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Abiy Ahmed fait souffler un vent de changement en Éthiopie

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Abiy Ahmed fait souffler un vent de changement en Éthiopie

Quatre mois après sa nomination, le nouveau Premier ministre éthiopien continue d'imprimer sa marque. Après avoir tendu la main au voisin érythréen, Abiy Ahmed a encore marqué des points en réunissant l'Église orthodoxe, divisée depuis 27 ans.

Comme s’il suffisait d’entendre le nom d'Abiy Ahmed pour taire les antagonismes éthiopiens. À Washington, où il a entamé une visite depuis jeudi 26 juillet pour rencontrer la diaspora éthiopienne, le nouveau Premier ministre a scellé la réconciliation de l'Église orthodoxe d'Éthiopie, 27 ans après son schisme. Cette scission avait été provoquée par la nomination d’un nouveau patriarche après l’arrivée au pouvoir, en 1991, des rebelles, tandis que l'ancien patriarche, fidèle au régime militaro-marxiste du Derg, s'exilait aux États-Unis.

Deux semaines plus tôt, c'était avec Issaias Afewerki, président de l’Érythrée voisin et ancienne province éthiopienne devenue indépendante en 1991, que le jeune Premier ministre éthiopien (42 ans) fumait le calumet de la paix après vingt ans de guerre et de différends frontaliers. Ce rapprochement historique de ces deux pays de la Corne de l’Afrique a eu un important retentissement au sein de la communauté internationale.

Depuis qu’il a pris, à la surprise générale, la tête du gouvernement éthiopien en avril, Abiy Ahmed, souffle un vent nouveau sur l’Éthiopie, rongée depuis plusieurs années par les injustices sociales et l'absence des libertés. Dans son discours d’investiture, il avait déjà donné le ton. Premier Oromo (l'ethnie majoritaire, avec 35 % de la population) à diriger le pays, Abiy Ahmed a annoncé une refonte profonde du système politique, bientôt ouvert au multipartisme. Des prisonniers politiques ont été libérés, l'état d'urgence a aussi été levé. Il avait été décrété en février pour mettre fin à trois ans de fronde sociale menée par les Oromos, qui s’estiment marginalisés par un gouvernement longtemps dominé par une ethnie, celle des Tigréens.

>> À lire aussi : Éthiopie-Érythrée : les enjeux économiques derrière un rapprochement historique

Il s'est engagé en faveur d’une plus grande ouverture économique visant à relancer l'économie éthiopienne. Des entreprises privées pourront bientôt avoir la possibilité d’entrer au capital des grandes entreprises publiques, comme Ethiotel, pour les télécoms, ou Ethiopian Airlines, pour l’aviation civile. "Toutes ces réformes sont en train de s'enchaîner. Et comme le rapprochement historique avec l'Érythrée, c'est un grand mouvement en Éthiopie qui surprend", explique Gérard Prunier, spécialiste de la Corne de l’Afrique et ancien chercheur au CNRS. "C'est un miracle, tout ça. Et ce changement, on le doit à un homme intelligent appelé Abiy Ahmed."

Pur produit du système

S'il y a quelques mois, le nouvel homme fort du pays était encore peu connu du grand public, ce spécialiste des questions de cybersécurité est un pur produit du système. Lieutenant-colonel, il travaille à la réforme de l’armée et crée en 2009 l’un des organes de surveillance du pays, l’Agence nationale de sécurité des réseaux d’information, qu’il dirige jusqu’en 2012, avant de devenir ministre des Sciences et Technologies entre 2016 et 2017.

Abiy Ahmed naît en 1976 d’un père musulman oromo et d’une mère chrétienne orthodoxe de l'ethnie amhara. Il a alors 15 ans quand la guérilla du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), menée par Meles Zenawi, renverse en 1991 la dictature de Mengitsu Hailé Mariam. Formé entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, il est recruté très tôt comme cadre technique dans les services de renseignement. "Quand Meles Zenawi prend le pouvoir, il met en place une administration basée sur le fédéralisme ethnique. Il organise ensuite une majorité bureaucratique dominée par les Tigréens, avec les Oromos et les Amharas. C'est sur cette base que Abiy Ahmed entre dans l'armée. C'est un homme intelligent qui a pu gravir les échelons. Il connaissait beaucoup de gens", raconte Gérard Prunier.

