ps), lorsqu’il était aux affaires, ne lésinait alors pas sur les moyens financiers. Au point que l’opposition d’alors en avait fait un de ses chevaux de bataille. Et exhortait aux militants de prendre l’argent et ensuite de voter pour qui ils veulent car ‘c’est votre argent’, disaient-ils. Mais aujourd’hui, le vent a tourné, donc autre temps autre mœurs. Pour le jeune Sidy de Rufisque, sa mobilisation a ‘valu 2 500 francs, un t-shirt, une casquette et un sandwich pour le déjeuner’. Au moment où Cheikh de Guédiawaye, solide gaillard quand même, avoue avoir touché 5 000 francs. Certains témoignages sont carrément cocasses : deux jeunes de Pikine, T-shirts et casquettes aux couleurs libérales bien criardes, interrogés sur leur présence, répondent : ‘Nous sommes de ‘Y en a marre’. On est juste venu pour le fun !’

Du côté des ‘mamans’, impossible de les faire parler. Du moins, consentent-elles à dire qu’elles sont là parce que le groupement des femmes, les membres de la tontine du quartier y ont été conviées. Visiblement fatiguées, hagardes à cause de la chaleur, de la faim, de la soif mais aussi de l’attente, elles déambulent lentement vers l’ancienne piste, lieu de la manifestation. ‘La plupart de ces femmes et jeunes filles que vous voyez-là, ne croient pas à ça et ne sont pas, encore moins, conscientes des enjeux en cours. Elles sont tout simplement du bétail électoral !’, assène, sévère, une de leurs congénères. Qui se dit ‘simple curieuse venue voir comment se passent les choses’.

15 heures

Tandis que les deux voies de l’ancienne piste refusent du monde, sur fond de musique hip-hop, de tams-tams et de sifflets, les dignitaires du Pds et les alliés s’installent un à un sur l’énorme estrade dressée, pour l’occasion, à l’entrée du boulevard du côté de Mermoz. Ballet incessant de voitures et bousculade de garde du corps sur les dents. Il faut jouer des coudes pour se frayer un passage.

16 heures

Le président Wade sort de la Mercedes présidentielle noire S 500, accompagné de sa femme Viviane Wade. L’hystérie s’empare de la foule qui galvanise son champion. Après la fusion grisante avec les militants, salamalecs avec les membres du parti et les alliés.

‘Rfi vient d’annoncer que deux millions cinq cent mille personnes ont pris part au meeting !’

Tout le monde est là : le directeur de campagne Souleymane Ndéné Ndiaye, le président du Sénat, Pape Diop, le président de l’Assemblée nationale, Mamadou Seck, Djibo Kâ, Iba Der Thiam, le coordonnateur de l’Alliance Sopi pour toujours (Ast), Aliou Dia, Mamadou Diop Decroix, le fils, Karim Wade…Babacar Gaye, le porte-parole du Pds joue au maître de cérémonie et distribue la parole aux dix-neuf intervenants qui ont précédé Wade. Tous, d’Awa Diop, Abdourahim Agne du Parti de la réforme (Pr) via Aminata Diallo l’édile de Bakel, à Alé Lô…, ont bien sûr, brocardé l’opposition, célébré l’œuvre du chef, défendu le bien-fondé de sa candidature et vaticiné sur sa réélection en février 2012 sous les vivats des militants. Le garde des Sceaux Cheikh Tidiane Sy qui, à l’occasion, a jeté son masque patibulaire, s’est révélé taquin et a chaudement félicité Mamadou Seck après son speech musclé. Enfin, la chanteuse Kiné Lam, pour clore ce long moment dithyrambique, liste les faits d’arme de Wade, dans une envolée très applaudie, ‘constitutionnalisation du droit à la marche, loi sur la parité, Monument de la renaissance africaine, troisième Festival mondial des arts nègres… ’. Comme pour convaincre de la mobilisation monstre du Pds, Babacar Gaye exulte et annonce que ‘Radio France internationale (Rfi), un observateur neutre (sic), vient d’annoncer que deux millions cinq cent mille personnes ont pris part au meeting !’

18 h 40

Wade est annoncé. Il avance, dans son grand boubou bleu, coiffé d’un bonnet blanc et d’une écharpe blanche, lui donnant l’allure d’un vieux dignitaire wolof, près de la foule déchaînée, comme pour opérer la fusion magique avec celle-ci et dont il est grand amateur. Pendant une quarantaine de minutes, ‘Gorgui’ remercie les chefs religieux, promet plus d’emplois à la jeunesse, se félicite de l’ancrage de la démocratie au Sénégal et tutti quanti.

