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Drame passionnel à Douala : Je te tue et je meurs au nom de l’argent

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Drame passionnel à Douala : Je te tue et je meurs au nom de l’argent

Douala, ville cosmopolite, ne se réveille jamais sans drame. C’est devenu une coutume d’entendre ou d’être témoin d’une histoire. Les polémiques à n’en plus finir ont meublés les commentaires dans tout le quartier Maképé situé en banlieue à la suite d’un assassinat suivi d’un suicide. 

Dans la nuit du 1er au 2 février dernier, le sommeil a été long comme d’habitude après un week-end bien chargé. Il n’était pas festif du tout cette fois-ci. Je venais de la région de l’Ouest-Cameroun où j’ai assisté aux obsèques d’un journaliste qui avait avalé sa plume deux semaines plus tôt. 

C’est aussi pour ça que mon réveil a été pénible ce jour-là et il fallait bien que je m’efforce de mettre mon récepteur radio en marche.Radio Equinoxe, ma chaîne privilégiée, est le choix habituel pour les infos locales du matin. 

Une nouvelle terrifiante fut la une : « Drame passionnel à Maképé où une dame a été poignardée par son copain qui la soupçonnait d’entretenir une relation avec un autre homme. Malgré leur séparation, l’homme n’a pas supporté la trahison et a débarqué dans le lieu de service de la jeune femme avec un poignard. Après avoir planté plusieurs coup de poignard dans le corps de la femme la population s’est rué sur lui, l’a bastonné avant de mettre le feu sur son corps déjà presque inerte ». 

C’est ainsi que je peux résumer l’information qui avait captivé mon attention ce jour-là et qui m’a aussi presque sorti de mon sommeil. Les nouvelles de ce genre, il y en a chaque matin à vous couper le souffre. Il est aussi de coutume que cette défaillance de la justice camerounaise qui a développé ce phénomène de justice populaire était seulement appliquée sur des voleurs qu’on attrapait en flagrant délit de vol ou même qu’on soupçonnait seulement d’en être l’auteur ou le commanditaire. Comme d’habitude, à la fin du journal, il faut penser à la panse et le lieu de repère pour un rendez-vous de bol de bouillie qui se trouve au carrefour du quartier et proche de ma maison est déjà bondé de monde lorsque j’arrive pour mon petit déjeuner matinal. Je m’installe en donnant ma commande qui retarde quelques minutes en attendant mon tour. Ici, c’est à chacun son tour dans l’ordre d’arrivée. Et pendant que les beignets étaient au feu, il fallait alors attendre. Cette affluence faisait même dire à d’aucun que c’est Tanty Simone qui a inventé les beignets. Eh oui, « Tanty Simone », comme beaucoup ici aiment l’appeler gentiment, qui exerce de main de maître ici est la maman de ce carrefour lieu-dit « Entrée Johannesburg » à Kotto. 

Oui, vous avez bien lu. C’est bel et bien un lieu célèbre à Douala où 4, non, près de 6 bars se côtoient tous les jours et rythment le coin le jour comme la nuit. C’est aussi un lieu de tous les ragots où les désœuvrés, les va-nu-pieds, les vendeurs à la sauvette, les conducteurs de moteurs taxi (les benskineurs), les tenants de tous les commerces environnants et lointains et mêmes les spécialistes en chômage avancé comme moi-ci, viennent se ressourcer. Mon tour était donc arrivé et à peinej’ai commencé à mijoter ma bouillie chaude que j’entends les murmures qui révélaient la découverte d’un corps d’homme brûléexposé encore sur la voie publique. Ces éternelles découvertes ne retinrent même pas mon attention, car je suis déjà fatigué t’entendre les drames abracadabrants tous les jours : 

- Gars, tu as appris qu’on a brûlé un bandit hier ? 

- Quoi ? 

- Je te jure ! La population est sortie et a mis le feu sur lui et il est die catch (mort sur le champ, ndlr) 

- Qu’a-t-il volé ? - La moto. Elle était encore toute neuve. 

- Non, rétorque un autre, ce n’est pas pour la moto, il est entré dans un salon de coiffure pour cambrioler et dépouiller les clients. Et à la fin du vol il n’a pas supporté qu’une fille lui fasse la riposte. Il a poignardé et le crie des nga(« Fille », « copine » dans la langage populaire, ndlr) qui retentissaient par un « ô bandit ! ô voleur… !) a alerté les gens qui sont sorti pour voir ce qui se passe. La population a tabassé le jeune homme à mort et l’a brûlé vif. Je me suis, à l’instant, dis qu’il ne s’agissait pas de la même histoire suivie à la radio. Mon attention était focalisée sur mon bol de bouillie. Les commentaires s’enchaînent et les versions de l’histoire se succèdent dans un brouhaha indescriptif et interminable. Il ne me restait plus qu’à finir rapidement mon gros bol et continuer mon programme de la journée. J’entends comme une voix qui vient de loin : 

- Non, c’est un crime passionnel, c’est un jaloux. Je me suis résolu à ma décision de partir. Celle-ci prit une intensité pas moins passionnante elle aussi. Je tendis bien mes oreilles pour ne pas échapper à une bride d’info. 

