Zone de chevauchement de 351 hectares
Il était alors question, si l’on se fie aux documents administratifs en notre possession, d’octroyer, à Pout, 5 000 hectares à Serigne Mansour Sy, 110 hectares au Conseil rural de Keur Moussa pour l’extension du village de Daral Peulh. Mais, vu que les réserves foncières n’étaient pas extensibles à souhait, les pouvoirs publics ont décidé de céder au Khalife général des Tidianes 1 995 hectares dans la forêt classée de Pout et la partie nord d’une zone commune de chevauchement formée de 351 hectares. Alors que la partie Sud de la même zone devrait être octroyée, en sus de 362 hectares à Pout et 43 hectares à Thiès, à feu Serigne Saliou Mbacké. Aussi, en application des dispositions de l’article R 42 du Code forestier, le Conseil rural de Keur Moussa avait pris l’engagement, pour le classement en compensation, de «poursuivre ses recherches pour trouver des superficies équivalentes à proposer aux Services techniques en vue de leur prise en compte dans le domaine forestier». La Commission régionale de conservation des sols avait également émis le vœu, «compte tenu de l’importance de ces massifs forestiers pour les populations riveraines (pâturage, cueillette…)», que leurs préoccupations, telles qu’exposées dans le rapport socioéconomique, soient prises en compte dans les affectations définitives.Le décret 2008-1431 en question
C’est ainsi que le 2 octobre 2006, par un courrier estampillé «Confidentiel» et ayant pour objet «Transmission de trois projets de décrets de déclassements de parties de forêts classées», M. Thierno Lô informe le chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade, de l’avis favorable de la Commission nationale de conservation des sols, intervenu le 21 août 2006. Une «procédure légale» à l’issue de laquelle une parcelle de 1 194 hectares a, finalement, été octroyée à Serigne Mansour Sy en forêt classée de Pout. Tout semblait marcher comme sur des roulettes. Du moins sur le papier. Mais, c’était sans compter avec la société Dangote qui a paraphé, le 12 mars 2007, conformément aux dispositions de l’article 86 du Code minier, une convention minière avec l’Etat du Sénégal. Une signature qui a débouché sur l’Arrêté N° 1060/Mepnbrla du 12 février 2008 autorisant Dangote «l’occupation d’un périmètre de 750 hectares dans la forêt classée de Pout Est». Au regard de tout ce qui précède, le président de la République signe le décret 2008-1431 du 12 décembre 2008 qui accorde à la société Dangote «une concession minière de calcaire dans la forêt classée de Pout Est et une concession minière d’argile et de latérite à Tchicky, région de Thiès, pour cimenterie». Le hic c’est que cette société empiète sur les terrains octroyés au Khalife des Tidianes et sur ceux cédés à feu Serigne Saliou Mbacké. Les héritiers du défunt Khalife des Mourides, qui ont jugé opportun d’ester en justice, ont obtenu gain de cause.Plus de 800 millions de FCfa déjà investis
Quant à Serigne Mansour Sy, il n’a, jusqu’ici, entrepris aucune démarche. Préférant, sans doute, voir les dirigeants de Dangote «faire preuve de responsabilités en allant occuper leurs terres au lieu de vouloir mettre d’autres propriétaires devant le fait accompli, pour leur proposer, ensuite, une sorte de troc». Un pis-aller qui, au demeurant, est très loin d’agréer les membres de la famille du Khalife des Tidianes. Il suffit, d’ailleurs, pour en avoir le cœur net sur les raisons de leur intransigeance, d’y faire un tour. En effet, selon des sources dignes de foi, Serigne Mansour Sy a déjà investi sur place plus de 800 millions de FCfa. Il s’agit, en réalité, d’un terrain de 500 hectares acquis en 1982 et dénommé «Mankoo» qui jouxte la nouvelle attribution. Outre des pistes de production, des châteaux d’eau, des hangars, une adduction d’eau, des installations électriques et du matériel agricole lourd (tracteurs), une imposante résidence, en construction sur près de 1 500 m2, attire l’attention du visiteur. Sans parler de l’élevage et du maraîchage. Et, selon nos interlocuteurs, si le Khalife des Tidianes insiste pour récupérer ses terres, c’est parce qu’il envisage d’y transférer ses «daaras» (écoles coraniques) disséminées un peu partout. Ce qui permettra à ses nombreux disciples de sortir de l’oisiveté, en s’adonnant à l’agriculture, et d’adorer leur Créateur. Pendant ce temps, la société Dangote continue, malgré une décision de justice l’enjoignant de plier bagages, de dérouler, comme si de rien n’était, ses chantiers.Toutefois, il nous a été impossible d’avoir un interlocuteur, au niveau de la cimenterie, pour éclairer notre lanterne. Nos colonnes leur sont ouvertes.
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