
« Il y a deux manières d’ignorer les choses : la première,
c’est de les ignorer ; la seconde, c’est de les ignorer et de croire
qu’on les sait. La seconde est pire que la première »
Victor HUGO
Mais que diable, était-il allé faire en ce lieu austère, où son ennemi juré Idrissa Seck a coutume d’établir ses quartiers, où lui-même n’avait jamais mis les pieds auparavant ? Que n’a-t-il pas jeté son dévolu sur ses luxueux appartements parisiens, ce Karim Wade, ou à la résidence de son ami Jaber, à quelques encablures des Champs Elysées ? Pourquoi cet hôtel caché au bout d’une ruelle pavée du 16ème arrondissement parisien, si éloigné de ses fréquentations habituelles et surtout, pourquoi avoir laissé le journal de son ami Cheikh Diallo relater les détails de cette prétendue rencontre avec Idrissa Seck, laissé les sites d’information sous son contrôle reprendre l’information, s’il ne pensait pas qu’il en pouvait tirer quelque avantage ? Voulait-il discréditer le maire de Thiès, devenu le plus virulent opposant au régime de son père, en voulant installer le doute parmi ses partisans ? Ou alors s’agissait-il d’un acte manqué ! Le désir subliminal d’un homme qui se sait traqué, en fin de parcours, sujet aux révélations les plus abracadabrantes, trop loin dans ses prétentions pour pouvoir revenir, mangé par les remords, en proie aux plus sombres présages sur son avenir propre depuis que son père émet des doutes sur le sien.
Sa parade sera bientôt terminée. Le président de la République ne fait plus mystère de son intention de se retirer de la course à la présidentielle, face au tollé que suscite sa candidature. Les plus hauts responsables de son parti sont convaincus que sa candidature sera rejetée, s’il la maintient. Les constitutionnalistes qui avaient été désignés pour le soutenir ont reculé, de peur de se faire ridiculiser. Zwankeu, le béninois qui soutenait vaillamment la thèse de l’incompétence du Conseil constitutionnel, s’est rabattu le caquet, depuis que les sages ont indiqué qu’ils peuvent bien statuer sur la validité de la candidature du président de la République et qu’ils se prononceront sans complexe. Moustapha Sourang, sur qui Iba Der Thiam comptait pour parrainer la « conférence internationale sur la validité de la candidature du président Abdoulaye Wade », a clairement répondu qu’en bon musulman, il ne peut pas mentir à son peuple. Souleymane Ndéné Ndiaye, soupçonné de vouloir se présenter à la place du chef de l’Etat, a été violemment pris à partie cette semaine par un site d’information tenu par un des hommes de main de Karim Wade, qui le dit disqualifié pour conduire « la campagne du président de la République ».
Penser que nuire à l’image d’Idrissa Seck valait cette descente impromptue relève de l’enfantillage. A bien y réfléchir, on ne sait quel parti Karim Wade pouvait en tirer, puisqu’en se rendant au Saint-James accompagné comme un enfant qui veut se repentir et se repentir de ses fautes n’est pas valorisant pour lui. Parler d’un « pacte pour la présidentielle » révèle son propre désarroi, lui qui avait rejeté toute idée d’alliance avec Idrissa Seck pendant les locales de 2009, avant de se faire battre à plate couture dans son propre bureau de vote. Comment pourrait-il être pris au sérieux, s’il débarque à Saint-James pour embrasser sur la joue celui qu’il a accusé récemment d’avoir accepté 100 millions de francs de Jacques Chirac pour empêcher l’élection de son père à la présidence de la République ? C’est cette obsession avec laquelle il tente les petits coups médiatiques que je trouve sidérante et infantilisante pour la République.
Mais mieux vaut entretenir les médias de sa bêtise plutôt que de les laisser publier tous les jours les télégrammes de Wikileaks ou les bonnes feuilles du livre de Pierre Pean sur les liasses de billets qui traversent l’atlantique dans des mallettes remplies, pour financer les campagnes des politiciens français. Cette page, il voudrait la tourner au plus vite, tellement son contenu est accablant. Ce que Robert Bourgi a confié à Péan et aux journalistes de Jeune Afrique avant de se rétracter de la façon la plus honteuse, un autre franco-libanais le confirme dans les mêmes termes. Nous noterons que c’est le jour de la publication des bonnes feuilles de ce livre que l’impromptu de Saint-James a décidé de nous entretenir de sa karimatique, sa comédie de mauvais goût. Les Sénégalais n’ont que faire de ses intrigues politiciennes et ils le lui feront savoir très bientôt. Les malades meurent tous les jours dans les hôpitaux sans électricité, les petites et moyennes entreprises ferment par centaines, forçant des milliers de pères de famille à l’immigration, du fait de sa seule responsabilité. C’est le même homme qui nous assure « qu’au-delà de son objectif de restructurer et de relancer le secteur de l’énergie, le plan Takkal est un formidable levier de croissance dont la réussite permettra de créer des milliers de nouveaux emplois ». C’est une sortie rigolote, mais elle est écœurante. Voilà bientôt un an que Karim Wade a été nommé par son père à la tête de son méga ministère, auquel il a ajouté l’Energie, le déclarant seul capable de régler ce problème, qui s’est aggravé ces dix dernières années. Malgré les centaines de milliards de francs mis à sa disposition, représentant la moitié des recettes annuelles de l’Etat, le « ministre d’Etat » ne parvient à rien de concret. Les Sénégalais ploient dans la misère et s’impatientent, tout ce que ses adulateurs infatigables trouvent « génial ». Le problème est que personne ne peut savoir dans quel domaine s’exerce le génie de ce Karim Wade. De sa lettre aux Sénégalais truffée de fautes à son ingérence dans le mouvement Navétane en passant par ses visites de courtoisie aux résidents de Mermoz ou sa tentative de se faire recevoir chez Mamoune Niasse, le fils d’Abdoulaye Wade accumule les initiatives les plus hasardeuses, de son air méprisant et de son ton de voix sentencieux. Sa soif de grandeur le pousse à tous les excès et aux manœuvres les plus indélicates. Il a déclaré hier à Kaolack, au cours d’une session de formation des responsables du mouvement Navétane sur son plan Takkal, figurez-vous, que « dans ces moments difficiles où l’essentiel est en jeu, nous devons éviter les polémiques et nous concentrer sur notre seul et unique objectif d’abréger au plus vite les souffrances de nos compatriotes ». Le « génie » d’Abdoulaye Wade ne sait pas qu’abréger les souffrances, c’est tuer, euthanasier. Il est, en cette matière comme en toute autre, d’une nullité bouleversante.
SJD
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