Le président de la Banque africaine de développement, Donald Kaberuka, regrette que les entreprises françaises et étrangères «se concentrent trop sur les matières premières».
LE FIGARO. - La croissance va-t-elle rester dynamique sur le continent?
Donald KABERUKA. - Nous tablons sur une croissance moyenne en 2014 de 6 %, après 5,5 % cette année. Il reste huit pays en crise, dont la République centrafricaine, la Guinée-Bissau, la Somalie et le Mali. Il faut avoir conscience que la moitié de la population est concentrée dans 7 pays: Afrique du Sud, Éthiopie, Égypte, Nigeria, la RDC et les deux Soudan. Ce qui se passe dans ces pays est crucial et il faut accélérer l'intégration régionale.
La démographie est-elle un risque ou une opportunité?
La croissance démographique est effectivement très rapide de 2,9 en moyenne, jusqu'à 3,9 au Niger, taux le plus élevé du monde. Face à cela, trois défis. La croissance doit être plus forte - 7 % au minimum - pour l'absorber. Il faut lutter contre les inégalités, encore trop élevées, qui posent des risques sociaux et politiques, en particulier dans les pays où la croissance est tirée par les ressources naturelles. Troisième urgence, la création d'emplois, en commençant par l'agriculture et les PME. Si on multiplie par deux la production agricole, on réduit la pauvreté de 30 %. En dix ans, le taux a reculé de 58 % à 48 %. C'est bien mais insuffisant.
D'où l'importance des investisseurs privés?
Il y a d'énormes besoins, à commencer par les infrastructures. Les émergents, surtout les Chinois, investissent massivement.
La France est-elle encore dans la course?
La France a un atout très important, sa présence ancienne, sa bonne compréhension du risque africain. Mais elle ne l'exploite pas suffisamment. Les entreprises françaises et européennes exagèrent les risques pays ; elles ne raisonnent pas suffisamment sur le long terme, à l'inverse des émergents. Les Brésiliens, par exemple, ont investi plus de 10 milliards de dollars au Mozambique. Les entreprises européennes ont elles aussi trop tendance à se concentrer sur les matières premières, gaz, pétrole, en Angola, Guinée équatoriale ou Niger.
Les Français sont tout de même présents dans d'autres secteurs?
C'est vrai. Dans l'eau et les télécoms, notamment. Il faut faire plus dans l'agrobusiness, les services. Mon conseil, c'est investissez sur le long terme, adaptez-vous aux changements. Il faut sortir de l'ancien modèle import-export. Les banques françaises, par exemple, installées dans les centres-villes, sont trop axées import-export. Alors que les banques marocaines ont choisi les quartiers populaires et ciblent des produits dédiés aux PME.
Vous parliez d'intégration régionale?
C'est crucial. L'Afrique centrale et l'Afrique du Nord sont les deux zones les moins avancées. L'Union économique et monétaire ouest-africaine, qui regroupe huit États, a l'avantage d'avoir une monnaie et une banque centrale commune. À l'Est, le regroupement de 5 pays dans l'East African Community facilite le business.
Donald KABERUKA. - Nous tablons sur une croissance moyenne en 2014 de 6 %, après 5,5 % cette année. Il reste huit pays en crise, dont la République centrafricaine, la Guinée-Bissau, la Somalie et le Mali. Il faut avoir conscience que la moitié de la population est concentrée dans 7 pays: Afrique du Sud, Éthiopie, Égypte, Nigeria, la RDC et les deux Soudan. Ce qui se passe dans ces pays est crucial et il faut accélérer l'intégration régionale.
La démographie est-elle un risque ou une opportunité?
La croissance démographique est effectivement très rapide de 2,9 en moyenne, jusqu'à 3,9 au Niger, taux le plus élevé du monde. Face à cela, trois défis. La croissance doit être plus forte - 7 % au minimum - pour l'absorber. Il faut lutter contre les inégalités, encore trop élevées, qui posent des risques sociaux et politiques, en particulier dans les pays où la croissance est tirée par les ressources naturelles. Troisième urgence, la création d'emplois, en commençant par l'agriculture et les PME. Si on multiplie par deux la production agricole, on réduit la pauvreté de 30 %. En dix ans, le taux a reculé de 58 % à 48 %. C'est bien mais insuffisant.
D'où l'importance des investisseurs privés?
Il y a d'énormes besoins, à commencer par les infrastructures. Les émergents, surtout les Chinois, investissent massivement.
La France est-elle encore dans la course?
La France a un atout très important, sa présence ancienne, sa bonne compréhension du risque africain. Mais elle ne l'exploite pas suffisamment. Les entreprises françaises et européennes exagèrent les risques pays ; elles ne raisonnent pas suffisamment sur le long terme, à l'inverse des émergents. Les Brésiliens, par exemple, ont investi plus de 10 milliards de dollars au Mozambique. Les entreprises européennes ont elles aussi trop tendance à se concentrer sur les matières premières, gaz, pétrole, en Angola, Guinée équatoriale ou Niger.
Les Français sont tout de même présents dans d'autres secteurs?
C'est vrai. Dans l'eau et les télécoms, notamment. Il faut faire plus dans l'agrobusiness, les services. Mon conseil, c'est investissez sur le long terme, adaptez-vous aux changements. Il faut sortir de l'ancien modèle import-export. Les banques françaises, par exemple, installées dans les centres-villes, sont trop axées import-export. Alors que les banques marocaines ont choisi les quartiers populaires et ciblent des produits dédiés aux PME.
Vous parliez d'intégration régionale?
C'est crucial. L'Afrique centrale et l'Afrique du Nord sont les deux zones les moins avancées. L'Union économique et monétaire ouest-africaine, qui regroupe huit États, a l'avantage d'avoir une monnaie et une banque centrale commune. À l'Est, le regroupement de 5 pays dans l'East African Community facilite le business.
3 Commentaires
Janus
En Décembre, 2013 (09:20 AM)Papis
En Décembre, 2013 (12:26 PM)Diop
En Décembre, 2013 (01:24 AM)Participer à la Discussion