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Wednesday 03 September, 2025
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« Future of Africa » : Le podcast qui veut amplifier la voix de la jeunesse africaine

Auteur: Moustapha TOUMBOU

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« Future of Africa » : Le podcast qui veut amplifier la voix de la jeunesse africaine

Pour sa première saison, axée autour du thème « Pleins feux sur la voix mondiale de l’Afrique », ce podcast comprendra sept épisodes. Publié le 12 août dernier, lors de la journée internationale de la jeunesse, le premier numéro a porté sur le rôle de l’Afrique sur la scène mondiale. Initiative de l’Envoyé de l’Union africaine pour la jeunesse, la Fondation des Nations Unies et The Elders en collaboration avec le Podcast Global Dispatches, « Future of Africa » invitera plusieurs personnalités de marque dont Serigne Mbaye Thiam, Président du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) et Ministre de l’Éducation du Sénégal, Juan Manuel Santos, ancien Président de la Colombie, lauréat du Prix Nobel de la Paix, Chido Mpemba, anciennement Envoyé spécial de l’Union africaine pour la jeunesse et actuellement Conseiller du Président de la Commission de l’Union africaine axé sur les femmes, le genre et la jeunesse et tant d’autres. Dans un entretien accordé à Seneweb, Malick Mbengue Fall, directeur de programme à Open Society, revient sur le bien fondé de ce projet et les défis de la jeunesse africaine.

Le podcast The Future of Africa place la jeunesse au centre des débats mondiaux. En tant que Manager de Programmes à la fondation Open Society, comment percevez-vous ce rôle croissant des jeunes Africains dans l'élaboration des politiques mondiales ?

Les jeunes Africains refusent désormais d’être confinés au rôle de simples bénéficiaires de politiques décidées par d’autres. Ils veulent être acteurs et co-constructeurs de leur quotidien, en s’invitant et réclamant une place réelle à la table de décision. Ce changement de paradigme est observable au niveau national et international. En 2024, les mouvements de revendication citoyenne au Kenya, Nigeria et Sénégal, traduisent la volonté d’une génération à inventer ses propres modes d’expression, à travers la mobilisation numérique, les actions directes, la solidarité panafricaine. Au niveau international, les initiatives de la jeunesse africaine portent sur la nécessité de repenser le système financier international pour une justice fiscal, restructurer la dette publique, appuyer la justice climatique et repenser la relation asymétrique avec le Nord global

La jeunesse joue un rôle de plus en plus important en raison de son influence, son dynamisme et son poids démographique. L’Afrique est le continent le plus jeune du monde, avec plus de 60 % de sa population âgée de moins de 25 ans. Cette jeunesse, connectée grâce aux technologies numériques, s’impose désormais comme une force collective qui influence les débats internationaux sur le climat, la gouvernance mondiale, la justice sociale, la migration, la paix et la sécurité.

Le rôle croissant des jeunes contribue à corriger le gap longtemps laissé par la marginalisation du continent dans des affaires mondiales, en donnant plus de poids à ceux qui représentent l’avenir démographique de la planète. En définitif, on peut percevoir cette montée en rôle comme un levier puissant de transformation des rapports de force mondiaux

L'un des épisodes est consacré à l'avenir de l'éducation sur le continent. Quels leviers considérez-vous comme prioritaires pour que les systèmes éducatifs africains répondent véritablement aux besoins d'une génération appelée à construire l'économie de demain ?

Il y a 3 leviers importants sur lesquels il faut travailler, notamment l’accès, la qualité, et l’employabilité dans l’innovation technologique. Selon les projections démographiques, la population de l’Afrique sera de 2,5 milliards en 2050, avec les 0>18 ans qui feront 1 milliard et une population scolaire de 450 millions. Il est impératif de garantir le droit à l’éducation pour tous. Les besoins en termes d’infrastructure sont de 9 millions de salles de classe, 9,5 millions d’enseignants d’ici 2030, selon l’UNESCO. Pour résorber ce gap, il faut la construction de 400,000 nouvelles salles de classe par an, sur 20 ans. Ces besoins d’investissement doivent être cumulés avec des stratégies pour maintenir les élèves dans le circuit scolaire et lutter contre les disparités territoriales. En 2025, des élèves font toujours des cours dans des abris-provisoires ou à l’ombre des arbres. Les régions en crise, ont besoin d’une attention particulière, notamment au Sahel, au Soudan, à l'Est de la RDC etc.

