Le ministre de la Communication, des Télécommunications, des Tic, Porte-parole du gouvernement, Moustapha Guirassy, réagit, dans l’entretien ci-dessous, par rapport aux « prédictions » des Saltigués faites récemment, à l’approche de l’hivernage 2011. Dans le cadre de leur cérémonie rituelle de « xoye » tenue cette année encore au centre de médecine traditionnelle Malango de Fatick, les tradipraticiens sérères ont prédit une défaite de l’actuel président de la République à l’élection présidentielle de 2012 et une prise de pouvoir par l’armée suite à la victoire de l’opposition à cette même élection. Le Porte-parole du gouvernement donne aussi son avis suite à la publication du sondage réalisé par Notresenegal.com - branche Internet de Tresjuste (Mouvement pour le travail, l’émergence du Sénégal, la justice sociale et territoriale) et paru dans plusieurs organes de presse. Selon ce sondage, «Abdoulaye Wade serait éliminé au 1er tour si la présidentielle avait lieu aujourd’hui avec en face de lui un ticket Niasse-Tanor (Tanor colistier), arrivant avec 17% des voix derrière Niasse (26%) et Macky Sall (18,5%) ».M. le ministre, plusieurs journaux ont accordé leur Une aux prédictions des Saltigués sérères, qui prophétisent, entre autre, une prise de pouvoir par l’Armée au Sénégal en 2012. Quelle est votre réaction ?Ma réaction est une réaction de tristesse et aussi de grande préoccupation, devant ce que nous sommes bien obligés d’appeler des dérives. Dans l’exercice de nos fonctions gouvernementales, nous sommes souvent obligés de réagir devant des situations que le seul bon sens des uns et des autres aurait permis d’éviter. Ce qui m’attriste et me préoccupe le plus, c’est la place importante et l’écho accordé par plusieurs organes de la presse nationale aux prédictions des « xoyes » sérères, organisés par les Saltigués réunis à Fatick. C’est une dérive qui appelle obligatoirement de la part du gouvernement des recommandations dans le sens de la préservation de la cohésion nationale et de la protection du droit des citoyens à une information juste et vraie. Aussi, je lance un appel au sens des responsabilités de tous et au sens civique de chacun. La mission de service public de l’Etat et l’engagement du gouvernement au service du progrès social nous enjoignent de ne pas laisser prospérer des tentatives de fragilisation de nos acquis démocratiques.Le traitement par la presse de ces prédictions des Saltigués n’a-t-il pas été simplement en conformité avec sa mission d’informer ?Justement, il ne s’agit pas d’informations, mais de prédictions. Je dirais même plus, de séances de divination. Je suis profondément préoccupé de voir ce genre de déclarations être traitées par la presse à la Une et pas dans la rubrique « Insolite ». Les titres utilisés par certains organes de presse ne recourent même pas au conditionnel. Ils utilisent des phrases-choc conjuguées au futur de l’indicatif, comme s’ils s’agissaient de faits dont la survenance est inéluctable et établie. Déjà que le mode conditionnel est à éviter par la presse, quand on utilise le futur pour valider des séances de divination, cela devient grave. Ce n’est pas professionnel, ni déontologique, encore moins éthique. Il est vrai que les tradipraticiens sont des personnes revendiquant un enseignement traditionnel ou un savoir hérité, qui leur permet de soigner à partir de plantes, d’animaux. Ils se prévalent également de pratiquer la médecine spirituelle. En ce sens, ils ont toute leur place dans notre société. De plus, l’attachement fort des Sénégalais à leurs traditions et aux pratiques ancestrales de leur terroir respectif permet à toute une corporation de guérisseurs-prédicateurs d’exercer ses pouvoirs sur les corps et d’influencer avec succès les esprits. Parmi cette corporation, il y a les Saltigués sérères, célèbres d’entre tous du fait de leur réunion annuelle au centre Malango de Fatick, où ils se retrouvent pour prédire la pluviométrie de l’hivernage. Accessoirement, ils prédisent aussi l’avenir sociopolitique du pays, tel qu’ils l’envisagent. Toutefois, il n’est pas inutile de rappeler que les « xoyes » en pays sérère se rapportaient à une période, une situation ou un contexte donné. Les «savants» se réunissaient pour rechercher et régler les problèmes pouvant survenir au cours de l’année. Les décisions qui y