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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

Le sniper de Mérina

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Le sniper de Mérina

 

« Ce qui rend commode le travail
des auteurs de tragédies, c’est que leurs héros
ne pensent qu’à ce qui leur arrive »
Claude ROY

 

La vengeance est un plat qui se mange froid. C’est ce que découvre, avec un goût amer, Mbaye Jacques Diop. S’il ne se trouve pas une retraite à l’étranger, le sniper de Merina paiera pour les coups de feu de la dernière présidentielle. Tirer sur un homme de 75 ans, le traiter de bandit de grand chemin n’est pas sage. Revenir manger à sa table est une insulte à la mémoire des sénégalais, et pas seulement à celle d’Abdoulaye Wade. Quand il a senti le vent tourner, Mbaye Jacques Diop a abandonné Abdou Diouf et ses troupes, pour se réfugier chez Moustapha Niasse. Dès qu’il a vu la porte de Wade ouverte, il s’est engouffré, en narguant le leader de l’Afp. Son ami s’appelait Idrissa Seck. Quand il a senti Idrissa Seck en difficulté, il s’est retrouvé du côté de Macky Sall. Cet homme est depuis 7 ans, dans une cavale interminable. Il s’est quand même permis de tenir tête à Wade, en refusant de démissionner, en renvoyant à leurs textes les inspecteurs généraux venus l’auditer. Qu’une caste de journalistes lui trouve des sympathies est scandaleux. Le Craes était une structure informelle dans laquelle Wade rangeait tout, à coups de milliards. Qu’une étincelle de raison le rattrape, et qu’il veuille mettre la lumière sur la gestion de cette structure est une initiative à saluer, sans oublier qu'il a couvert et autorisé le banditisme d'Etat.
Qu’il décide de se venger de Mbaye Jacques est une chose. Que le monsieur, une des colonnes vertébrales les plus molles du Sénégal contemporain doive rendre compte de sa gestion en est une autre. C’est ce que nous lui réclamons, et c’est ce que tous les Pds blessés par ces années d’affront souhaitent, « qu’il rende compte au moins ». On ne peut pas l’innocenter, comme le veulent certains droits-de-l’hommistes, avant même que des poursuites soient engagées contre lui. Bien avant l’arrivée des hommes de Nafi Ngom Keita, ils voyaient dans sa convocation de « l’acharnement » et une tentative « d’humiliation ». Est-ce trop cher payé pour quelqu’un qui a tiré sur un cortège ? Même Idrissa Seck et Macky Sall n’avaient pas bénéficié d’une telle « protection ».
Le Wadisme messianique, dont nous avons été perfusés pendant 7 années, a été un leurre. Son libéralisme, une catastrophe. Ce qu’on appelle le wadisme partira avec Wade. Parce qu’il n’a aucun fondement idéologique, encore moins un enracinement historique. C’est pourquoi tout le monde peut s’y retrouver.  Il commence et finit avec Wade. Mais le wadisme a un mérite : il emportera avec lui ce que la classe politique compte de fripouilles. C’est quand même une prouesse d’avoir réussi à faire taire Me El Hadj Diouf et Abdoulaye Babou, d’avoir élevé aussi haut dans la fourberie,  Iba Der Thiam et Djibo Leity Kâ. Abdoulaye Wade n’a pas changé tous ces hommes. Ils sont faits de la même matière volatile. Il les a révélés à nous tels qu’ils sont. Laissons-le donc parachever son œuvre. Il n’y a plus grand chose à espérer de Wade. Mais si, en plus de régler des comptes historiques, le chef de l’Etat nous permet de retrouver une foi en la justice divine, il n’aura pas fait une présidence pour rien. Nous avons tendance à sous estimer tout le travail fait, mais que de morts méritées sur son chemin : Serigne Mamoune Niasse, Abdoulaye Babou, « maître » El Hadj Diouf, Djibo Leity Kâ, tous tués par leur cupidité.
Mbaye Jacques Diop avait un statut à part. L’ultime combat qu’il lui livre est un honneur fait à un bandit de grand chemin comme lui. La visite à Rufisque est le premier round de ce combat. Il y a un mythe lié à cette vielle ville. On y dit Mbaye Jacques Diop indéboulonnable. Il y serait ce que Djibo Kâ est à Linguère, en oubliant un détail de l’histoire : L’ancien maire de Rufisque a été battu dans sa ville au premier tour de la présidentielle de 2000. C’est un télé-évangéliste sans envergure qui joue avec les mémoires un peu courtes. Il doit sa survie politique à sa conversion rapide aux idéaux du Sopi. Les moyens de l’Etat ont fait le reste. Défier le président de la République dans une telle posture est un suicide. Si Wade réussit à mobiliser tout Rufisque comme il souhaite le faire, ce sera une première humiliation pour Jacques, et un pas de plus vers le purgatoire pour Mbaye. Il s’est converti à toutes les religions, du senghorisme au wadisme, en passant par le dioufisme. Mais il a connu la vraie résurrection avec Wade, qui a fait de lui ce qu’il n’a jamais pu être, un « homme d’Etat » ! Abdou Diouf a renversé son verre, quand il a reçu ce dernier coup de couteau.