Contenter toutes les sensibilités

Abiy Ahmed se fait remarquer par Hailé Mariam Dessalegn, le Premier ministre qui succède en 2012 à Meles Zenawi, décédé après plus de vingt années au pouvoir. Mais il n’arrive pas à mener à bien ses réformes politiques et économiques. "Hailé Mariam Dessalegn est issu d’une toute petite communauté, les Welaytas", explique Gérard Prunier. "Étant minoritaire, on voyait bien qu’il avait des difficultés à imposer ses idées au sein de la coalition au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens [EPRDF, une coalition composée de quatre partis dont celui des Oromos, des Amharas, des Tigréens et d’autres ethnies du sud du pays, NDLR]."

>> À lire aussi : Éthiopie - Érythrée : la paix après des décennies de guerre

Son mandat est en outre obstrué par la fronde des populations oromos qui débute en novembre 2015. Réprimé dans le sang, les troubles font près d’un millier de morts entre 2015 et 2016. Excédé, Hailé Mariam Dessalegn finit par jeter l’éponge. "Mais avant de démissionner, il a fait tout un travail auprès des leaders tigréens favorables aux réformes pour que le choix [de son successeur] puisse être porté sur Abiy Ahmed", explique l’historien.

Abiy Ahmed, lui, devenait de plus en plus influent dans la région d'Oromia. Il prend d'ailleurs en février la tête de l'Organisation démocratique du peuple oromo, l’un des partis membres de la coalition au pouvoir. Le nouveau Premier ministre, protestant, présente l’avantage de parler couramment les trois principales langues du pays : l'oromo, l'amharique et le tigréen. Il a aussi baigné dans l'islam par son père et connaît les rites de l'Église orthodoxe de par sa mère. De quoi contenter toutes les sensibilités de la coalition au pouvoir, qui contrôle à 100 % le Parlement.

Un nouveau visage

Dans une interview accordée à Jeune Afrique, Hailé Mariam Dessalegn le confesse lui-même : "C’était mon souhait [de mener les réformes]. Je l'ai exprimé. Mais je n'ai pas été capable de convaincre les autres leaders du parti. Nous avions besoin d'un nouveau visage à la tête du pays et d'un nouvel élan. Le mécontentement des Oromos, le premier groupe ethnique du pays, était très important, tout comme celui des Amharas. Je n'appartiens à aucun de ces groupes, et ma démission a permis à mon successeur de calmer le peuple pour pouvoir poursuivre les réformes."

En moins de quatre mois, Abiy Ahmed est allé très vite dans les changements politiques et économiques. Et les résultats ne se sont pas fait attendre. Les Émirats arabes unis ont accepté de débloquer trois milliards de dollars pour aider le pays à faire face à une pénurie de devises. Mi-juillet, le président français Emmanuel Macron a manifesté son intérêt pour l’Éthiopie et a rappelé "la disponibilité de la France et des entreprises françaises pour accompagner les réformes".

Cependant, à l'intérieur du pays, ce vent du changement n'est pas du goût de tous. Le 23 juin, lors d’un rassemblement politique à Addis-Abeba, le Premier ministre a échappé de justesse à un attentat qui a fait deux morts et plus de 150 blessés. Il était visé. "Certains Tigréens sont mécontents parce qu’ils ont perdu le pouvoir. Et il y a des Oromos sécessionnistes qui voit en Abiy Ahmed un traître. Il devra faire face à tout ça", explique Gérard Prunier.

Mais le nouveau Premier ministre ne veut reculer devant rien et maintient son agenda de réformes, qui a reçu une adhésion populaire. Et des États-Unis où il est en visite, il a appelé les Éthiopiens de la diaspora à rentrer au pays pour pérenniser avec lui ce renouveau. "Ensemble, nous devons réussir", a déclaré le nouveau phénomène politique africain.



1 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Juillet, 2018 (09:50 AM)
    il faudra envoyer ce nouveau 1er ministre de'Ethiopie régler la paix en Casamance .....il a l'air beaucoup plus doué que les connards Senegalais  :frustre:  :frustre:  :emoshoot: 
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