Tenant coûte que coûte à donner le «sukëru Koor» à leurs belles-familles, les femmes usent de toutes les stratégies : des prêts bancaires aux tontines en passant par le détournement de l'argent initialement destiné à autre chose.
Jadis considéré comme un beau geste fait juste pour consolider des relations avec les parents et les proches, le «sukëru koor» est aujourd'hui complètement dévoyé pour finir par devenir un gros fardeau pour les femmes mariées surtout. Ni les contraintes encore moins la période de conjoncture n’y font quelque chose, les dames se débrouillent comme elles peuvent pour respecter cette tradition ruineuse.
Aminata Sall: «Il m'arrive d’emprunter de l’argent, de dépenser des sommes qui devaient servir à autre chose…»
Avec les nombreuses dépenses quotidiennes pendant le Ramadan et celles en vue avec la Korité, les maris ont d'autres préoccupations que de donner à leurs épouses de quoi assurer ce besoin. Ainsi les femmes ne peuvent dans l’écrasante majorité de leurs cas que compter sur elles-mêmes et se débrouiller. Et ce geste est aujourd'hui d'autant plus difficile que ce n’est plus seulement du sucre qu'on donne, mais aussi de l’argent, des boubous de valeur, des bijoux en or, etc. Tout ce qui peut faire plaisir à la belle famille n'est de trop.
Trouvée au marché Hlm en train de faire ses achats, Aminata Sall, la trentaine confie être gagnée par l’angoisse et la peur de décevoir la belle famille à chaque fois qu’elle doit donner le «sukëru koor». Elle ne veut pas être la risée du voisinage. «C’est très dur actuellement avec les conditions dans lesquelles nous vivons. Dès fois, il m'arrive d’emprunter de l’argent, de me sacrifier, de dépenser des sommes qui devaient servir à quelque chose d'autre dans la famille», soutient-elle.
Khady Babou: «Mon mari pense que ce sont des bêtises. Je suis obligée de me débrouiller seule. J’ai pris un prêt à la banque»
De son côté Khady Babou avoue avoir dépensé beaucoup d’argent qu’elle a emprunté à la banque pour juste faire plaisir à sa belle famille. «Je ne peux compter sur personne. Mon mari ne m’aide pas, parce qu’il pense que ce sont des bêtises. De ce fait, je suis obligée de me débrouiller seule. C’est pourquoi j’ai pris un prêt à la banque», confie-t-elle.
Consciente des difficultés qu'un tel phénomène fait peser sur elles, Khady Babou avoue son impuissance. «On n’a pas le choix». Contrainte de suivre aveuglément : «dans ce pays, les personnes ne peuvent pas comprendre que les conditions ne sont pas favorables pour gaspiller de l’argent». Visiblement éprouvée par le «sukëru koor», elle soutient : «je n’ai plus rien avec moi en ce moment. Je n’ai même plus de quoi acheter des habits pour la Korité à mes enfants».
Mme Niang : «j’ai demandé à la gérante de notre tontine de me programmer durant ce mois»
Des sacrifices, Mme Niang en a fait aussi pour faire face aux contraintes du «sukëru koor». «À l’approche du Ramadan, j’ai demandé à la gérante de notre tontine de me programmer durant ce mois pour juste le «sukëru koor». Parce que je n’avais pas d’autres solutions. Je savais qu’avec le peu que j’avais, je ne pourrais pas faire quelque chose de vraiment grandiose».
Ne voulant pour rien au monde rater ce rendez-vous, elle va même jusqu'à solliciter sa mère quand elle n'a pas aucun autre moyen. Se refusant d'avancer ce qu'elle compte dépenser pour le «sukëru koor», elle se limite à dire, «c'est une somme importante qui pouvait servir à d’autres choses».
Commentaires (0)
Participer à la Discussion