étaient prises n’étaient pas directement portées à la connaissance des non-initiés.Les Saltigués ont toujours procédé à des prédictions. Pourquoi celles de cette année attirent-elles une réaction de votre part ?Dans un pays, le nôtre, dont l’écrasante majorité de la population s’honore d’être composée de croyants monothéistes, il ne revient pas à la presse d’exploiter la crédulité du jeune public et des esprits non instruits, en attribuant à des déclarations sans fondement scientifique, ni rationnel, ses manchettes de Une et les gros titres de ses éditions d’information. Nous sommes dans un contexte particulier, où il s’agit de ne pas ajouter de l’eau au moulin de ceux qui auraient intérêt au désordre, dans la perspective d’échéances majeures qui attendent notre pays. En tant que gouvernement, notre devoir est d’y mener nos concitoyens avec responsabilité et dans la sérénité.Les séances de divination des Saltigués se suffisent à elles mêmes, sans qu’il soit besoin en plus de leur conférer la dignité d’informations recoupées et irréfutables, en leur accordant les gros titres. Un simple retour sur les prédictions passées suffit pour savoir si elles se sont réalisées ou pas, si elles sont constantes ou pas. En 2009, les Saltigués, à travers une de leurs grandes prêtresses, prophétisait que le prochain président du Sénégal serait un citoyen d’ethnie Pulaar. Tout au contraire, en 2010, les Saltigués réunis dans le cadre de leur « xoye », ont prédit la réélection de Me Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle de 2012. Les mêmes reviennent cette année nous prédire une victoire de l’opposition, suivie d’une prise de pouvoir par notre Armée républicaine.Toujours au plan des prédictions politiques, à l’approche de l’hivernage 2007, les Saltigués avaient prophétisé que le mandat du président de la République, Me Abdoulaye Wade, serait écourté de deux ans. En juin 2006, les « xoyes » sérères prédisaient des émeutes qui naîtraient de dissensions politiques notées auprès des principaux protagonistes de la vie politique nationale. On le voit, au regard de toutes ces prédictions dont il est patent qu’elles sont restées lettres mortes, il n’y a pas matière à relayer les annonces cataclysmiques des Saltigués ailleurs que dans la rubrique ‘‘folklore’’, pour ne pas dire ‘‘insolites’’.Dans un domaine plus scientifique, vous avez eu connaissance du sondage réalisé par Notresenegal.com - branche Internet de Tresjuste (Mouvement pour le travail, l’émergence du Sénégal, la justice sociale et territoriale) et paru dans plusieurs organes de presse. Selon ce sondage, «Abdoulaye Wade serait éliminé au 1er tour si la présidentielle avait lieu aujourd’hui avec en face de lui un ticket Niasse-Tanor (Tanor colistier), arrivant avec 17% des voix derrière Niasse (26%) et Macky Sall (18,5%) ».Quelle est votre réaction sur le contenu de ce sondage et pouvez-vous nous dire quel est le statut légal des sondages à l’heure actuelle ?Les sondages politiques restent soumis à autorisation préalable, aussi bien lorsqu’il s’agit de les effectuer, afin de valider leur caractère scientifique, que pour ce qui est de leur publication. Quant au contenu de ce qui est un classement, je m’interdis de le commenter à partir du moment où ceux qui l’ont réalisé déclarent eux mêmes avoir interviewé près de 80% des personnes de leur échantillon par Internet. Internet ne me semble pas être utilisé à 80% par nos concitoyens, encore moins par la majorité des électeurs. Pour en revenir aux prescriptions légales en matière de sondages, je rappelle qu’un décret a été signé et est en attente de publication au Journal Officiel, pour réglementer la pratique et la rendre fiable. Pour toutes ces raisons, il est et reste du devoir impérieux de la presse de ne pas traiter de déclarations hypothétiques et de classements sans fondement scientifique, d’une manière qui concourt à leur donner la dignité d’informations ou même de prévisions météorologiques. Il en va de l’honneur de notre presse nationale, de son sérieux et de sa crédibilité. Aussi, le ministère de la Communication, des Télécommunications et des Tic, en appelle au respect de l’éthique et de la déontologie qui fondent la mission de la presse, qui est d’informer juste et vrai.Propos recueillis par Cheikh THIAM
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