Le gars, comme un messie venu annoncer la bonne nouvelle, continua : 

- Le gars qu’on a brûlé-là n’a pas supporté que sa nga le quitte pour un autre. Il a débarqué dans le salon de coiffure où travaille son ex-copine pour poignarder la nga-là. La population est alors sortie pour rendre le pareil. Et un autre de répliquer : 

- Oui, oui, même moi j’ai suivi ça à la radio ce matin. Vous comprenez donc que la plupart des discussions qui ont eu lieu dans la rue et les gargotes sont de diverses sources. Il suffit de ne pas faire attention, et vous risquez d’en prendre de la graine. Cette version me semblait donc plus crédible et il ne me restait plus qu’à continuer ma grâce matinale auprès de ces « reporters » de circonstance. La journée est passée sans que le ciel ne sombrât pour changer le cours de l’histoire. Avec des empoignades et des micmacs à n’en plus rompre, je pris congé d’eux sans justement avoir la vraie version et décida de ne plus m’y mêler. Et le soir venu, assis galamment dans une terrasse de la rue d’en face la villa de mon ami Aladji, le vigile vint comme d’habitude me tenir compagnie en rompant ma solitude. La chaleur étouffante et les moustiques en nombre illimité ne donnaient envie de rester cloîtrer dans la maison. Les salamalecs de coutume se ponctuassent par « Comment ça a été, la journée ? ». 

La réponse du vigile s’accompagna d’un froncement du visage qui ne dit pas son nom. Sans attendre ma question pour savoir ce qui ne va pas, il entama : 

- Kapo (c’est mon petit nom), tu as suivi la radio ce matin ? 

- Oui. Qu’y a-t-il ? 

Wantafoulpalaba ! (interjection pour marquer son étonnement, en langage populaire) Un gars-là a poignardé sa copine ce matin et il s’est aussi poignardé. 

- Ah ! M’écriais-je. 

- Donc tu n’as pas suivi ça ? 

- Si, j’ai suivi. Mais, la radio annonce plutôt que c’est la population qui l’a lynché. 

- Non, c’est faux. J’ai commencé à comprendre que je vais bientôt avoir une autre version provenant de la rue. Il attire plutôt mon attention en affirmant avec insistance que cette histoire d’amour qui s’est achevé en drame avait commencée à se gâter à cause d’un problème d’argent que personne n’a vu venir, même les journalistes de la radio n’y ont vu que du feu. 

Il entama le récit que je résume : 

- Mon ami Karibou m’a appelé un soir, il était à peu près 19h pour venir assister en tant que témoin à une transaction de prêt d’argent. Mon ami Karibou devait donner une rondelette somme de 200.000FCFA comme prêt à Hamed qui s’était promis de rembourser dans un mois. Hamed était amoureux de Solange qui avait besoin de cet argent pour un « business », disait-elle. 

Elle avait promis la lui restituer après un mois, car ce business en question devrait rapporter le double. L’amoureux n’hésita pas de solliciter Karibou pour un prêt et celui-ci, par mesure de précaution, appela le vigile Samy pour être témoin que Hamed détient 200.000FCFA remboursable à Karibou dans un mois. Pendant un an cette histoire d’amour avait déjà fait long feu et les deux concubins vivaient en harmonie jusqu’au jour où une soudaine histoire d’infidélité survint. Solange ne supportait plus le climat délétère et décida de rejoindre ses parents.Le temps s’est vite écoulé. Le délai du remboursement était déjà passé de 3 mois sans que Solange n’ait eu la politesse de restituer la somme d’argent promise malgré l’insistance de Hamed. Hamed prit son courage et rend chez ses ex-beaux-parents pour trouver une solution. 

Le père de Solange qui semble être le bénéficiaire de cet argent surprend Hamed qui reçoit une fin de non-recevoir. Pour le père de Solange, il faut que Hamed considère cet argent comme la compensation d’une perte de temps à Solange :

« Pour avoir « utilisé » ma fille pendant un an et sans suite, dit-il, il faut bien que tu paies pour ton vandalisme ». 

Hamed a considéré cette réponse comme un affront et a donc décidé, sous cape, de se venger. La colère qui emportait Hamed n’avait pas de limite. Il décida de créer l’actualité ce jour du dimanche 1er février dernier en se rendant au salon de coiffure où travaillait Solange. 

En entrant, il sort le poignard à double tranchant qu’il avait bien limé au préalable. Il assène des coups de poignards mortels à Solange. Dans la furie totale des filles du salon et des clients, il planta un coup de poignard dans son ventre. Les populations, sorties en masse, se précipitèrent sur le corps d’Hamed déjà ensanglanté, le ruèrent de coups de bâtons mortels. Comme si cela ne suffisait pas, Hamed qui respirait encore, a fermé définitivement les yeux lorsqu’il a été immolé. 

Voilà ! Puisque c’est un témoin, pourquoi ne pas donner du crédit à cette version ? Une histoire d’argent confondue avec une histoire d’amour. 

A la question de savoir s’il s’agit d’un crime passionnel ou d’un règlement de compte, la réponse n’est pas aussi facile qu’on pourrait l’imaginer d’emblée. 

Facile donc, pour quiconque de se méprendre dans ce tourbillon de version rapportées par les ragots. 

Les journalistes qui s’exercent dans des faits de société comme ceux décrits ci-dessus, semblent être considérés comme ceux qui s’occupent des faits de ragot. 

Ils sont souvent et généralement considérés comme des journalistes des faits secondaires, donc relégués au second plan. Ainsi, les journaux qui choisissent de faire de ces drames des scoops doivent achever des recoupements dans les secondes qui suivent. 

Sinon, il va se trouver deux jours après, qu’ils ne sont plus d’actualité, car les drames à Douala, on en compte presque tous les jours. 

Ainsi va la capitale économique au quotidien ! Tchakounté Kemayou



2 Commentaires

  1. Auteur

    Kk

    En Février, 2015 (20:02 PM)
    j'avais l'impression de lire un livre! ce genre d'articles devrait inspirer nos journaleux
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  2. Auteur

    Espritclair

    En Février, 2015 (10:21 AM)
    BEL EXEMPLE §§§§§§§§
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