Il y a des progrès réels quant à la qualité des apprentissages dans plusieurs pays, mais ces progrès restent inégaux, avec des zones de stagnation ou de recul, notamment en milieu rural, pour les élèves les plus vulnérables ou en zone de conflit. Beaucoup d’élèves terminent l’école primaire sans savoir lire un texte simple ou résoudre une addition de base. Il faut impérativement travailler à améliorer la qualité en utilisant les leviers du recrutement, la formation et l’amélioration du traitement des enseignants. Il faut aussi repenser l’utilisation des langues locales dans l’apprentissage et réformer les curricula.

Il faut repenser les offres de formation pour les adapter aux réalités économiques et sociales des pays. Il urge de les aligner avec les besoins actuels et futurs du marché du travail, notamment sur l’économie numérique, les énergies renouvelables, l'agriculture durable, la santé, les sciences et l'innovation. Il faut revoir le décalage entre la théorie et la pratique en intégrant davantage de stages, d’apprentissage par projet, de formation en milieu professionnel, d’appui à l’entreprenariat et au développement de soft skills.

En 2025, une étude de Full Scale indique qu'il existe un écart critique de talents en Intelligence Artificielle (IA), avec 4,2 millions de postes non pourvus à l'échelle mondiale, tandis que seulement 320 000 développeurs qualifiés sont disponibles. Il s’agit-là d’opportunités de formation sur un domaine porteur qui va accueillir des centaines de milliards d’investissement dans les 30 prochaines années. L’Afrique a une carte à jouer mais il faut des investissements sur les infrastructures, la formation et la recherche.

Ce programme met en lumière la confiance dans les institutions démocratiques comme l'une des priorités. Quel rôle l'éducation peut-elle jouer pour renforcer cette confiance et pour préparer des citoyens mieux armés face aux défis démocratiques ?

Le rapport 2024 d’Afrobarometer présente un déclin significatif depuis une dizaine d’années du niveau de confiance des citoyens dans les institutions politiques. Les raisons avancées sont les mal gouvernance, les performances décevantes en matières économique, sociale et sécuritaire, déficit démocratique et émergence de contre-pouvoirs concurrents.

Il est important que l’éducation ne soit pas seulement vue comme un processus d’acquisition de connaissances, mais comme un espace de construction de la sociabilité. Il faut lui redonner ce rôle dans la construction de la citoyenneté, du vivre ensemble et de la construction d’une identité collective au-delà des différences particulières. L’école a son rôle à jouer en termes d’éducation civique, de développement de la pensée critique, le débat et l’analyse. La famille et la collectivité ont leur rôle à jouer en termes de construction de la tolérance, l’engagement et du service à la communauté. L’éducation et l’esprit critique restent les meilleurs moyens pour lutter contre la désinformation et la propagande des forces anti-démocratiques.

L’éducation est un aspect important dans la construction de la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques mais à elle seule, ne saurait construire un système viable. Il faut que les systèmes démocratiques soient en mesure de donner de la dignité aux citoyens en leur permettant de vivre décemment, d’avoir accès aux services, que leurs droits soient garantis, que leurs voix soient entendues.

Le podcast aborde également le lien entre climat, paix et sécurité. Selon vous, comment l'éducation et la formation peuvent-elles contribuer à construire des solutions durables à ces défis multidimensionnels ?

L’Afrique est profondément touchée par les questions de climat et de sécurité. Elle contribue entre 3 et 4% des gaz à effet de serre mais subit de plein fouet les effets du changement climatique. Elle est le continent le plus touché par les conflits avec près de la moitié des conflits armés dans le monde.

