Sur la Petite Côte, les Latinos ont pris leur quartier en supplantant pratiquement les Français dans le business hôtelier.
A pile, la Petite Côte est exquise. Il s’agit d’un ruban de sable blanc qui offre les mêmes plaisirs et multiplie les mêmes lieux de perdition. A Saly, le boom hôtelier ne connaîtra sans doute jamais de crise : Les hôtels de luxe se multiplient. Les touristes ne cessent d’affluer. En ces temps de crise, le tourisme balnéaire ne cesse d’attirer une fourchette d’investisseurs qui ont le nez creux pour mettre leurs billes dans ce business hautement lucratif.
Depuis 1970, cette ferveur n’est jamais retombée. Ouvert en 1970, le domaine de Nianning a connu un développement exponentiel grâce à sa situation géographique et surtout son soleil en plein temps. Pour accompagner ce secteur, l’Etat a mis en place la Société d’aménagement de la petite côte (Sapco en 1975) qui fut inauguré dans les années 80. Chargée de l’aménagement et de la promotion des investissements sur la Petite Côte, cette structure a accompagné la station balnéaire de Saly dans son fulgurant développement.
Aujourd’hui, il n’existe plus d’espace pour les investisseurs. Ce qui a justifié la création d’une nouvelle station balnéaire à Pointe Saréne. Ce qui favorise le pullulement des résidences para-hôtelières disséminées un peu partout dans la Petite Côte. Boly Guèye, président du Syndicat d’initiative du tourisme du département de Mbour, reste baba devant l’implosion de ces infrastructures : «Ces dix dernières années, il y a eu énormément de structures qui se sont implantées sur la Petite Côte. D’où l’émergence des résidences para-hôtelières facilitées par l’Etat qui encourage les investisseurs à venir s’implanter dans notre pays.» Il liste les conséquences de ces «investissements sauvages» : «La station balnéaire de Saly est pleine. Désormais, il n’y a plus d’espace. L’organisation qui devait se faire au niveau de la station n’existe pas encore ; d’où la nécessité d’y mettre une très grande réorganisation parce que ce qui était valable 10 ou 15 ans ne l’est plus. Il faudra revoir le cadre administratif, juridique et politique.»
Les chiffres attestent cette fulgurante explosion de l’industrie hôtelière. Sur l’axe Somone, Saly, Mbour, Nianning, on note plus de 50 hôtels, d’après l’Office communal de Mbour. Plus de 82 auberges et campements. Et plus de 40 résidences. Le taux d’occupation au niveau de la Petite Côte tourne autour de 70%. Alors que celui de la station de Saly oscille autour de 92%. Selon certains professionnels du secteur, ce tourisme a pratiquement atteint ses limites. Le directeur de l’Office communal de Mbour, Doudou Kopa Ndiaye, indique la voie à suivre pour contourner les écueils. Il suggère : «Nous avons opté pour un tourisme de masse. Tout le monde vient au Sénégal en touriste, mais il faut faire beaucoup attention. Si on avait à recommencer, on aurait mis des fils barbelés autour de la station balnéaire. Parce qu’une station balnéaire doit être sécurisée par la sensibilisation, l’information et l’éducation sur les populations d’abord. Tout ceux qui viennent ici ne viennent pas pour du tourisme, mais des formes de tourisme qui ne sont pas adaptées à nos réalités.» Il ne dévoilera pas les micmacs provoqués par cette sorte de libéralisation de ce secteur qui nourrit la Petite Côte de fantasmes et de libertinage. Un guide touristique complète la pensée de M. Ndiaye : «Il faut savoir qui doit venir dans notre pays. Dans tous les pays qui se sont développés à partir d’un tourisme de masse, ils ont mis une police touristique. Normalement, cette police touristique doit être opérationnelle : à partir de l’aéroport, on doit vérifier et bien vérifier quels touristes avons-nous. Le tourisme de masse, c’est autre chose.» 80% des résidences appartiennent aux Hispaniques
Pendant longtemps, les Français, les Allemands, les Italiens et les Anglais ont imposé leur diktat dans cette zone de villégiature. De plus en plus, ils sont bousculés par de nouveaux concurrents. Les Espagnols et les Latino-Américains, composés de Colombiens, de Vénézuéliens, d’Equatoriens sont les nouveaux conquistadors de la Petite Côte. A face, les investisseurs hispaniques sont en train de «confisquer» la zone grâce à des investissements massifs.
