Vendredi 19 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

Il était une fois, Wade

Single Post
Il était une fois, Wade

« L’ambition souvent fait accepter
les fonctions les plus basses ; c’est
ainsi que l’on grimpe dans la
même posture que l’on rampe »
Jonathan SWIFT

 

Il n’y a rien à faire avec Abdoulaye Wade. Qu’importe l’état dans lequel on le fait macérer, il revient toujours avec un goût amer. On ne peut pas lui extirper ses ennemis, puisqu’ils sont à l’intérieur. Ce sont les vieux démons qui le réveillent tous les soirs pour lui demander des comptes sur Me Babacar Sèye, Mamadou Lamine Badji, et récemment Chamsdine Aïdara. Les Aïdara de Ziguinchor, très respectés un peu partout dans le Pakao, ont eux aussi décidé de l’empêcher de dormir. Wa se présente toujours avec le visage tuméfié comme s’il avait passé la nuit en tête-à-tête avec sa bouteille de vin. Non. Il souffre. Pas de nos malheurs, mais de ses propres malheurs, qui l’empêchent de dormir. Quand son indexe transperce le vide pour menacer quelqu’un, c’est pour entrer dans ses propres abîmes. Mais il sait, depuis la semaine dernière au moins, qu’il ne fait plus peur à personne.
Viviane Wade avait décelé cette fournaise intérieure, en confessant à son biographe officiel Cheikh Diallo que « dormir auprès de Abou n’est pas de tout repos ». C’est terrible, pour quelqu’un qui pensait que la mauvaise conscience ne le rattraperait jamais sur terre. On le croyait insensible aux coups, mais Wade saigne de l’intérieur. C’est de l’intérieur qu’il est en train de se décomposer. Il se fâche contre des gens qui ne lui ont rien fait. Il pétait les plombs, mais la fréquence est devenue inquiétante à ce niveau de l’Etat.
Vous serez étonnés, mais Yaham Mbaye n’a jamais rien fait  à Abdoulaye Wade. Il est le Directeur général du Groupe Com 7, et par son propre malheur, le groupe appartient à Bara Tall, à qui Wade a décidé de faire la guerre, et à Pierre Aïm, qui représentait pourtant les intérêts de la famille Wade dans le Groupe, et que Karim Wade ne veut plus voir depuis qu’il a fait ses fameuses révélations sur « l’argent de Taïwan ». Il y a trois ans, quand Youssou Ndour a débarqué dans les locaux du groupe pour déloger Yaham Mbaye, c’est Wade lui-même qui a demandé le rétablissement de son ennemi d’aujourd’hui, avant de l’appeler personnellement pour s’excuser de ce que Youssou Ndour avait voulu faire. Seulement, le président de la République croyait l’avoir dans la poche après cet incident. Ce que ni la ligne du Populaire ni celle de son « ami Yaham » n’est venu confirmer. Son âme végète tous les jours à la recherche de nouveaux ennemis. Le dernier sur qui il avait pointé son doigt accusateur, un « politologue » bien connu, il a fini par l’apprivoiser et en faire son plus grand laudateur.
C’est ainsi que Wade fonctionne depuis que très tôt, il s’est découvert au-dessus de tout le monde. Ou on est d’accord avec lui, ou on est son ennemi. Il le fait au nom de ce qu’il croit être sa supériorité morale et intellectuelle, une religion chez lui. Cette assurance qu’il est le plus grand homme de l’Histoire a détraqué en lui l’instinct d’autocensure qui empêche les gens de dire n’importe quoi et de tomber dans le ridicule. Wade dit tout ce qui lui passe par la tête sans aucune retenue. Pas par franchise,  comme semblent lui créditer certains, mais par narcissisme démesuré. Un homme franc accepte et admet, par principe, la franchise des autres. C’est pourquoi les seuls dont il s’accommode maintenant sont ceux qui lui doivent tout. Il est triste de voir cet homme seul, cerné par Abdourahim Agne, Djibo Kâ et Malick Ndiaye, qui l’avaient combattu farouchement, et qui lui servent maintenant de garde du corps.
Nous avons perdu notre homme. Il savait rire, faire rire les autres. Il est maintenant seul avec lui-même. Peu de gens auraient parié sur ce retournement spectaculaire. Nous lui préparions une place à côté de grands de ce continent comme Cheilkh Anta Diop, Kwame Krumah, Nelson Mandela. Nous le pensions trop au-dessus d’Abdou Diouf, un peu après Senghor. Il s’était élevé à ces hauteurs-là, avant de piquer du nez.
