Suite à l’inculpation du guide moral des «Thiantacounes» par le Doyen des juges, Abdoulaye Hassane Thioune, sur demande du Procureur Ibrahima Ndoye, sa famille vit sous haute surveillance policière. Reportage !
Quelque part à Dakar. Le soleil plante ses rayons sur les caboches des «Goorgoolus» (débrouillards) qui triment sous ses dards pour gagner leur pain. La population groggy, s’ébroue timidement sous le chaud soleil de cette fin d’après-midi de vendredi. Les cars rapides en file indienne, dégueulant des vapeurs âcres, obstruent la chaussée. Un embouteillage monstre happe le visiteur. Dans un vacarme assourdissant noyé par le vrombissement des camions transporteurs de sable et de béton, des bambins jouent à cache-cache sous le regard indifférent des adultes, concentrés sur l’actualité du moment : l’arrestation du guide religieux des «Thiantacounes», Cheikh Béthio Thioune. C’est dans ce coin enclavé de la capitale que vit la famille du Procureur Ibrahima Ndoye. La maison, d’aspect modeste, est difficilement repérable. Ici, la consigne est claire : pas d’interview aux journalistes, dont la présence même suffit à éveiller la méfiance. Juste devant l’entrée, un véhicule de couleur blanche stationnée contre un pan du mur, semble à l’agonie. Un policier sanglé dans un treillis bleu de nuit, menottes accrochées à un passant de son pantalon, sandales aux pieds, monte la garde. Après les salamalecs d’usage, notre interpellation – «est-ce ici qu’habite le vieux Massyla Ndoye ?» – le laisse coi. Le bonhomme, écorce d’ébène, observe un court silence. Hésitant, son regard plonge dans le sable marron, cherchant une réponse. «Attendez un moment !», ordonne-t-il avant de s’engouffrer à l’intérieur de la demeure où sont regroupés des jeunes filles et quelques hommes. Après quelques gesticulations du policier, des regards inquisiteurs, tentant certainement de déceler la raison de notre présence sur les lieux, nous transpercent à travers les grilles de la porte blanche hermétiquement close. Quelques secondes plus tard, un autre policier, celui-ci juste vêtu d’un tee-shirt noir avec l’inscription «Police» floquée au dos, nous invite à entrer. Dans la cour d’aspect proprette, les regards des occupants se font plus perçants. Moins curieux. Plus rassurants. Dans un salon décoré sobrement de quelques sofas, des portraits de famille tapissent les murs. Une télévision écran plat trône fièrement au centre. C’est dans ce décor chaleureux dénué de cliquant que nous accueille le père de l’homme le plus célèbre du moment, le Procureur de Thiès, Ibrahima Ndoye. Le patriarche, majestueux dans un grand boubou basin blanc, une écharpe aux tons noir et blanc autour du cou, lunette de soleil vintage sur la tête, téléphone scotché à l’oreille, nous invite à prendre place. Sa communication terminée, il s’adresse à nous dans des termes très courtois, s’enquérant de la raison de notre visite. Il sera vite rejoint par le reste de la maisonnée, désireux certainement de connaître les motifs de notre présence. Notre identité déclinée, le chef de famille, très posé dans le ton et les gestes, écoute, dans un flegme raffiné, nos questions. «Nous avons reçu l’information selon laquelle vous êtes le père d’Ibrahima Ndoye, le Procureur de Thiès et nous aimerions nous entretenir avec vous», lui demande-t-on. Après une courte inspiration, la réponse tombe. Courte. Concise. «Effectivement, je suis le père du Procureur Ndoye, mais lui seul est habilité à vous parler de lui», fait-il remarquer. Seconde question. «Il nous a également été rapporté que vous étiez un ancien proche collaborateur de Cheikh Béthio Thioune et suite à son interpellation par votre fils, vous vous êtes rendus auprès de ses parents pour témoigner votre soutien et réaffirmer votre amitié à sa famille». Sourire étonné, regard perplexe, le vieux Massylla Ndoye nous interrompt poliment, mais fermement. «Je n’ai pas bougé de ma maison depuis le début de cette affaire. Ce que l’on vous a raconté est faux. Je n’ai jamais été le collaborateur de M. Thioune et je n’ai jamais été chez lui à Médinatoul Salam. Le prévenu est à Thiès. Celui qui l’a interpellé est à Thiès et les faits se sont déroulés là-bas. Moi, je suis ici à Dakar et je n’ai rien à dire sur le sujet. Je vous ai reçu chez moi et je vous ai écouté par souci de politesse, mais je vous prierai de ne pas insister. Je préfère conserver mon droit de réserve sur une affaire qui entre dans le cadre des activités professionnelles de mon fils», termine-t-il, mettant un terme à l’entretien. En toute courtoisie. Ainsi va la vie chez les Ndoye. Une famille paisible et discrète, dont le fils a été extirpé, depuis l’éclatement de l’affaire Cheikh Béthio Thioune, de l’anonymat.
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