Ce que Wade a fait n’est pas bête. Il s’est servi d’eux pour s’assurer un second mandat. Et pour les récompenser, il leur donne des positions de « tentation ». Quand le président de la République nommait Djibo Kâ à l’Economie maritime, il savait où il le mettait. C’est à peu près ce qu’était le ministère de la Pêche, avec les licences, le transit. Ca n’a pas raté. Les premiers à se présenter à lui étaient des narco trafiquants colombiens et vénézuéliens qui cherchaient une base de transit pour leurs cargaisons de cocaïne. Quand les promoteurs du Gie ont initié le projet crevettes-culture, l’Union européenne avait bien averti le gouvernement des bizarreries de ce projet. Ca n’a pas empêché Djibo Kâ de les aider à s’établir à Ndangane Sambou. L’idée de ces trafiquants, dont le cerveau est encore « en fuite », était de remplir des caisses de cocaïne, et de poser quelques crevettes en surface, comme à l’ancienne. Wade a envoyé à ce poste Souleymane Ndéné Ndiaye, quand il a su que les trafiquants, ont mis 300 millions de francs Cfa en dessous de la table. Ce sont ces mêmes « entrepreneurs » qui ont été pris avec la cargaison de cocaïne. La hiérarchie de la gendarmerie, qui a mené l’enquête, est évidemment éberluée par tant de maestria. Faire du port de Dakar le principal lieu de transit de la drogue dure qui va en Europe en 3 années de « ministère de l’Economie maritine est une prouesse. Le président de la République est le premier responsable de ce nivellement moral. Il a permis à des gens de s'autoriser des écarts impensables sous Senghor et Diouf. Mais c’est l’espoir que ce crime ne restera pas impuni qui nous permet de résister à l’abattement.
En 7 années de présidence, Wade s’est plus attaqué à ceux qui l’ont soutenu hier, parfois à ses propres enfants, qu’à ceux qui l’ont combattu. C’est le paradoxe du Sopi. La configuration du dernier Comité directeur du Pds, malgré son caractère fantaisiste, en est la preuve. Wade, après s’être assuré un dernier mandat, est dans une logique de règlement de compte avec ses ennemis d’hier. Ils ont tous connu un net recul dans leur représentation au sein du gouvernement et du Comité directeur du Pds. Le retour en grâce de Fada et d’Aminata Tall et le maintien de Macky Sall à l’Assemblée nationale configurent le Pds pré-alternance. Comme si Wade, au seuil d’une carrière politique pour le moins décevante, cherchait à s’écrire un nouveau testament politique. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire.
Cette démarche, qui tient d’abord de la préservation de son héritage, ne va pas avec les dernières intentions qu’on prête au chef de l'Etat. Vouloir modifier la Constitution, pour y enlever les dispositions selon lesquelles tout candidat à la présidence de la République doit être exclusivement sénégalais serait une catastrophe institutionnelle pour ce pays, et ferait peser des menaces graves sur la paix sociale. Ceux qui pensent que c’est possible, et qui connaissent un retour en grâce de ce fait, rendent un très mauvais service à Abdoulaye Wade. Karim Wade est de nationalité française de mère, et de naissance. Il est sénégalais de père, nationalité qu’il n’a revendiquée qu’après l’alternance. Il a vécu depuis l’âge de 14 ans en France, et n’est rentré au Sénégal qu’en Février 2001. S’il veut se présenter à la prochaine présidentielle, qu’il renonce à sa nationalité française, et que son père nous laisse la Constitution telle'il  qu’elle est. Il croit les Sénégalais assez dociles pour accepter un deal qui imposerait à la tête de l'Etat Idrissa Seck et Karim Wade. Les dictateurs chutent souvent quand ils commencent à se croire capables de tout.



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