L’éducation joue un rôle crucial dans le combat pour le climat, la paix et la sécurité en Afrique. Sur le climat, il nous faut protéger les écosystèmes, repenser nos modes de production et de consommation. L’éducation environnementale a un rôle important à jouer, notamment par l’intégration dans les curricula scolaires de la gestion durable des ressources, l’agroécologie, les énergies renouvelables et l’adaptation au changement climatique. Il est important aussi de penser à des passerelles pour toucher les millions d’enfants et de jeunes qui ne sont pas en milieu scolaire. Selon l’UNESCO, jusqu’à 60% des jeunes entre 15 et 17 ne sont pas scolarisés en Afrique. Cela demande de l’innovation dans l’approche pour identifier et toucher ces cibles. Il faut aussi utiliser la formation professionnelle, pour préparer des générations d’experts spécialisés sur les pratiques agricoles résilientes, la gestion de l’eau, la protection des forêts et des écosystèmes marins.

L’éducation a aussi un rôle important à jouer sur la promotion de la paix et la sécurité. Elle doit intégrer les valeurs de tolérance, respect de la diversité, le dialogue et la non-violence. Les programmes éducatifs doivent aussi outiller les jeunes à pouvoir déceler les stratégies de propagande et recrutement des groupes extrémistes.

Il faut aussi que l’éducation intègre les mécanismes endogènes de résolution des conflits. Il s’agit-là de ressources très peu mobilisées mais qui ont déjà fait leur preuve. Sans les idéaliser, Les Gacaca du Rwanda ont permis à ce pays de réussir la réconciliation et la réintégration de sa société après le génocide de 1994. Le cousinage à plaisanterie permet de désamorcer les tensions par l’humour et la dérision entre ethnies ou famille. Il sert de soupape de prévention des conflits. Le modèle de l’arbre à palabre est aujourd’hui utilisé dans les maisons de justice, au Sénégal pour résoudre les conflits de voisinage et désengorger les juridictions.

Cette initiative repose sur le dialogue intergénérationnel. Fort de votre expérience, comment concevez-vous l'équilibre entre l'expérience des décideurs établis et l'audace des jeunes leaders pour porter la voix de l'Afrique sur la scène internationale ?

Il faut le reconnaître, l’époque où les jeunes jouaient le rôle de spectateur dans les discussions sur leur destin est révolue. Ils ont fait émergé des nouvelles pratiques d’engagement direct, souvent numériques, horizontales et plus inclusives. Ils veulent être acteurs immédiats plutôt que spectateurs de leur histoire. Cette approche remet en cause les médiateurs classiques qui avaient le monopole de la représentation du continent. Il faut cependant reconnaître que ces innovations citoyennes des jeunes ont des limites.

Les mouvements sont souvent éphémères et manquent de structures solides pour maintenir la mobilisation à long terme. Ils sont acéphales avec une faible structuration qui les exclut souvent des négociations. Ils se passent en ligne avec des difficultés à définir une plateforme de revendications unifiées. Et ils sont vulnérable à la récupération politique

Les dialogues intergénérationnels peuvent aider à construire des passerelles pour permettre aux aînés de partager leur expérience des organisations, de la négociation et de la durabilité des luttes. Ils peuvent aider les jeunes à institutionnaliser leurs revendications et ouvrir les portes des institutions pertinentes pour le changement. Les jeunes apportent leur créativité, rapidité et maîtrise du numérique aux aînés. Les dialogues intergénérationnels peuvent permettre de co-construire des solutions durables reposant sur l’expérience des aînés et la capacité de mobilisation rapide et innovante des jeunes. Cela permettra d’inscrire l'activisme et les innovations citoyennes dans une histoire collective plutôt que dans des mobilisations isolées.

Auteur: Moustapha TOUMBOU

Commentaires (2)

  • image
    Dramé il y a 2 heures

    Grand Malick Qu'Allah te Facilite madhaAlah.

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    Mamadou il y a 31 minutes

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