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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

Le corbeau et le ringard

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Le corbeau et le ringard

« Le roi n’administre pas,

ne gouverne pas, il règne »
Adolphe THIERS


C’est une règle que ce régime s’est fixé, il lavera son honneur dans toutes les buanderies de quartier, et tant pis si ça pue la manipulation et le règlement de compte. C’est à ce prix-là que le « broker » fils de président, courtier des tribunaux, négociera son ascension suprême. C’est un peu un scénario à la Chimène, sauf que l’offensé ici est l’ami, pas le père. Mais c’est tout comme. Tout ce qui touche à Karim est à Karim, et c’est à ce prix là que Pape Malick Ndiaye doit payer de sa liberté. Plus informés que tous, les deux têtes de l’Anoci avaient annoncé pour « bientôt » le retour des commissions rogatoires et donc « l’arrestation » du jeune homme. Après « faux et usage de faux et dénonciation calomnieuse », il est question cette fois-ci de « diffusion de fausses nouvelles ». Deux qualifications pour les mêmes faits, deux poursuites distinctes pour les mêmes faits. Une grosse hérésie, mais depuis la polémique suscitée par l’article 80 et les promesses du président de la République de le supprimer, l’article 255 est leur passe-partout. Un peu comme l’article 80, un sac à ordure qui prend la forme de ce qu’on y met. Et si le juge est tenté de requalifier les faits, c’est que l’article 255 du Code pénal permet ce que l’article 80 permettait déjà. Le juge ne peut pas s’opposer à une demande de mandat de dépôt du parquet. L’article 139 du Code de procédure pénale stipule que le juge n’a même pas le droit d’apprécier. Et le juge Sémou Diouf a déjà montré la voie, il n’a pas apprécié la libération du jeune « corbeau » par Seynabou Ndiaye Diakhaté. Karim Wade, au Koweit au moment des faits, avait vigoureusement dénoncé le fait que l’incriminé ne soit pas déjà en prison, et dénoncé une cabale dans laquelle il n’excluait « personne ». Il voulait dire Ousmane Ngom, Macky Sall et Cheikh Tidiane Sy, qui a vite dépêché une commission rogatoire pour en avoir le cœur net, après avoir déclaré au président de la République qu’il trouvait les révélations du « corbeau » plausibles.

Abdoulaye Baldé a toujours dénoncé ce fer à cheval, qui partait de la Primature, pour s’étendre au 8ème étage du Building administratif et à la Place Washington. Il y a vu les manœuvres du Premier ministre. Il est sûr qu’il y a derrière « le corbeau », le frère du Premier ministre Aliou Sall. Karim Wade en a fait son affaire. Il n’en parle pas, mais il fait partie des mis en cause. Il s’est senti visé indirectement, victime d’une tentative de liquidation venant du Premier ministre et de son entourage, et c’est pourquoi il en veut tant à Macky Sall.
L’affaire Pape Malick Ndiaye est une affaire de l’Etat. Elle oppose, au sommet du pouvoir, les parties prenantes à une succession revendiquée. Macky Sall, l’ami d’hier, instrument de la liquidation d’Idrissa Seck, est devenu le croupion à abattre. La fonction a créé chez cet homme, l’ambition du pouvoir, et c’est à juste raison. Il a été au cœur de la victoire (contestée) d’Abdoulaye Wade. Il trouve injuste qu’à la suite de cet exploit surhumain, le président de la République prépare l’installation de son fils par des voies détournées. Abdoulaye Wade est fort pour tuer les ambitions de ses fils putatifs dès le berceau : Il les étouffe de compliments. Macky se savait déjà dans le collimateur du président de la République. En général, c’est Farba Senghor qui mène le premier assaut, pendant que son patron « complimente ». Il a accusé le Premier ministre des mêmes pratiques qu’Idrissa Seck. Normalement, ça veut dire « même sort qu’Idrissa Seck ».
C’est pourquoi, il ne faut pas prendre la « démission reconduction » de mardi comme une simple question de procédé. C’est faux. Il l’aurait fait dès la proclamation des résultats, ou alors dès la prestation de serment du président de la République. Ca n’aurait d’ailleurs aucun sens, que le président de la République annonce qu’il ne changerait ni son gouvernement ni son Premier ministre, et que ce dernier présente sa démission en pleine polémique sur le boycott des prochaines législatives. Macky Sall est essoufflé. Il a fait ce qu’Idrissa Seck a fait le 22 août 2003, et qu’il aurait dû faire le 17 avril 2004. Il a présenté sa démission à Wade. Et comme en août 2003, le contexte ne permet pas à Wade de le démettre. Le président de la République sait les résultats des prochaines législatives tellement certaines, qu’il a été tenté de renier sa parole, en poignardant Macky Sall tout de suite après le baiser de la victoire. Mais il aurait divisé son parti, et lancé un mauvais signal à ses alliés. Macky Sall est parti au palais de la République, en sachant le président Wade dans une position délicate, sûr d’arracher un nouveau « mandat ».

La nouvelle « dualité » au sommet prend une tournure toute différente. Macky Sall a le sentiment de se battre contre un choix du président de la République, et non contre le président de la République. Il ne remet pas en cause son autorité, mais son choix. Le Premier ministre se rangera quand il sera sûr de sa défaite, et la rivalité va jusqu’à la réception des chantiers de l’Anoci. Macky Sall pense que c’est sous son gouvernement, Karim Wade pense que c’est sous son autorité. Cette guerre entre la Primature et la présidence de la République a trouvé une nouvelle tête de turc, Hassan Bâ. Il est devenu le sujet favori des journaux « de la Primature ».
Macky Sall n’ira jamais jusqu’au suicide, pour son honneur. Chez cet opportuniste de sang, on ne se tue jamais. C’est ce réalisme qui le différencie d’Idrissa Seck. Il va taire ses ambitions, qui l’ont rattrapé trop tardivement, quand il sera sûr de perdre la bataille. Si Wade le fait partir le 11 juin, jour de la démission de son gouvernement, il n’aura d’autre choix que de faire allégeance au prince.
Un universitaire, Babacar Guèye, a déclaré qu’il n’y aurait pas à redire, si Karim Wade succédait à son père par les urnes, en donnait l’exemple de grandes démocraties. Qu’il observe bien. Partout où ces situations se sont produites, elles ont abouti à des catastrophes. Ce choix ne poserait pas problème du point de vue de la légalité, dans laquelle veut se situer le constitutionnaliste. C’est moralement que les prétentions de Karim Wade sont inacceptables. Il doit tout à ses positions de pouvoir héritées de son père. Rien ne l’empêchera d’utiliser les leviers du pouvoir pour se faire élire président de la République. Wade en a donné une idée claire, quand Faure Eyadéma lui a demandé des conseils. « On ne peut pas organiser des élections en Afrique et les perdre. Organisez des élections, vous avez le pouvoir, vous avez l’argent, vous allez gagner ». C’est ce qu’il a fait. C’est une forfaiture couverte du linceul de la légalité. L’article 35 fait trop ringard. L’élection à la carte est sa version updatée. S’il le fait, il rabaissera la démocratie à la semelle de ses gros souliers.



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