Installés sur l’axe Somone, Saly, Nianning, ils sont propriétaires de plus de 80% des résidences. Très discrets, ils mènent leurs activités en toute tranquillité. Sans tapage contrairement aux Français et Allemands. Cette pénétration inquiéte les acteurs touristiques. «La parahôtellerie est la plus grande erreur du tourisme sénégalais. Nous avons opté pour un tourisme de masse à partir de Miname jusqu’à la Pointe de Sangomar. Il fallait développer cette forme de tourisme qui crée des emplois. Mais il y a eu de l’amalgame. L’Etat a mis en place ce qu’on appelle la parahôtellerie avec l’édification de résidences hôtelières. En Afrique, la parahôtellerie est réservée aux nationaux en collaboration avec des étrangers qui leur donnent de l’argent», affirme Doudou Kopa Ndiaye. Pis, il livre ses inquiétudes devant cet afflux massif des Latinos dans la Petite Côte. «C’est un danger de les mélanger. Pendant longtemps, les gens ont acheté des maisons. Ils ont dit que c’est des résidences privées. Alors que la police n’y avait pas d’accès. Le mal dans le secteur du tourisme est sorti de ces résidences hôtelières. Il faut faire attention au tourisme malgré la manne financière qu’il dégage. C’est trop tôt de s’ouvrir aux Latinos», prévient M. Ndiaye. Même si cette présence n’est pas nouvelle, précise-t-il. Doudou Kopa Ndiaye retrace l’historique de ces touriste. «Ils venaient à partir du mois de juillet. On disait qu’on va enrayer la basse saison à partir du mois d’août. Ils venaient en Eductour. Ils venaient visiter le pays pour voir si réellement ils peuvent travailler avec ce pays. L’Eductour peut envoyer pendant un an ses clients qui font des suggestions. Si l’Eductour arrive pour six mois ou un an, c’est l’Etat qui doit se déplacer pour faire l’approche et proposer des systèmes de partenariat avec l’Eductour», précise M. Ndiaye.
Dans une note des services de Renseignements généraux, il est établi qu’on parle plus l’Espagnol que le Français et le Wolof sur les pistes de danse des hôtels chics de Saly, de Somone et de Nianning. Il est reconnu que leur présence attise de plus en plus d’attention dans cette station balnéaire à la réputation sulfureuse. Dans le microcosme mbourois, la bulle de rumeurs, alimentée par des faits réels, est pleine à exploser au-dessus de leur prospère business. Il s’agit de sociétés-écran qui blanchisseraient à plein régime l’argent issu du trafic international de drogue (voir par ailleurs).
