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Chronique

Le baiser de l’ours

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Le baiser de l’ours

« La vertu est un handicap rhétorique,
elle n’est pas efficace dans un débat »
Martin PAGE



Maître Abdoulaye Wade est d’une cruauté solennelle, quand il s’agit de traiter ses ennemis. Son ouverture au dialogue était une mise en scène de plus. Le baiser de l’ours, diraient les anti-castristes. L’opposition devait s’en douter et se méfier de ce troubadour venu leur raconter que le chef était en position « on ». On lui a décrit les scènes d’intifada de Kolda, et il s’est dit que la messe était dite, et que le syndrome chilien allait s’emparer du pays. Il s’est rendu compte, encore une fois, qu’il s’était trompé, et que le vrai pays, celui qui se lève sans son pain à la bouche, ne l’avait pas encore lâché. C’était un vœu fait dans la tempête. Il l’a oublié quand le calme est revenu dans la grotte. Il a repris son arrogance habituelle, avec le même rituel du « mortal combat ». A chaque fois qu’il a tendu la main, c’est pour étrangler.
Son âme incandescente traverse le communiqué de Amadou Sall, pressé sans doute, avec le sourire complice de son maître, d’en découdre avec un courtisan gênant. En Wadaisie, on mêle toujours plaisir et ricanements, quand le chef de la meute s’abat sur un intrus de taille. Le « bâtisseur » Atepa a pris une grosse gamelle, comme un vulgaire domestique. On y ajoute même que « cette affirmation relève de la seule responsabilité de son auteur », pour dire qu’il a menti.
Cet architecte casamançais est une vieille frappe, toujours prêt à retomber du bon côté, à pile ou face. Ce n’est ni un dioufiste ni un wadiste, c’est un « situationniste », rappellent toujours ceux qui veulent du mal au dandy de Cabrousse, arrivé sur les rivages du Sopi en bateau de croisière, pendant que la masse ramait en cayucos.
Il y a planté son premier ouvrage, la Porte du millénaire, qui a failli s’écrouler au bout d’une année n’eut été le secours de la Roumanie. C’est lui aussi l’histoire de ce stade couché sur papier par un adolescent, qu’il a présenté au monde entier sur les mêmes bords maritimes, comme le futur Musée de la civilisation « nègre ».
Il faut avoir les jambes agiles pour réussir de telles pirouettes, et c’est pourquoi Wade l’a gardé à ses côtés. Pape Samba Mboup ne le sentait pas de la même « texture », mais c’est un solide, un dur à cuire. Beaucoup de palais de dictateurs africains portent sa signature. Wade a encaissé son premier gros chèque de 35 millions là même où Atepa Technologies a érigé son siège social, sur un terrain qui appartenait à un certain… Marcel  Vert, père de Viviane et à Ndiouga Kébé.
Atepa lui a ouvert toutes les portes du monde, même celle des Bush. C’est cela son succès, et il le porte fièrement par-dessus la taille.
Du moins, il en était ainsi, jusqu’à ce qu’il évoquât un jour, dans les colonnes du journal Le Quotidien, « l’intelligence » d’Idrissa Seck. Une trahison coupable, aux yeux de l’inquisition, qui s’est jetée à ses trousses. Et les liturgistes du Sopiland ajoutent « la deuxième fois, Pierre. La troisième fois, ce sera la croix. Nous n’allons pas laisser faire ».

