Le marché de Sandaga regorge de beaucoup de types de commerces. Des produits alimentaires, aux tissus, en passant par le mobilier, l’habillement, tout y est vendu. Mais au cœur de ce marché est niché un coin bien particulier, qui est dédié aux jeunes filles et qu’on nomme communément «Ruxxu disquette». Une manière pour les commerçants établis en ce lieu de se différencier des autres vendeurs du marché. Ceci, tant par les articles qui y sont vendus que par le genre humain qui le fréquente. Difficile de faire un tour à «Ruxxu disquette», un coin situé sur le prolongement de la rue Sandiniéry, derrière le centre commercial, sans sentir cette forte présence féminine, car on n’y rencontre essentiellement que des filles et des jeunes dames. Du reste, les quelques hommes qui s’y aventurent attirent aussitôt l'attention des vendeurs peu habitués à les voir en cet endroit. En ce lieu, en effet, les rares hommes à faire partie du décor, ce sont les marchands qui y sont établis. 
Situé au coeur du marché, à quelques encablures du célèbre rond-point Sandaga, l'endroit est le plus animé du secteur. En ce début d'après-midi de mardi, les va-et-vient sont intenses. Des groupes de filles passent et repassent. Le nombre important de marchants rend la circulation difficile. «Ruxxu disquette» est constituée en fait de deux petites ruelles. En ce lieu où se faufilent les vendeurs, toute fille qui passe est prise pour une cliente potentielle. Et d’ailleurs, tous les moyens sont bons pour aborder une cliente ici. «Chérie !», «Bébé», «Belle fille» etc. sont, entre autres, les qualificatifs dont usent à souhait les commerçants pour appâter les passantes. Mieux, certains vont même jusqu'à donner des noms de star comme «Rihanna», «Beyonce» ou «Ciara» à ces jeunes filles pour les attirer. Et force est de constater que c’est là une stratégie marketing qu'ils semblent bien maîtriser, vu leur manière de faire. 
Sur cet espace du marché Sandaga, on retrouve par ailleurs tout un cocktail de bruits. Une pollution sonore telle qu’il est difficile de distinguer un quelconque message, entre les bruits de marchandages des clients et vendeurs, les sons de mbalax que distillent les hauts parleurs installés ça et là, et les décibels sortant des mégaphones des uns et des autres. Autre aspect bien singulier de ce lieu, c’est l’odeur des articles neufs qui pique les narines. Le tout sur fond de couleurs arc-en-ciel, avec ces nombreux habits qui constituent les décors des étals et des boutiques. 
Ici, on trouve en effet tout ce dont la gent féminine a besoin pour se faire belle. Les jeans de fripe, les chemises, bodys, jupes et pantalons occupent presque tous les étals. De même, la lingerie féminine est au rendez-vous. Il y en a du reste pour tous les goûts, toutes les couleurs, toutes les tailles, tous les genres. Et toute la marchandise qui inonde ce lieu colle à la mode qu'adoptent les jeunes filles branchées. Toutefois, le lieu s’ouvre aussi aux dames. On trouve ainsi des pots d'encens, des petits pagnes de nuit, des bin-bin et autres perles... 
L'endroit est plus animé les débuts d'après-midi, aux heures de pause, selon ses occupants qui relèvent que les clients viennent également parce que le lieu regorge de produits cosmétiques de grandes marques. Des produits originaux ou contrefaits achalandent en effet les étals et rayons des cantines donnant à ce coin des allures de bazar de produits pour femmes. Comme par hasard, on ne passe jamais par cet endroit sans acheter un quelconque produit ou effet. Et en termes de notoriété, «Ruxxu disquette» n'a rien à envier aux grands centres commerciaux qui pullulent dans Dakar. Car l'endroit reste très prisé et constitue le coin secret des jeunes filles branchées. 

Les jeunes filles branchées de la capitale n'ont pas choisi par hasard de se rendre à «Ruxxu disquette» pour faire leurs achats. Elles sont attirées dans cet espace commercial par les prix abordables des articles qui leur sont proposés et aussi par la bonne qualité des marchandises. 
Croisée sur les lieux, les mains encombrées de sachets contenant des habits, Rama Sow, une jeune fille qui venait a peine de finir ses emplettes, explique : «Je préfère venir à ‘Ruxxu disquette’ parce que j'y trouve tout ce dont j'ai besoin. Des habits, des sacs, des chaussures et tous les accessoires sont disponibles à des prix très abordables et à la portée de toutes les bourses. De surcroît, les marchandises sont de très bonne qualité. À chaque fois que j'ai envie de faire du shopping, comme aujourd'hui, je viens ici». 
Dans le même sillage, Nafy Ndiaye, qui avait fini de marchander avec un vendeur de chaussures, indique être venue acheter des chaussures et un pantalon : «Je suis venue à ‘Ruxxu disquette’ parce que les prix sont à ma portée et les marchandises de bonnes qualité. Ici, avec 1000 francs et parfois même 500 francs, je peux me payer un joli haut. Les chaussures, elles, ne coûtent que 2000 ou bien 2500 francs». 
Également rencontrée dans ce coin du marché Sandaga, Rougui renseigne avoir déjà acheté deux pantalons et des chemises et à des prix très abordables. «Et c'est justement grâce aux prix accessibles et à la bonne qualité des produits que je viens ici. Parce qu’ailleurs, il est difficile de trouver des produits de la même qualité à des prix aussi accessibles», indique-t-elle. 
Il faut signaler qu'à «Ruxxu disquette», ce ne sont pas seulement les jeunes filles qui viennent acheter. À en croire les vendeurs, des grandes dames, dont des driankés, viennent aussi y faire leurs emplettes. Parce que outre les habits et accessoires pour jeunes filles, il y a également en ce lieu un commerce florissant de «cuuraay» (encens), de «bin-bin» (ceintures de perles) etc. très prisés par les grandes dames. 

