L’hypercholestérolémie, ce fléau silencieux, progresse à pas feutrés au Sénégal, porté par des changements de mode de vie tels qu’une alimentation riche en graisses, la sédentarité et le manque de dépistage. En ce 12 août 2025, ses conséquences – infarctus, AVC, hypertension – inquiètent de plus en plus, notamment dans les zones urbaines. Dans cet entretien accordé à Seneweb, la cardiologue Dr Oumou Kébé Bah décrypte ce phénomène en expansion et appelle à une prise de conscience urgente.

Qu’est-ce que l’hypercholestérolémie ?

« Le cholestérol n’est pas mauvais en soi », explique Dr Oumou Kébé Bah. « Il est naturellement produit par le corps, car il est essentiel à la fabrication des hormones, des membranes cellulaires et de la vitamine D. Le problème survient avec un excès, notamment du “mauvais cholestérol” (LDL), qui s’accumule sur les parois artérielles et finit par les obstruer. À l’opposé, le “bon cholestérol” (HDL) agit comme un nettoyeur, ramenant l’excédent vers le foie. » Cet équilibre délicat est souvent perturbé par notre mode de vie.

Une maladie qui ne prévient pas alors ?

L’hypercholestérolémie est insidieuse : elle ne présente aucun symptôme pendant des années, et on peut la découvrir brutalement lors d’un infarctus ou d’un AVC. Les rares signes visibles, comme de petites taches jaunes autour des yeux ou des nodules graisseux sous la peau, restent exceptionnels et ne suffisent pas à alerter.

Alimentation, mode de vie mais aussi génétique ?

Si les habitudes alimentaires modernes sont fortement incriminées, le facteur génétique joue aussi un rôle. Certaines familles produisent excessivement de cholestérol, même chez de jeunes actifs. Cependant, selon la cardiologue, l’augmentation actuelle est liée à une transformation radicale de nos consommations. Autrefois, nos repas étaient simples et locaux – mil, poisson, café Touba – alors qu’aujourd’hui, croissants, fromages fondus, jus industriels et céréales sucrées dominent. Nous avons adopté le modèle alimentaire occidental, sans en reprendre les campagnes de prévention.

Les dégâts sur le cœur et les artères ?

Un excès de LDL favorise la formation de plaques d’athérome, qui rétrécissent puis obstruent les artères. Cela entraîne des maladies cardiovasculaires, de l’hypertension et une insuffisance rénale. « Ce n’est pas qu’un chiffre sur une analyse », insiste Dr Kébé Bah, « c’est un facteur majeur de mortalité. »

Une réalité préoccupante au Sénégal, quelles sont les données ?

Les chiffres sont éloquents : en milieu urbain, un adulte sur trois souffre d’un trouble lipidique. Dans les services de cardiologie, plus de la moitié des patients hospitalisés présentent un mauvais cholestérol élevé. Les femmes ménopausées et les jeunes urbains sont de plus en plus touchés.

Prévenir reste la solution ?

Oui, et la bonne nouvelle est que des mesures simples peuvent réduire les risques. Il s’agit de revenir à une cuisine locale et moins grasse – fruits, légumes, céréales locales, poisson – en limitant fritures, viandes grasses et produits transformés ; de bouger au moins 30 minutes par jour avec de la marche, de la danse, du jardinage ou un sport ; de réaliser un bilan lipidique dès 30-35 ans, surtout en cas d’antécédents familiaux. Si les taux sont trop élevés, un traitement médicamenteux, souvent à vie, est prescrit, mais toujours accompagné d’une hygiène de vie saine.

Le conseil du médecin…

Le cholestérol est comme une dette silencieuse : on l’accumule sans s’en rendre compte, et un jour, on paie, parfois au prix de sa vie. Ce n’est ni une maladie réservée aux riches, ni une fatalité. C’est un avertissement, une opportunité de changer avant qu’il ne soit trop tard.