Pour la première fois de l'histoire de la Grande Île, la journée mondiale de « l’avortement sécurisé » a été célébrée à Madagascar. À l’Université d’Antananarivo, débats et conférence étaient organisés sur le sujet dans un amphithéâtre bondé.
À Madagascar, les données sur l’avortement sont rares, tant le sujet est sensible et les témoignages risqués. En 2016 pourtant, la cellule santé et sciences sociales de l’Institut Pasteur de Madagascar a réussi à mener une étude anthropologique auprès de 150 femmes de 15 à 45 ans. Soixante d’entre elles avaient eu recours à un avortement suivi de complications.
« Il a été démontré que plus de la moitié des femmes ont fait des avortements dans des conditions non sécurisées, explique Anjarasoa Darsot, coordinatrice du projet au sein de cette cellule.À Madagascar, il est plus facile d’avoir accès aux matrones, aux faiseuses d’anges ou aux tradipraticiens qu’aux professionnels de santé en milieu hospitalier, ceux qui acceptent de prendre le risque de pratiquer l’avortement mais toujours dans le cadre illégal ».
Cette étude sert de référence pour avancer sur les droits des femmes à accéder aux soins de santé. Une base, diront les pro-avortements, pour avancer vers la dépénalisation. Mais pour Johanna, 23 ans, convaincue de la nécessité d’accorder ce droit aux femmes, la route est encore longue. Elle dénonce l’hypocrisie d’une société patriarcale profondément machiste.
« C’est un sujet tabou, déclare-t-elle. On sait que cela existe, que cela se pratique tous les jours mais on n’en parle pas. Si jamais j'avais recours à l'avortement, je n'en parlerais pas à ma mère par honte et par peur de déshonorer ma famille. On nous a inculqués depuis tout petit qu'il ne faut jamais, au grand jamais, avorter ».
Dix ans de prison
Pour nombre d’intervenants, une grande partie des solutions - éduquer à la sexualité, rendre la contraception accessible à tous - doivent être trouvées en amont des grossesses non désirées. Mais tout est question d’évolution des mentalités.
Sur la Grande Île, l’avortement, thérapeutique ou non, est un crime passible de 10 ans de prison pour la femme qui y a recourt. Les personnes qui aident ou qui pratiquent l’intervention sont considérées comme complices et encourent elles aussi de lourdes peines d’emprisonnement. Dans ce contexte, les avortements sont le plus souvent pratiqués dans des conditions d’hygiène désastreuses et non médicalisées. Les complications à la suite de l’acte sont la deuxième cause de mortalité maternelle à Madagascar.
Le pays s’est fait rappeler à l’ordre par l’Union africaine récemment pour n’avoir pas encore ratifié le protocole de Maputo (2003) qui consacre tout un article sur les droits sexuels et reproductifs et fait mention du droit à l’avortement.
Par ailleurs, en 2017, à l’issue du vote de la loi sur la santé de la reproduction et de la planification familiale, les articles concernant l’avortement avaient été supprimés. Le ministère de la Santé s’était alors engagé à un projet de loi portant uniquement sur l’avortement thérapeutique. Cet engagement n'a pas été suivi d'effets jusqu’à présent.
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