«Ruxxu disquettes», cet espace situé sur la rue Sandiniéry, en plein marché Sandaga, présente la particularité d'être un coin où l’on ne vend que des articles féminins, mais qui est contrôlé par des hommes. L'écrasante majorité de ceux qui y font le commerce de lingeries, d'habits, de chaussures, de sacs etc. est constituée en effet d’hommes. Interpellés sur les raisons qui justifient cette particularité, les commerçants y vont chacun de sa petite explication. 
Trouvé devant son étal, Doudou Ndoye, vendeur de sacs et de chaussures pour femmes, souligne : «Depuis 1985, je suis dans ce milieu et je ne vends que des accessoires féminins. Parce que tout simplement vendre des matériels et des accessoires pour femmes est beaucoup plus rentable. Les hommes n'ont pas tendance à faire des achats régulièrement, alors que les femmes, dès qu'elles ont de l'argent, à n'importe quelle période, elles viennent acheter. C'est pourquoi je me suis lancé dans la vente d'accessoires pour femmes». 
Sur la présence plus forte des hommes dans cet espace, il souligne qu’il n'y a que «des marchands ambulants à ‘Ruxxu disquettes’. Et ce travail est pour les hommes. Rares sont les filles qui sont des marchands ambulants. C'est ce qui explique cette particularité dans ce milieu». 
Dans le même registre, Ass Sène, un autre vendeur, de noter que «cette situation découle simplement du fait que, tout au début, il n'y avait pas de boutiques dans ce coin. Il n'y avait là que des marchands ambulants qui venaient proposer leurs produits. Et puisqu'il n'y avait pas à cette époque les marchés hebdomadaires pour vendre les habits et des accessoires féminins, les marchands ambulants qui étaient ici ont commencé à prendre des choses pour femmes». 
Poursuivant ses explications, notre interlocuteur révèle : «C’est après l'alternance, en 2000, lorsque le gouvernement nous a permis de vendre dans ce lieu qu’on s'est installés et l’on a continué à vendre des articles pour les femmes. C'est ce qui explique le fait qu'il n'y a que des hommes qui vendent ici. Parce que ce commerce n’était pas ouvert aux femmes, au début, la situation est restée ainsi jusqu’à nos jours». 
De son côté, Babacar Ndao, installé dans cet espace depuis 20 ans, informe : «Ici, c'est le coeur de Sandaga. La plupart des commerçants sont des hommes et ils ne vendent que des accessoires et des habits pour femmes. Parce que tout simplement ce sont des marchands ambulants. C'est très rare de voir des filles faire le métier d'ambulant, parce que c'est un métier très dur. C'est ce qui explique cette particularité de ‘Ruxxu disquettes’ et en fait un marché d’articles féminins tenu par des hommes. Mais il faut signaler qu'il y a quelques femmes qui viennent maintenant pour installer leur commerce ici». 

Le choix du nom «Ruxxu disquettes» (coin des jeunes filles) pour baptiser ce lieu niché en plein cœur du marché Sandaga n'est pas fortuit. Le nom sied en effet à merveille aux articles qui y sont vendus, bien qu’auparavant, le commerce était interdit en ce lieu d’où les marchands avaient même été expulsés. L'évolution des choses a fini par modifier les contours de ce coin qui a été finalement baptisé «Ruxxu disquettes», il y a une dizaine d'années. 
El Hadji Gora est établi sur les lieux depuis 1975. «Le nom ‘Ruxxu disquettes’ a été donné à cet espace commercial par la nouvelle génération de vendeurs. Et cela a fait même que je ne vends plus que des articles pour femmes. En notre temps, on disait juste rue Sandiniéry et tout Dakar connaissait», renseigne le vieux qui s'affaire à ranger ses chaussures de fripe. 
Assis devant son étal, Baye Daigne tient le même discours, d’une voix à peine audible. Établi sur les lieux depuis 1953, il confie y vendre des accessoires pour femmes, comme tout le monde. Sur la provenance du nom, il dira : «Les jeunes changent toujours les manières de faire des vieux. C'est un nom qu'ils ont créé pour attirer plus de clientes. Et cela a fonctionné parce que le commerce marche très bien ici depuis lors». 
Yakhya Fall dit «Cool» fait partie de la nouvelle génération de vendeurs. De prime abord, il nous prend pour des clientes. Sur l’origine du nom de cet endroit tant prisé par la gent féminine et jadis appelé rue Sandiniéry, le jeune vendeur de vêtements féminins indique : «On a baptisé cet endroit ‘Ruxxu disquettes’ parce que ce ne sont que des articles de femmes qui y sont vendus. Et c'est vers la fin des années 90 qu’on a décidé d’appelé ainsi ce coin du marché Sandaga. Depuis, sur cette partie de la rue Sandiniéry, on ne parle plus que de ‘Ruxxu disquettes’ en référence à la coquetterie des jeunes Sénégalaises. Parce que, comme tous les jeunes du monde, nous avons notre propre langage. Ainsi, nous nous sommes rencontrés et nous avons créé ce nom pour donner plus de visibilité à notre commerce. C'est venu naturellement». 
Le constat, en tout cas, est que l'endroit a fini de s'imposer dans la sphère commerciale de la capitale. Car comme les vendeurs le disent, il attire de plus en plus de clientes. «Même les stars sénégalaises viennent y faire du shopping», affirment d’ailleurs les commerçants.