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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

[Chronique] Le bleu, le blanc et le sang

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[Chronique] Le bleu, le blanc et le sang
 « Je ne fais point fléchir les mots auxquels je crois :
Raison, progrès, honneur, loyauté, devoirs, droits,
On ne va pas au vrai par une route oblique »
Victor HUGO

C’est un paradoxe qu’au lieu de magnifier la grandeur des peuples pendant les fêtes nationales, l’on célèbre la puissance des Armées. La réussite d’une fête nationale se mesure encore au nombre de soldats, de canons, d’avions et de chars de combat que l’on fait défiler sous le regard de dignitaires admiratifs. Chose curieuse, ce sont les peuples qui sont souverains, pas les Armées. Et quand il leur a fallu se libérer du joug d’un dictateur, les hommes et les femmes épris de liberté se sont battus à mains nues. Pour de nombreux peuples, la tyrannie n’est d’ailleurs jamais venue de l’extérieur, mais de l’intérieur des frontières. C’est encore plus juste pour ce qui concerne la France où la haute société se congratule pour un évènement qui devrait être celui de la gens ordinaire.
Le 14 juillet, est célébrée la prise de la Bastille. Ce fut, à n’en pas douter, l’œuvre du peuple parisien contre une forteresse tenue par des forces militaires acquises au roi de France. Et c’était pour prévenir une invasion de l’armée, qui menaçait de descendre sur Paris le lendemain et mater la révolution naissante. De nombreux combattants de la liberté, sans armes, sans munitions, ont payé de leur vie pour que la France devienne la République de l’égalité, contre un ancien régime basé sur l’inégalité et les privilèges de naissance. La révolution française n’était pas la première révolution puisque, nous l’oublions bien souvent, celle américaine l’a précédée d’une dizaine d’années. Mais elle était de loin la plus retentissante, du fait de la part prise par les grands philosophes des Lumières dans la formulation de ce qui est devenu l’Etat de droit. Cette prétention à l’universalité n’était pas un vain mot. Partout dans le monde, la République française nouvelle a soutenu les peuples dans leurs luttes de libération contre les monarchies.
J’ai donc trouvé atterrant qu’au moment de célébrer cet instant unique pendant lequel la liberté des peuples a pris le dessus sur l’arbitraire des dictateurs, la France aligne sur un même fronton 13 chefs d’Etat africains parmi lesquels des assassins, des tyrans et des monarques. Parmi tous les chefs d’Etat présents à la cérémonie du 14 juillet, seuls Yayi Boni et Toumani Touré sont dignes de respect. Ils étaient les plus discrets. Le protocole a encore renforcé cette symbolique qui marquera encore longtemps les consciences. Les chefs d’Etat devaient être à distance de Nicolas Sarkozy selon l’ordre d’ancienneté. Cela veut dire que plus vous durerez au pouvoir, plus vous serez honoré devant la France et son chef. Puisque les vrais démocrates ne restent jamais longtemps au pouvoir, le président français s’est trouvé au milieu de la scène entouré de deux putschistes sanguinaires, Idriss Déby et Blaise Compaoré. L’image était plus que frappante. Le père de la Françafrique et le premier auteur de coup d’Etat en Afrique noire étaient eux aussi représentés par leurs fils, Ali Bongo et Faure Eyadema. Tout cela est bien honteux. Mais j’ai trouvé un petit réconfort, en découvrant Abdoulaye Wade au loin, avec la faribole d’héritiers flamboyants. Ils sont la représentation caricaturale de tout ce que la révolution du 14 juillet 1789 était sensée combattre : le régime héréditaire et les privilèges de naissance qu’ils étalent sans aucune finesse.

C’est mal payer tous les Africains qui sont morts dans toutes les guerres du siècle dernier au nom de la France. Je ne dis pas là qu’elle est responsable de tous nos malheurs. Mais elle a souvent fait les yeux doux à nos dictateurs, quand elle ne les a pas aidés à conquérir le pouvoir. Dans bien des cas, la France est intervenue pour maintenir au pouvoir des dictateurs, quand ses intérêts stratégiques se sont trouvés menacés. Le cas le plus mémorable est sans doute celui du général Déby. Il y a, sur ce point encore, une image saisissante lors de ce défilé du 14 juillet. Les parachutistes français ont été largués avec les drapeaux de nos pays, comme s’ils étaient encore les garants de notre souveraineté.
Sur ce plan, nous attendions mieux du président Sarkozy. On parle du geste qu’il vient de consentir en faveur des anciens combattants. Mais la meilleure manière d’honorer les Africains qui sont morts pour la France, c’est de cesser de soutenir les dictatures qui maintenant leurs compatriotes dans l’asservissement. Il a laissé agir d’obscurs mafieux liés à des intérêts qui ne sont même pas ceux de la France. Robert Bourgi, que nous savons tous lié à Abdoulaye Wade et à son fils, a ainsi soutenu sans la moindre gêne, avoir eu l’oreille tendue de l’Elysée quand il a fallu confier le pouvoir gabonais à Ali Bongo. C’est une honte que la FranceSi par malheur, Abdoulaye Wade réussissait son plan diabolique, ce serait, il est vrai, l’échec de toutes les forces progressistes du Sénégal, mais aussi celui de la France. Elle ne peut pas laisser ses anciennes colonies tomber, les unes après les autres, dans cet absolutisme fantoche.
Mais s’il venait aux dirigeants de la France de se laisser tenter par de telles menées, le peuple français nous fournit un bon exemple. Aucune dictature, même la plus puissante, ne peut résister à la volonté d’un peuple de se libérer d’un joug. Quand Abdou Diouf partait en 2000, il n’était un secret pour personne qu’il avait le soutien de son ami Chirac. Habib Thiam avait des relations aussi étroites avec Lionel Jospin. Ils avaient avec eux la police, l’armée et la gendarmerie. C’est la détermination du peuple sénégalais qui les a fait partir. C’est à mon avis, l’enseignement qu’il faut tirer de cette célébration du 14 juillet.
Pour que la France renonçât définitivement à la monarchie de droit divin et au régime des privilèges, il lui fallut décapiter son roi, qui se prenait pour le représentant de Dieu sur terre. La prise de la Bastille a été le fait de quelques milliers de personnes déterminées à se libérer du joug d’un roi qui avait le soutien de toute son armée et de toutes les monarchies d’Europe. J’ai noté que Karim Wade a choisi cette date, pas celle du 4 avril, pour s’exprimer sur une question qui regarde d’abord les Sénégalais, la succession. Pour moi, il existe un nommé Karim Wade, né en France le 1er septembre 1968, fis d’Abdoulaye Wade, de nationalité française, et de Viviane Wade, de nationalité française. Cet homme, nous ne laisserons personne nous l’imposer. C’est insulter les Sénégalais que de prétendre, comme il le fait, que les milliards qui lui sont dévolus, les nombreux ministères qu’il dirige, il les tient de sa seule compétence. Que le pouvoir s’hérite ou se mérite, notre détermination ne faiblira jamais. Pour résumer notre situation qui était aussi celle des républicains face aux royalistes de 1789, Karim Wade partira ou le Sénégal périra.

SJD




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