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Chronique

Le jugement dernier

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Le jugement dernier
 
 
« Tous les hommes ont mêmes droits. 
Mais du commun lot, il en est qui ont plus 
de pouvoir que d’autres. Là est l’inégalité »
Aimé Césaire

La Justice sénégalaise a maintenant un visage, celui d’Ibrahima Ndoye, le jeune substitut du procureur qui a éclaté en sanglots dans son bureau, après avoir prononcé un réquisitoire qui était loin d’être le sien, obligé de réclamer la condamnation d’un homme, Bara Tall, qu’il sait innocent. Son sort est celui de la quasi-totalité de nos juges, qui découvrent à la pratique que le droit qui leur est enseigné n’est pas celui qu’on leur demande d’appliquer; que l’idéal de Justice pour lequel ils ont opté, poursuivi six années d’études contraignantes, ils doivent s’en débarrasser aux portes de leur école, après leur serment, s’ils veulent embrasser leur métier et faire carrière. A l’ordre moral qui leur vient des enseignements de leur religion et de leurs parents, ils sont obligés de substituer la volonté d’un seul individu. L’impératif de Justice devient conditionnel, quand ils doivent obéir aux ordres de la hiérarchie pour assurer leur survie matérielle et leur épanouissement professionnel. C’est ce que j’ai trouvé de plus grave dans ce qu’a déclaré le procureur Ousmane Diagne. Il nous dit en somme que le réquisitoire de non-lieu publié dans la presse a bien été signé par son substitut Ibrahima Ndoye, mais que le même Ibrahima Ndoye avait le droit de produire pour une même affaire, deux réquisitoires qui se contredisent. C’est un scandale !
Il y a sans aucun doute, dans la situation que vit aujourd’hui la Magistrature, la responsabilité des magistrats. Ils ont été parfois dans la possibilité de dire la Justice sans la dire. Des justiciables ordinaires ont souffert de décisions injustes, sans que la responsabilité des autorités soit engagée. Ces dernières années, des cas de corruption avérés impliquant des magistrats ont été révélés dans les médias et certains magistrats ont été sanctionnés. Quand ces hommes, chargés de la bonne marche de la Justice et de l’application des lois dénoncent eux-mêmes l’injustice, nous devons leur tendre l’oreille. Nous ne mettrons jamais fin à la corruption dans ce pays quand subsistent parmi ceux qui doivent être à l’avant-garde de ce combat, des magistrats corrompus. Mais pour assurer l’indépendance de leurs décisions et la justesse de leurs délibérations, nous devons leur assurer un minimum décent : premier point de leurs revendications. 
C’est la démocratie elle-même qui garantit la justice distributive, basée sur le principe selon lequel, à rebours de la justice commutative, chaque homme doit être récompensé selon son mérite. Ceux qui passent plus de temps dans les études, exercent des métiers plus contraignants ou plus risqués méritent de gagner plus que les autres. La justice sociale compense cette inégalité des talents en prenant un peu aux riches pour redonner aux pauvres en finançant la Santé et l’Education, mais surtout en garantissant à tous les citoyens les mêmes chances de réussite. Sur ce point, les magistrats ont bien fait de souligner que les ministres et les députés gagnent mieux qu’eux et paient moins d’impôt. Je suis d’avis que ceux qui font les lois et ceux qui sont chargés de les faire appliquer doivent être logés à la même enseigne, au nom d’une notion qui doit demeurer au cœur de la Justice, l’équité ! Les citoyens d’un même pays, selon qu’ils sont coupables ou méritants, doivent être punis ou récompensés de la même manière. 
 J’aurais pu choisir le Droit, j’ai choisi la Philosophie. J’ai toujours trouvé à la fois abrutissant le fait d’avoir pour métier de décider de la liberté des hommes, parfois de leur vie, en récitant des formules contenues dans un livre qui s’appelle le Code pénal. Raison pour laquelle je me suis mis du côté de ceux qui pensent la Justice, pas de ceux qui ont la lourde charge de la faire appliquer. Le droit appartient aux juges formés pour rendre justice, mais les principes qui le fondent relèvent d’une autorité qui leur est supérieure, celle de la morale. C’est au nom de cette morale que le président de la République est aujourd’hui interpellé. Il aurait pu, en tant que garant du bon fonctionnement de la Justice, faire prévaloir dans toutes ses décisions, l’intérêt général. Mais il a décidé de s’attacher la complicité d’une partie de l’élite, en lui accordant des faveurs. Ses alliés politiques ont été les premiers servis, avec un traitement mensuel de 400 000 francs non déclarés et non imposables. Le commandement territorial a suivi, avec des montants allant de 150 000 pour les préfets à 300 000 francs pour les gouverneurs, tirés des « fonds politiques ». Les salaires des ministres ont été triplés, les salaires des professeurs d’université doublés. Les maires ont aussi été servis après les députés, suivis des présidents de communauté rurale. Cette générosité sélective visait à faire taire les mécontents et à encourager ses courtisans. L’intérêt général est devenu le privilège des particuliers. On connaît tous les privilèges accordés aux généraux de l’Armée nationale, nommés à vie. Le 8 décembre 2010, alors que les vétérans et blessés de guerre se plaignaient de leurs conditions de vie, il a signé un décret que nous publions en fac-similé, pour leur octroyer des avantages qui viennent s’ajouter à ceux qu’ils avaient déjà. Etonnant, de la part d’un homme qui a été porté au pouvoir par les masses pauvres, à qui il a tourné le dos pour se mettre au service des riches.


