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Au Maroc, « le parti islamiste devrait arriver premier, mais ne parviendra pas à former de majorité » au Parlement

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Au Maroc, « le parti islamiste devrait arriver premier, mais ne parviendra pas à former de majorité » au Parlement
 Le politologue Mustapha Sehimi estime que, depuis 2011, les gouvernements successifs menés par le Parti de la justice et du développement n’ont « pas été à la hauteur ».
 
Entretien. Pour la première fois, près de 18 millions de Marocains étaient appelés à voter le même jour, mercredi 8 septembre, pour élire les 395 députés de la Chambre des représentants et les plus de 31 000 élus communaux et régionaux.


Des scrutins qui vont sceller l’avenir du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste), à la tête de l’actuelle coalition gouvernementale. Le politologue Mustapha Sehimi analyse la situation d’un parti qui a beaucoup déçu, plusieurs fois « sifflé, sanctionné et censuré » ces cinq dernières années.

Quel bilan faites-vous de la coalition gouvernementale menée par le Parti de la justice et du développement ?

Mustapha Sehimi Le gouvernement n’a clairement pas été à la hauteur. Il a d’ailleurs été sifflé, sanctionné et censuré plusieurs fois ces cinq dernières années. Six mois après leur investiture, en octobre 2017, quatre ministres ont été limogés par le roi après la remise d’un rapport de la Cour des comptes épinglant l’exécutif sur les dysfonctionnements des politiques publiques dans le Rif, un an après le début des manifestations à Al-Hoceima [la mort d’un vendeur de poissons broyé par une benne à ordure avait déclenché un vaste mouvement de contestation sociale]. Puis deux autres ministres ont été renvoyés en 2018.

A plusieurs reprises dans ses discours, le roi a interpellé le gouvernement pour qu’il accélère ses réformes. Il a également imposé Saaïd Amzazi, étiqueté Mouvement populaire (MP), pour lancer le chantier de l’éducation. D’ailleurs, toutes les grandes réformes ont été des initiatives royales : la régionalisation avancée, la déconcentration, la réarticulation du secteur public, l’enseignement préscolaire et le chantier de la protection sociale.

Quel bilan peut revendiquer le gouvernement Othmani ?

Pas grand-chose ! Le gouvernement a été à la traîne, n’a pas su donner d’impulsion, anticiper. C’est pourquoi une troisième législature du Parti de la justice et du développement n’est pas souhaitée par de nombreux cercles du pouvoir. Elle n’est pas souhaitée et, selon moi, pas souhaitable pour le bon fonctionnement des institutions. D’abord parce qu’un parti à référentiel islamiste ne doit pas devenir une formation centrale, structurante et régulatrice de la vie politique nationale, mais aussi parce qu’un parti au pouvoir pendant quinze ans déstabiliserait le système partisan, pluraliste au Maroc.

Comment se situe le PJD électoralement ?

En 2011, le PJD comptait 107 députés, 124 en 2016. Il était sur une vague porteuse grâce à la personnalité et au populisme de son chef, Abdelilah Benkirane. Ces dernières années, il s’est normalisé en devenant un parti de gouvernement. Il ne fait plus référence aux valeurs religieuses, à la lutte contre la corruption, à la criminalisation de l’homosexualité et des relations sexuelles hors mariage. Il n’a plus rien du parti de la vertu et de la moralisation qu’il disait être en 2011.
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De plus, le parti est divisé entre deux lignes : une ligne favorable à Abdelilah Benkirane, une autre à Salahedine El-Othmani. Certains partisans n’ont pas accepté l’éviction d’Abdelilah Benkirane, lors du 8e congrès du parti en décembre 2017, comme secrétaire général pour un troisième mandat, d’autres n’ont pas compris que le nouveau chef de la majorité cède sur l’entrée de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) au gouvernement. Toutefois, le PJD dispose d’un tissu associatif et d’un bon maillage territorial et devrait bénéficier d’un vote par défaut, car les autres partis n’ont rien à proposer.

Mon hypothèse est qu’il arrivera en tête, mais qu’il ne parviendra pas à former un gouvernement et qu’un nouveau chef de la majorité sera nommé par le roi. Le profil qui se dégage est celui du ministre des finances et membre du Rassemblement national des indépendants (RNI), Mohamed Benchaâboun.

La campagne a-t-elle fait émerger des thèmes importants ?

La campagne a été très réduite du fait des restrictions imposées par la pandémie. Il n’y a pas eu de grande dynamique électorale puisque les meetings et réunions de plus de vingt-cinq personnes ont été interdits. Mais, au-delà de ça, les partis n’ont pas de programmes précis à proposer. Traditionnellement, les partis marocains se limitent à un catalogue de vœux qui est difficilement traduisible en programme électoral.


C’est d’autant plus le cas pour ce scrutin car les partis ont attendu les conclusions de la commission chargée d’établir le « nouveau modèle de développement » pour le Maroc jusqu’en 2035, nommée par le roi après les événements d’Al-Hoceima dans le Rif. Elle a rendu son rapport à la fin mai 2021. Les partis ont donc dû adapter leur programme aux axes stratégiques fixés par ce texte. Ce qui a encore plus dilué leurs spécificités. Il faut également rappeler que, depuis 1998, les partis politiques marocains ont tous participé ensemble aux gouvernements successifs, sans le PJD avant 2011, puis avec le PJD après. Pour les électeurs, les partis sont amortis, usés.

Quel est votre pronostic ?

Le nouveau quotient électoral va atomiser le paysage politique et pénaliser les grands partis, comme le PJD et le Parti authenticité et modernité (PAM). Selon les simulations, le PJD devrait remporter entre 80 et 85 sièges, le RNI 75 et le PAM entre 60 et 70. Trois partis, voire quatre, suffiront donc pour former la majorité au gouvernement. Parmi eux, le RNI et l’Istiqlal, qui devrait rejoindre la majorité après huit ans dans l’opposition. Je ne pense pas que le PJD basculera dans l’opposition, il jouera le jeu des alliances mais ne décrochera pas de postes décisifs.


1 Commentaires

  1. Auteur

    En Septembre, 2021 (04:11 AM)
    que des partis controlés par le roi et les services, vive la ''dimoukratie'' 🥳
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