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Afrique

Comment le Maroc se sert du football pour renforcer ses liens avec les pays africains

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Comment le Maroc se sert du football pour renforcer ses liens avec les pays africains
Le royaume accueille de nombreux matchs de sélections subsahariennes privées temporairement de stades et multiplie les partenariats avec les fédérations du continent.

Grand perdant de la course au Mondial 2026, le Maroc fait son retour dans le jeu de la diplomatie sportive. Ecarté en 2018 de l’organisation de la Coupe du monde de football, le royaume a récemment multiplié les initiatives et les partenariats sur le continent.

Profitant de l’intransigeance de la Confédération africaine de football (CAF), qui a jugé les stades de Bamako, Djibouti, Niamey et Ouagadougou non conformes pour les rencontres qualificatives de la Coupe du monde 2022, le Maroc s’est positionné comme une terre de repli du football africain en accueillant plusieurs matchs cet automne. Ainsi, en octobre, Djiboutiens et Burkinabés s’affronteront à Marrakech, le Mozambique et le Cameroun joueront à Tanger, tandis que les matchs Guinée-Soudan et Mali-Kenya se dérouleront à Agadir. Même la sélection marocaine a prévu de jouer ses matchs extérieurs… à domicile.

« Toutes ces fédérations ont signé un partenariat avec le Maroc. Comme leurs stades n’ont pas été homologués – sauf pour la Guinée, qui a été écartée à cause d’une situation particulière [liée au coup d’Etat de septembre] –, elles se sont naturellement tournées vers le Maroc afin de demander à pouvoir y jouer. Ce que nous avons évidemment accepté », indique Omar Khyari, proche conseiller de Fouzi Lekjaa, le président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF).

Ce dernier siège au sein du comité exécutif de la CAF et du conseil de la FIFA. Considéré comme l’un des principaux maîtres d’œuvre de la diplomatie sportive engagée par le Maroc, « Fouzi Lekjaa est également le directeur du budget de l’Etat et il a la confiance du roi pour mener à bien ce projet », souligne Moncef El Yazghi, chercheur en politique du sport. « Plus que de diplomatie sportive, je pense qu’il faut parler de diplomatie footballistique, parce que tous les efforts sont concentrés sur cette discipline », ajoute l’auteur des Politiques sportives du Maroc, 1912-2021.

Construction de stades

La place accordée aux manifestations sportives dans la stratégie d’influence du Maroc vers l’Afrique subsaharienne n’est pas nouvelle. Le pays, qui a fait son retour dans l’Union africaine (UA) en janvier 2017 après trente-deux ans d’absence, a multiplié les investissements et les visites officielles du roi, Mohammed VI, pour renforcer les liens économiques et politiques avec ses pairs africains. « Le sport peut aider à développer certaines relations avec des pays anglophones, par exemple, traditionnellement plus proches de l’Afrique du Sud », observe Moncef El Yazghi.

Allié indéfectible d’Alger, l’Afrique du Sud est historiquement un des principaux soutiens du Front Polisario dans le conflit du Sahara occidental. C’est précisément le soutien apporté au mouvement indépendantiste par certains pays africains qui avait amené le Maroc à claquer la porte de ce qui était encore l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en 1984 – une politique de la chaise vide qui n’a pas infléchi les positions de l’organisation panafricaine, dont la République arabe sahraouie démocratique (RASD) est membre depuis 1982.

Rabat privilégie donc désormais d’autres voies pour se rapprocher de l’Afrique du Sud et des pays d’Afrique de l’Est. En 2015, le royaume avait notamment signé des partenariats sportifs avec la Tanzanie et le Rwanda et s’était engagé à financer la construction de plusieurs stades.

Le Maroc avait vu encore plus grand en 2018. Quatre fois candidat malheureux à l’organisation du Mondial (en 1994, 1998, 2006 et 2010), il espérait être le deuxième pays du continent, après l’Afrique du Sud en 2010, à l’accueillir en 2026. Pour gagner des voix et se positionner comme un acteur d’influence, la partie marocaine n’avait pas lésiné sur les moyens et avait scellé entre 2015 et 2018 une dizaine de partenariats avec des fédérations africaines.

Sur son territoire, le Maroc a également entrepris la construction et la rénovation d’importantes infrastructures : stades modulables, ligne à grande vitesse, routes, terminaux d’aéroports, gares… Mais l’image d’un pays développé et politiquement stable n’a pas suffi pour emporter l’organisation face à la candidature conjointe des Etats-Unis, du Canada et du Mexique, soutenue par l’ancien président américain Donald Trump.

« Un acteur incontournable »

Porter assistance aux équipes temporairement privées de stade permet aujourd’hui au royaume de renforcer des liens qui s’étaient un peu distendus ces derniers temps, Covid-19 oblige. « Quand des équipes viennent passer plusieurs jours au Maroc, nous faisons en sorte de favoriser leur séjour, par exemple en facilitant l’obtention des visas, reprend Omar Khyari. Nous préférons que des terrains soient occupés et que l’argent versé par telle ou telle fédération soit injecté dans l’économie du football marocain. »

La FRMF a noué des partenariats avec 44 fédérations africaines, essentiellement subsahariennes. « Ce sont des contrats de deux ans renouvelables, explique Omar Khyari. Et les partenariats sont ajustés selon les réalités locales. » Concrètement, le Maroc s’engage à accompagner la réalisation d’infrastructures sportives, la formation des cadres, l’accueil de stages pour des sélections nationales, la formation des arbitres et l’organisation de matchs amicaux.

« Le Maroc veut être le leader du football africain et il n’est pas loin de l’être. C’est devenu un acteur incontournable », remarque un dirigeant d’une fédération ouest-africaine, sous couvert d’anonymat : « Sa politique de diplomatie a un coût, mais c’est aussi un investissement. Les Marocains savent très bien ce qu’ils font. »

En octobre, la Gambie, la Sierra Leone et le Soudan du Sud vont participer à un tournoi international avec la sélection chérifienne à El Jadida et Mohammedia. Les Marocains seront également reçus dans des pays partenaires, comme ce fut le cas avec la sélection féminine au Ghana ou lors d’une session de formation de cadres au Liberia. Une occasion de se positionner de nouveau sur l’échiquier de la diplomatie sportive, en attendant de briguer une nouvelle fois la candidature au Mondial… de 2030.

Ghalia Kadiri(Casablanca, correspondance) et Alexis Billebault



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