19 h 21

Les rideaux tombent sur la manifestation, comme on peut s’y attendre, dans un tohu-bohu total. Pour cette journée-là, le parti libéral, il faut le dire, a réussi le pari de la mobilisation populaire. Reste celui des urnes. Mais en attendant, il faudra régler la dangereuse question de la recevabilité de la candidature de son champion. A coup sûr, la bataille ne fait que commencer.

DISPOSITIF SECURITAIRE : L’œil de Big Brother

Aux grands jours, les grands moyens. Sur le plan de la sécurité, on n’a pas lésiné sur les moyens pour sécuriser le meeting du samedi 23 juillet du Pds. Pour assurer le service du maintien d’ordre, un millier d’éléments de la gendarmerie nationale ont été déployés sur le terrain. Des unités de renfort ont été appelées à la rescousse, telles que les escadrons de surveillance et d’intervention (Esi), la Légion de gendarmerie d’intervention (Lgi) de Mbao… La sécurité rapprochée du président Wade était assurée par les éléments du Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (Gign), son unité d’élite. Ces tireurs d’élite de la gendarmerie étaient bien visibles sur certains toits des immeubles avoisinants et à l’intérieur de ceux-ci, tout l’attirail nécessaire et fusil d’assaut M16 au poing, prêts à intervenir. Le Gign est l’équivalent de la Brigade d’intervention polyvalente (Bip) de la Police nationale. Pourquoi la Police n’était pas présente comme lors de certains rassemblements politiques ? Est-ce dû à la tension tant annoncée et redoutée ? ‘C’est indifférent. La police aurait pu assurer le service d’ordre comme la gendarmerie l’a fait’, explique le capitaine Pape Ibrahima Diop, chargé de la communication de la gendarmerie. Idem, à l’entrée des grandes artères de la capitale (Ecole normale supérieure sur l’avenue Bourguiba, Mermoz, Vdn…) et même au rond-point de Poste Thiaroye. Même souci du côté des barons du Pds venus assister au meeting. Des malabars recrutés chez les lutteurs et autres, vêtus de t-shirts noirs, ne les quittaient plus, sitôt descendus de l’estrade, bousculant tout sur leur passage. Et pour couronner le tout, un hélicoptère de l’armée de l’air dont l’assourdissant bruit des rotors distrayait souvent la foule, ne se lassait de tournoyer dans le ciel. Attention Big Brother vous surveille !

TRANSHUMANCE POLITIQUE : C’est à ne rien y comprendre !

Au Sénégal, c’est le moins que l’on puisse dire, la tectonique des plaques politiques est extrêmement mouvante ! On dérive comme on peut. Finalement, la notion d’idéologie politique en arrive à perdre tout son sens. S’il est vrai que l’homme est un animal politique, ces animaux politiques-ci (car ils transhument au gré de la verdeur des pâturages) sont bien étranges. Jugez-en plutôt : lors de son meeting, Wade était entouré de politiques qui l’avaient farouchement combattu, durant les années incandescentes de l’opposition. Au premier rang avec lui, on pouvait apercevoir Djibo Ka, celui-là même qui n’avait pas hésité à rallier Diouf à l’entre-deux tours de la présidentielle de 2000 ; Iba Der Thiam qui n’était pas du tout tendre avec le ‘diable qui sort de sa boîte !’ ; Aida Mbodj qui lui donnait du ‘Fantomas’ ; Ousmane Ngom qui avait quitté la maison de ‘celui qui parle comme un démocrate mais agit en autocrate !’ pour le Ps et qui est revenu… On pouvait aussi voir derrière, Abdourahim Agne, Alé Lô, Alassane Dialy Ndiaye, Adama Sarr tous d’anciens barons du Ps, Mamadou Diop Decroix (ex-Aj)…

Tandis que quelques heures plus tôt, ses plus proches lieutenants naguère (Jean-Paul Dias, Idrissa Seck, Aminata Tall, Macky Sall), se joignaient aux forces du Mouvement du 23 juin (M23) et de la société civile, pour empêcher leur ex-chef de briguer un troisième mandat présidentiel. Il est vrai que les raisons et autres motivations varient en fonction de ces ci-devant personnages. Il est vrai qu’en certaines circonstances, la notion d’union sacrée à un sens. Mais c’est à ne rien y comprendre en fin de compte. Même en France, tout de même, patrie de ces notions de gauche/droite, on n’y croit plus trop !

 
Auteur: walf.sn
Publié le: Lundi 25 Juillet 2011

Commentaires (0)

Participer à la Discussion