La communauté internationale ne fait que découvrir avec stupéfaction ce que nous vivons depuis plusieurs années déjà. Figurez-vous qu’il y a quelques années, dénoncer cet homme sur la place internationale était un blasphème. Le monde entier était resté collé à l’image du libérateur qu’il n’a jamais été. Il traînait sa cour partout avec toujours les mêmes arguments : « il est le premier opposant légal en Afrique, il a réalisé l’alternance démocratique, il avait dit qu’il ne marcherait jamais sur des cadavres pour prendre le pouvoir. » C’est ce que feu le démocrate avait apposé sur sa carte de visite, avant d’échouer sur le Comité Nobel.
L’espoir que le Sopi incarnait s’est transformé en désespoir, le paradis qu’il promettait, en un enfer interminable. Si les Assises ont un intérêt, dois-je confesser, c’est de révéler au monde entier la perfidie de cet homme, qui ose s’en prendre à des gens parce qu’ils ne pensent pas comme lui. Même dans les dictatures tropicales les plus ubuesques, on se gardait d’aller aussi loin. Quand il va s’adresser aux médias étrangers, attendez-bien ce qu’il va dire : « j’ai même inscrit la liberté de manifester dans la Constitution. »
Un ami m’invitait fiévreusement à combattre ces Assises nationales, pour la simple raison que ceux qui les organisent ont été, ou des fonctionnaires du Parti socialiste, ou des fonctionnaires sous le Ps. Je lui ai répondu que c’est le propre des gens désespérés de s’accrocher à tout, et le Sénégal en est là. Que toute cette machinerie politique ait servi à une autre époque est une évidence. Mais je ne sais pas si nous devons condamner le Ps et son ancienne direction à la « perpete », quel sort nous devrions réserver à Abdoulaye Wade et au Pds. La question n’est pas de savoir si Mamadou Lamine Loum a servi sous Diouf ou pas, la question est de savoir si le diagnostic qu’il fait de la situation du Sénégal est juste ou pas. Ce qu’il a dit dans les colonnes du journal Le Quotidien mérite attention et respect.
Je ne suis pas contre les Assises, je suis contre tout ce qui donne à Abdoulaye Wade l’impression qu’il peut s’inscrire dans la durée. C’est dans la rue que le président de la République assoit sa domination, c’est dans la rue qu’il faut lui faire face. On ne peut que saluer la grandeur d’âme d’Amadou Makhtar Mbow. On ne peut qu’être admiratif face à tant de compétences réunies, qui rappellent que derrière la bouffonnerie officielle, le Sénégal reste un pays riche de ses hommes. Mais il faut voir au-delà des Assises, et admettre que la condition préalable à l’application des mesures, quelles qu’elles soient, reste le départ d’Abdoulaye Wade. Ce que les incidents de ces dernières semaines montrent bien, c’est que la rue est devenue le lieu d’exercice du pouvoir. Pas du fait de l’opposition, mais du fait du pouvoir, qui s’est déjà organisé en milices pour se mettre hors-la-loi. Wade a non seulement perdu le contrôle de la situation, mais il a perdu le contrôle de ses nerfs. On ne peut plus rien attendre de lui. Pendant qu’il va donner des leçons à Rome, la pluie s’est déjà abattue dans de nombreuses régions du pays, sans que les paysans aient reçu la moindre semence.
L’expédition punitive contre le domicile du doyen Amadou Makhtar Mbow est odieuse, indigne d’un pays comme le Sénégal. C’est le genre de bassesses dans lesquelles le pouvoir est passé maître, et que des Assises nationales ne régleront pas. Mais ce ne sont pas de simples dénonciations et des cris d’indignation qui feront changer le régime. Il faut rester debout, comme le suggèrent si bien les jeunes du Front Siggil Sénégal.
Wade est très fort pour retourner une situation. Il y a bien une menace de coup d’Etat dans ce pays. Faire un coup d’Etat, c’est prendre une position de pouvoir qui va à l’encontre des règles institutionnelles étables et de la loi fondamentale. C’est ce que cet homme fait tout le temps. Depuis plus d’un an, il n’assure plus qu’une fonction de sécurité pour les prébendiers en place. Assurer les fonctions de police pour réprimer tout mouvement de protestation, assurer le paiement des salaires pour éviter un soulèvement populaire. C’est la seule chose qui nous différencie de la Guinée de Lansana Conté. C’est que les finances publiques génèrent assez de recettes pour continuer à payer les salaires. Ce n’est pas le mérite d’Abdoulaye Wade, c’est sa première condition à la survie de son régime.
SJD



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email