Station balnéaire de Saly Lieux de villégiature des dealers
Sur la Petite Côte, le business du plaisir n’est pas l’unique exclusivité. Depuis l’éclatement de l’affaire Lamantin Beach, célèbre hôtel de Saly, les rumeurs de trafic international de drogue ont pris l’apparence de l’évidence. En plein cœur de Saly, ce scandale de trafic de cocaïne avait mis en cause Luc Nicolaï, célèbre promoteur de lutte et propriétaire d’auberges. Il sera accusé d’escroquerie, d’extorsion de fonds et surtout de trafic international de drogue en compagnie de deux douaniers en poste à Mbour. Il a été cité comme détenteur de 39 boulettes de cocaïne. Interpellé pour sa probable implication dans cette histoire de drogue pour laquelle Bertrand Touly, le Pdg du Lamantin, a été arrêté avant de bénéficier d’une liberté provisoire, Luc Nicolaï est toujours bloqué en prison. Le Parquet s’oppose toujours à sa liberté provisoire. Alors que le juge d’instruction a accepté de lui accorder ce privilège. A Mbour, l’histoire a provoqué un véritable trauma dans tout le département qui voit l’argent couler sans arrêt. Sans jamais s’interroger sur son origine. Directeur de l’Office communal de Mbour, Kopa Ndiaye prévient des risques liés à la massification de la communauté latine dont la réputation est sombrement liée au lucratif business de la drogue. Le circuit de l’écoulement est très connu : Les dealers écument les cabarets, les bars et restaurants à travers la plage. En investissant dans les hôtels et les cabarets sur l’axe Nianning-Somone, ils ont la haute main sur les investissements hôteliers. Affaire Michel Neyret En juin 2007, une cargaison d’1,2 tonne de cocaïne est découverte. L’autre tonne était cachée, non loin, dans une crevettière industrielle. Trois narcotrafiquants sont arrêtés dans une villa sur la plage de Nianning : Un Equatorien, un Vénézuélien et un Colombien. Sur le parking de l’hôtel les Bougainvilliers, un expérimenté guide touristique lève ce coin du voile qui entoure ce commerce illicite. Il dit : «La drogue dans la Petite Côte n’est plus un secret pour personne. L’affaire du Lamantin est fraîche dans nos mémoires. Les gens font maintenant dans la drogue dure. Ces Equatoriens, Colombiens et Vénézuéliens avaient été arrêtés avec cette cocaïne dans un navire de fortune.» A l’époque, ils passaient incognito en mettant en place des sociétés-écran. «Ils se cachaient dans des activités-écran comme la pisciculture à Ngaparou», dit-il. Aujourd’hui, la station balnéaire serait devenue un lieu de rencontre de dealers. Avant sa disgrâce, Michel Neyret, l’ex numéro 2 de la Police judiciaire de Lyon, avait ses quartiers au Club Med de Cap Skiring. D’après le magazine français Paris Match, le commissaire aurait profité de ses derniers congés payés pour rencontrer des criminels d’envergure internationale à Saly où il a pris rendez-vous avec Albert Bénichou, frère de Gilles Bénichou, interpellé le même jour que le policier et mis en examen depuis dans l’affaire de corruption impliquant le numéro 2 de la Pj lyonnaise. Pas seulement. Deux autres individus peu recommandables auraient participé à ce rendez-vous à haut risque : un des cerveaux de l’affaire des 111 kg de cocaïne saisis dans un appartement de Neuilly en novembre 2010 et un narcotrafiquant colombien. Selon le magazine français, Albert Bénichou, qui ne peut évidemment pas voyager sous son identité, aurait rejoint Saly en empruntant un avion privé depuis le Maroc. La station balnéaire dispose d’un aérodrome, une simple piste d’atterrissage de terre rouge, bien connue des individus qui veulent éviter les contrôles de la Police aéroportuaire. C’est par le truchement d’une écoute entre Gilles Bénichou et un des cerveaux de cette affaire que le nom de Neyret est apparu dans le volet trafic international de stupéfiants instruit par la justice française. Avant sa suspension. Depuis le milieu des années 2000, les trafiquants internationaux de cocaïne ont choisi le Sénégal comme principale porte d’entrée de la poudre sud américaine vers l’Europe. La drogue transite ensuite via le Maroc, soit par voie maritime, soit par la Mauritanie. Dès 2007, l’Office de lutte contre la drogue et le crime de l’Onu (Unodc) s’inquiétait de ce phénomène dans son Rapport sur la situation du trafic de cocaïne en Afrique de l’Ouest : «L’importance grandissante de l’Afrique de l’Ouest comme région de transit et de stockage de la cocaïne est également apparente dans les statistiques des saisies récentes des pays européens et d’Amérique Latine. Sur les 5,7 tonnes de cocaïne saisies de janvier à septembre 2007 en Afrique, 99% ont été réalisées en Afrique de l’Ouest : 2,4 tonnes ont été saisies au Sénégal en juin et presque 1,5 tonne saisie en Mauritanie entre mai et août.»
Commentaires (0)
Participer à la Discussion