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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

[ C H R O N I Q U E ] Les déjeuners d'Ali Baba

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[ C H R O N I Q U E ] Les déjeuners d'Ali Baba

« L’irrésolution me semble le plus 
commun et apparent vice de notre nature »
M. de MONTAIGNE

Depuis qu’il s’est installé au pouvoir, Abdoulaye Wade n’a qu’une obsession, la consolidation de son pouvoir personnel. Cette idée de transformer la salle du Conseil des ministres en quartier général pour ses souteneurs est son énième provocation. Elle met le président de la République à la disposition de sa propre personne, l’institution qu’il incarne au service de son propre parti. Le lundi, il recevra les responsables du Pds à déjeuner et le mercredi, ses alliés de la Cap 21. Ils vont lui baiser les pieds et il leur donnera à manger. Le reste de son temps, le monarque le passera à la parlotte : le mardi en recevant son Premier ministre comme de coutume ; le jeudi en Conseil des ministres. Il finit sa semaine le vendredi, jour des audiences qui ne finissent pas. 
On imagine tous l’engouement qu’il y aura parmi cette bande de feignants qui tiennent pour la première fois un couvert et qui redoubleront d’ardeur pour prouver au maître d’hôtel l’étendue de leur savoir culinaire : « J’ai demandé une omelette, vous savez... Pas des œufs brouillés...Oh, si vous pouviez m’ajouter des saucisses... J’en avais mangé à Paris et c’était délicieux... Ah vraiment ! ». Il y a longtemps que le beurre Président était devenu hors de portée. Certains vous diront qu’en lieu et place du Nutella importé, ils se sont finalement fait tartiner au Chocolat local. D’autres avoueront la peine qu’ils ont eue à se séparer de Gloria pour jurer fidélité à Baralait. Depuis neuf ans que dure la bamboula présidentielle, tous ces allés, une cinquantaine de chômeurs au total, gagnent un minimum de 300 000 francs par mois, pour le « soutien » qu’ils apportent au président de la République. Ils avaient entamé un début de rébellion parce que leur place au soleil était menacée, mais ce n’était point parce qu’ils voulaient quitter « le soleil ». Maintenant qu’ils sont inscrits sur une liste, ils s’abstiennent de toute action, dans l’espoir d’être appelés un jour. Dans l’exercice de la manipulation, le médiocre président se révèle un virtuose incomparable. Il sait jouer à distance avec le ventre de ses captifs. Aucun égard pour le contribuable qui, lui, se nourrit de mil et se déplace en charrette. 
Quand tout cela va-t-il finir ? A 90 ans bientôt atteints, Abdoulaye Wade attend encore que le bon sens lui tombe du ciel. On peut se demander s’il le fait exprès, ou s’il se peut qu’il ait oublié que sous sa forme actuelle, la Constitution du Sénégal ne lui permet pas d’être candidat à un troisième mandat. De toutes les modifications constitutionnelles qu’il a entreprises, souvent pour régler des comptes, le président de la République a oublié la plus importante, celle selon laquelle sa république du bon plaisir a des limites dans... le temps. Ses thuriféraires conviennent qu’il procédera à ce changement par le truchement d’une loi qu’il veut faire voter sur la « parité totale ». C’est pourquoi il a entrepris d’amadouer tous ses alliés mécontents qui l’attendaient à l’Assemblée nationale pour lui faire payer le prix de son mépris. Mais là aussi, problème. La Constitution stipule expressément que cette disposition ne peut être modifiée que par référendum. Cela veut dire que s’il ne nous sort pas sa propre Constitution, le chef de l’Etat sera obligé de passer par un référendum, quitte à faire comme le dictateur Mamadou Tanja. On suppose qu’il n’osera jamais aller aussi loin. Je pense pourtant que s’étant rendu compte qu’il ne peut plus rien faire, Abdoulaye Wade est déterminé à tout faire.
 
Nous avons fatigué le ciel de nos imprécations. Mais qu’avons-nous fait pour arrêter cette folie ? Je suis d’avis que le président de la République a su très vite qu’il pouvait tout se permettre, tant l’impuissance de son opposition à lui faire entendre raison est manifeste. J’ai éprouvé ce sentiment cette semaine encore, quand j’ai vu les jeunesses de l’opposition marcher fièrement contre les dérives du pouvoir actuel. Pendant les périodes les plus critiques de notre histoire, les responsables politiques se sont dérobés pour laisser la jeunesse revendiquer un pouvoir qu’elle n’a jamais exercé. C’était le cas avec les porteurs de pancartes qui ont fait face à de Gaulle en 1958, en l’absence de Dia et Senghor. C’était aussi le cas en 1968, 1978 et 1988. Avec une certaine naïveté, j’en conviens. Abdoulaye Wade s’est hissé au pouvoir en exploitant ce trait de naïveté. Il n’a trompé aucun homme de son âge. Mais c’est la avec la naïveté de son opposition qu’il s’y maintient, il faut dire. Depuis neuf ans maintenant, toutes les grandes manifestations contre le pouvoir ont été organisées ou par les jeunesses de la société civile, ou par les jeunesses de l’opposition. 
Il manque à ce grand mouvement d’espérance, l’incarnation d’un leadership assumé. A part quelques rares responsables politiques qui ont osé braver les matraques des policiers, ceux que nous appelons opposants ont plus compté sur la rue que sur eux-mêmes. Voilà plus d’un an que la coalition Bennoo annonce un plan d’action qui ne voit jamais le jour. Or, si le wadisme libertaire a pris le dessus sur nos idéaux de justice sociale, ce n’est pas du fait de la prédisposition de notre peuple à s’accommoder avec le mal. C’est que là où nous avons tenté de convaincre, Abdoulaye Wade a pris le parti de corrompre. Mais bien plus que cela, l’opposition a manqué de mettre de la force dans ses convictions et de la vigueur dans ses actions. Abdoulaye Wade croit à son destin, Idrissa Seck à sa fortune, Macky Sall à son étoile. Je ne vois pas pourquoi, pour ce qui nous concerne, nous ne croirons pas à notre pays. Certains me rétorqueront que si. Je dis donc qu’attendez-vous pour vous battre pour ce pays. Contre la farce lugubre que les forces dites libérales préparent pour bientôt, faites la mesure de votre engagement. Il y a, face à nous, des hommes peu scrupuleux, prêts à s’accrocher à n’importe quelle jupe. La plupart des forces maraboutiques sont prêtes à les soutenir dans leur action, au nom de l’argent. J’ai dit ailleurs, en étant mal compris, qu’au lieu de nous mettre discourir sans fin sur ce qu’ils ont fait, nous devons nous poser la question de savoir ce que nous devons faire pour les arrêter. Le mal que nous dénonçons est cruel. Mais ce n’est pas par l’exorcisme verbal que nous le ferons partir, c’est par l’action efficace. Abdoulaye Bathily l’a exprimé selon des termes à lui, mais nous exprimons cette même nécessité d’agir. Voilà bientôt une décennie que nous sommes ballotés entre un pouvoir qui se permet tout et une opposition qui ne se permet rien. L’un n’a peur de rien, l’autre a peur de tout. C’est cela notre malheur.
SJD



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