Pierre Goudiaby ne peut pas engager à ce niveau la responsabilité de son président, et proférer un mensonge aussi gros aux yeux de l’opinion. Non, Wade était consentant. Il lui a encore servi ses formulations à double entrée, ses phrases polysémiques qui veulent dire une chose et son contraire. Si le conseiller a engagé son président, c’est que son président s’était tout de même engagé. Maître Abdoulaye Wade a bien accepté l’idée de rencontrer son opposition, mano a mano, comme toutes les fois où l’angoisse de la mort le surprend. Il leur parle du destin des grands hommes comme de Gaulle, Houphouët Boigny, façon de leur dire qu’il est de leur lignée, l’héritage qu’il compte laisser à la postérité, ce qu’il a hérité de Senghor, jusqu’à les endormir avec sa boule de cristal. Le curé est là, tout « nuancé », à son office du dimanche, se laissant aller à sa maïeutique politicienne.
C’est le premier commandement dans son manuel de bord, toujours faire semblant. Et ses hommes de main se sont toujours fait prendre à la manœuvre. Il a quand même laissé croire, en 2000, qu’il ne rentrerait pas pour participer aux élections. Il a fait croire, cette année encore, que la présidentielle serait reportée. Encore une fois, il a fait le mort dans son sarcophage présidentiel, en annonçant partout qu’il allait « reporter ». C’est un as de la simulation. Jusqu’à ce qu’il découvre, stupéfait, l’interview de Amath Dansokho, avec le même lance-flamme qui lui hérisse les poils et lui donne des urticaires. Le chef d’Etat a tout de suite réveillé le chef de gang. Il aurait dit « finita la comedia ».
Sur sa table, ses services de renseignement, télécommandés depuis la Primature, lui ont encore laissé une barrique de poudre. S’il fait preuve d’une ouverture vis-à-vis de son opposition, elle sera perçue comme un signe de faiblesse qui pourrait ouvrir la porte à tous les chantages. Il est en position de force, il a son opposition à terre, il doit l’anéantir. C’est ce que lui ont indiqué ses « savants ».
Ce qui est par contre étonnant, c’est la naïveté avec laquelle l’opposition a répondu « oui », en espérant une ouverture. Le bon sens l’aurait commandé. Mais il a déserté la République quand le Sopi est arrivé.
Wade déroule sa feuille de route, et à cette étape précise, il était écrit en gros caractères « opposition absente ». Il a tout fait pour saboter le processus, et sa dernière tentative a été la décision insensée d’imposer la parité aux législatives, à moins d’un mois de la date limite de dépôt des listes. En deux ans, l’opposition a trop laissé l’initiative au pouvoir et à son bon vouloir. Et à chaque fois que Wade a voulu faire passer ses changements constitutionnels, il a rompu la dynamique de dialogue et renoué avec son unilatéralisme. Rien ne l’empêchera d’avoir son Assemblée nationale à sa coupe, et d’installer, en toute tranquillité, des sénateurs tous acquis à son fils.
La société dominante du 19 mars a du mal à accepter celle du 25 février : Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily, contre Abdoulaye  Babou et El Hadj Diouf. Mais elle est perdante dans sa façon d’agencer son combat. Le pays a changé en 7 ans. Le Sopi a créé un phénomène d’accoutumance à l’ânerie. C’est pourquoi, la stratégie à l’irakienne qui consiste à dire « vous avez gagné la guerre, mais vous n’aurez jamais la paix » ne peut pas marcher. Les fous du jihad, quand le Sopi était encore une religion, ne sont pas prêts à se retourner contre leur gourou.
Il faut donc s’attendre à des législatives très engagées, avec un président de la République qui va se battre comme s’il devait sauver sa peau. Le défi est dans la participation. Si les Sénégalais ne se rendent pas aux urnes le 3 juin prochain, ce sera la preuve par trois que l’opposition n’a pas perdu, c’est l’ordinateur de Pape Sy qui a gagné le 25 février.
Il a donc décidé de s’impliquer directement dans la campagne. Ce samedi, il va fouler aux pieds les lois de la République, pour engager sa croisade contre « l’abstentionnisme » qui menace sa légitimité. Le Conseil constitutionnel avait tranché au couteau en 2002, en interdisant l’utilisation de son image et sa participation aux élections. Mais c’était sans compter avec sa pugnacité. Il avait vigoureusement réagi par une lettre, avant de monter son cheval pour combattre ses moulins à vent. Pour l’honneur. Un adversaire n’est jamais petit, même taillé sur pièce. Imaginez un peu une Assemblée nationale avec comme chef de l’opposition parlementaire Modou Diagne Fada, et dans le rôle symbolique de président, son ennemi juré Macky Sall, et juste par-dessus leur tête une autre wadiste moulée dans du marbre, Aminata Tall… Le président de la République va obliger Pape Diop à choisir entre la municipalité de Dakar et l’Assemblée nationale, avec sa loi anti-cumul, en espérant qu’il choisisse sa ville. Il va ensuite positionner Macky Sall à l’Assemblée nationale. C’est un renouvellement par le bas, une des dernières fois où l’enseigne Pds illuminera son ciel bleu.
Le Premier ministre, à qui Viviane reprochait de ne rien avoir dans la culotte, a conçu un bébé in vitro. Un mouvement de soutien, parfait clone de la « génération du concret », pour marquer son indépendance. Il veut montrer que « Macky aussi a quelque chose ». Un minimum syndical, pour respecter les servitudes d’une fin de règne. Mais tout le monde se prépare à se jeter sur son canot, pour défendre ses eaux.
L’opposition sera malheureusement absente de ce débat. Pour une fois que Wade se rappelle que ses collaborateurs ont une cervelle, c’est pour prendre cette décision catastrophique qui fait que pour la première fois depuis trente ans, nous n’aurons que des nabots à l’Assemblée nationale, et non une opposition. Et il faut s’attendre à pire. Désormais, des deux côtés de l’Atlantique, il n’a que des amis. Aucun bon sens dans sa voilure, toujours dans les vents, prêt cogner les montagnes de glace, téméraire comme un chasseur de cachalots. Son âme cabotera jusqu’au naufrage, et il n’y aura personne pour la raisonner.




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