Je suis encore très fatigué, mais on peut déclarer que je suis tiré d’affaire. Hier, j’ai passé un dernier examen de contrôle à l’hôpital qui m’a permis de m’assurer que je n’étais plus infecté. Je suis rentré chez moi mardi après avoir passé près de trois semaines à l’hôpital Elwa qui est, à Monrovia, le seul centre médical à accueillir des malades d’Ebola.
"Les gens autour de moi tombaient comme des mouches"
Les premiers jours passés dans cet établissement, où les personnels et équipement de santé font cruellement défaut, ont été un cauchemar. Faute de chambre disponible, j’ai végété pendant une semaine dans un couloir à même le sol. Nous n'avions qu'une seule toilette à disposition alors que nous étions plusieurs dizaines de malades. C’est une amie qui, tous les jours, se chargeait de m’apporter de la nourriture. Dans de telles conditions, je me suis dit que je n’allais jamais survivre, d’autant plus que les gens autour de moi tombaient comme des mouches. Une place a fini par se libérer, un médecin m’a pris en charge et m’a soigné au Zmapp à trois reprises. J’imagine que mon statut de médecin officiant à l’étranger a joué en ma faveur et m’a permis de compter parmi les rares privilégiés à bénéficier de ce vaccin. La troisième dose a tout de même failli m’être fatal ; j’ai eu une très forte réaction allergique, un
choc anaphylactique très exactement. Depuis, mon état de santé s’améliore au fil des jours. Et je compte reprendre le travail prochainement. Ma mission en tant que médecin est de continuer à soigner des malades, y compris les sujets touchés par le virus Ebola. Ça, je ne compte pas y déroger.
"Je note une certaine méfiance de mes amis à mon égard"
Par contre, depuis que je suis sorti de l’hôpital, je note une certaine méfiance de mes amis à mon égard, du moins de ceux qui n’ont aucune connaissance médicale. Beaucoup refusent de me rendre visite, estimant que je suis peut-être encore porteur du virus et qu’il y a un risque que je les contamine. Au Liberia, les régions touchées par l’épidémie ont été gagnées par une psychose qui a, paraît-il, conduit les habitants à faire n’importe quoi [Dans un village situé au nord-est de Monrovia, une famille a récemment été
emmurée vivante par peur du virus].Cette peur gagne d’ailleurs un peu tout le monde au Liberia. Le ministère de la Santé peine à recruter des effectifs médicaux - une pénurie qui prive de soins des centaines de personnes promises à une mort quasi-certaine, et les responsables politiques fuient le pays [La présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf a
congédié, mardi, des ministres et de hauts responsables restés à l'étranger en dépit de son appel à revenir participer à la lutte contre l'épidémie].
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