C’est le régime socialiste qui a décidé, en 1999, de mettre à la disposition des magistrats, un terrain pour la construction de logements. Quand il est arrivé au pouvoir, Abdoulaye Wade l’a choisi pour y construire le siège de son parti. Il a affecté à l’Ums un autre terrain. Quand ses responsables lui ont signalé que le terrain était occupé par des mécaniciens, il leur a rétorqué qu’il ne pouvait pas les déguerpir, parce qu’ils étaient « de grands électeurs ». Depuis, les magistrats attendent toujours, alors que les calots bleus ont été servis au Cices et à Keur Massar, après l’expropriation d’humbles citoyens. Abdoulaye Wade s’est lui-même attribué plusieurs terrains transformés en titres fonciers, mis en valeur avec l’argent du contribuable, pendant que les magistrats attendent. On ne peut être plus injuste.
J’ai toujours pensé que le principal problème de nos institutions n’est pas dans la nature du régime ou dans la concentration des pouvoirs entre les mains du président de la République. Il est dans le déséquilibre des pouvoirs. C’est un pouvoir judiciaire fort qui nous fait défaut. L’essentiel du principe de l’équilibre des trois pouvoirs cher à Montesquieu est là. Le problème n’est pas que le pouvoir soit fort, mais qu’il y ait des pouvoirs judiciaire et législatif qui soient assez forts pour s’opposer à ses dérives. La plupart des institutions que nous mettons en place, des textes que nous adoptons, ont un caractère sous-régional et international qu’aucun pouvoir ne peut plus restreindre. Il nous faut maintenant des juges pour les appliquer sans discrimination. C’est ce que les magistrats appellent « la fin de l’impunité ». Pour qu’ils acquièrent cette indépendance, il faut qu’au nom du principe de la séparation des pouvoirs, le chef de l’exécutif ne puisse pas continuer à présider le Haut conseil de la magistrature. Il faut que les membres de cette institution soient élus par les magistrats et non nommés par l’exécutif. Il faut que disparaisse le ministère de la Justice, symbole de cet assujettissement. Les responsables de juridictions lui sont loyaux parce que c’est lui qui les nomme. Les magistrats ont raison de se rebeller contre celui qui se prend pour leur maître. Le président de la République avait eu ces mots durs à leur endroit : «Le magistrat ne veut pas être indépendant. C’est comme les esclaves. On les libère, ils font deux-cents mètres et ils reviennent pour dire : je ne sais où aller.» A l’Ums de lui prouver qu’il a tort. 
SJD
<43>[email protected]


12 Commentaires

  1. Auteur

    Dof

    En Mai, 2011 (09:02 AM)
    Peut-on mesurer tout le mal qu'il a fait au pays ?
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  2. Auteur

    Peul

    En Mai, 2011 (09:08 AM)
    first
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    Auteur

    Yégori

    En Mai, 2011 (10:56 AM)
    Merci SJD u're the best !!!!!  <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/jumpy.gif" alt=":jumpy:">    <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/jumpy.gif" alt=":jumpy:">    <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/jumpy.gif" alt=":jumpy:">    <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/jumpy.gif" alt=":jumpy:">  
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    Laye

    En Mai, 2011 (11:08 AM)
    Mais avec tout ce qui se passe actuellement, les révoltes dans les pays arabes, le chaos semé par GBAGBO en CI, les mutineries au Burkina, pensez-vous que Ablaye va pousser l’inconscience jusqu’à se représenter avec tous les risques qu’il encourt ?



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    Auteur

    Undefined

    En Mai, 2011 (11:25 AM)
    de mon coté j pense vrèment k bcp de choses doivent etre changer dans la la magistrature de ce pays ns sommes au 21e siecle avec une nouvelle generation d magistrat ki doivent relever le defit pr une bne justice dans ce pays leur heure a sonnè en ce ki conserne les vieux magistrats ils doivent tendre la perche a ces jeunes ki veulent rendre cette justice bcp plu transparente mais independante et responsable offet de tout façon ns sommes derriere eux pr une naton de justice

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    Auteur

    Question A Sankar

    En Mai, 2011 (12:13 PM)
    Est-ce que le Sankar là c'est pas une usurpation ?
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    Auteur

    Pato

    En Mai, 2011 (12:13 PM)
    :tu a raison julie   <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/jumpy.gif" alt=":jumpy:">  
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    Auteur

    Bnnu

    En Mai, 2011 (13:10 PM)
      <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/bravo.gif" alt=":bravo:">  
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    Auteur

    Aida

    En Mai, 2011 (11:02 AM)
    Bouma xoolééé, ki ma kaateuu, day nékha nèèkh mélni séétou
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    Auteur

    Undefined

    En Mai, 2011 (15:06 PM)
    DSK, Il aurait dû faire appel à maître Verge S comme avocat !



    L?
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    Auteur

    Battling Siki

    En Mai, 2011 (12:05 PM)
    "Parti V" ya niaww khel té niaaw lamégn! :)
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    Auteur

    L? Le Vrai

    En Mai, 2011 (17:36 PM)
    Ya ! mais samarak man nguén di diémeu torokhal ?!! mais on m'a usurpé je vous dis !
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