Le Pr Adama Faye, chercheur spécialiste en santé publique, a mis en lumière les défis sanitaires auxquels le continent africain est confronté, lors d’une présentation à la huitième conférence annuelle de l’Africa Forum for Research and Education in Health (Afrehealth), ouverte ce lundi à Dakar. Cette rencontre réunit chercheurs, experts et décideurs autour du thème : « Repenser la santé publique dans un monde globalisé ». Pour le Pr Faye, l’Afrique doit miser sur la recherche et ses ressources humaines pour asseoir une santé publique solide.

Les grands défis à relever

Pour le Pr Faye, la mondialisation a transformé le monde en un « village planétaire », mais elle a aussi rendu les crises sanitaires plus fréquentes et plus rapides dans leur propagation. « Les pandémies sont désormais de plus en plus rapprochées. C’est un effet direct de l’interconnexion mondiale », a-t-il rappelé. Il a insisté sur la nécessité pour l’Afrique de renforcer ses systèmes de santé afin de mieux anticiper ces chocs. Si les maladies infectieuses continuent de mobiliser l’essentiel des financements internationaux, le Pr Faye alerte sur une menace grandissante : les maladies non transmissibles. Au Sénégal, certaines régions affichent une prévalence du diabète de 17 % et de l’hypertension de 27 %. « Ces chiffres révèlent l’ampleur d’un problème de santé publique majeur. Sur le cancer, nous n’avons pratiquement aucune donnée fiable, ce qui illustre le retard du continent en matière de recherche et de statistiques sanitaires », a-t-il souligné.

Financement et gouvernance

Selon le Pr Faye, la dépendance de l’Afrique aux financements extérieurs empêche la mise en place de stratégies durables. « Tant qu’il n’y aura pas de financement endogène, nous ne pourrons pas avancer », a-t-il averti. Au-delà de la question financière, il a insisté sur la nécessité d’une gouvernance transparente, inclusive et participative, condition essentielle pour renforcer la confiance et l’efficacité des politiques de santé. À ces défis s’ajoutent les enjeux environnementaux. Le changement climatique, l’urbanisation non maîtrisée et la pollution aggravent les menaces pesant sur la santé publique africaine. « Si nous ne faisons pas attention, le défi climatique risque d’annuler tous les efforts réalisés dans les autres secteurs », a-t-il mis en garde. Face à ces défis, le Pr Faye appelle à une refondation décoloniale de la santé publique africaine.

Les recommandations

Le Pr Faye recommande de construire une souveraineté sanitaire et pharmaceutique à l’échelle sous-régionale, d’investir massivement dans la recherche locale et la formation des ressources humaines, de développer des systèmes de collecte et d’analyse de données fiables appuyés par l’intelligence artificielle, et de promouvoir des coopérations équitables Nord-Sud et Sud-Sud. « Il faut sortir des logiques de colonialisme, de capitalisme et de sexisme, et construire une santé publique qui réponde aux réalités africaines », a-t-il affirmé. Avant de lancer un appel aux décideurs africains : « Ensemble, transformons notre vision de la santé publique pour un avenir plus équitable et résilient. L’Afrique doit s’approprier son destin sanitaire et développer des solutions ancrées dans ses priorités. »