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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

[ C H R O N I Q U E ] - Les incuries d’Augias

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[ C H R O N I Q U E ] - Les incuries d’Augias

 

« La guigne ne s’acharne que sur la bêtise »
Jules RENARD

 

Après avoir suscité la consternation dans le monde des organisations internationales, c’est la pitié qu’Abdoulaye Wade inspire. Voilà ce qu’il mérite : de la compassion. Il doit être très douloureux de descendre aussi bas qu’il le fait, quand on occupe une position aussi élevée que celle de « président de la République ». Wade aimait rappeler à ses visiteurs du soir qui élevaient le ton que « n’oublie pas que je suis le président ». Il ne l’aura jamais été finalement, de tout son règne. Toujours dans les bois, en train de chercher le petit fagot. Voilà un homme qui accuse tous les jours la solitude de l’habiter, et qui ajoute tous les jours de nouveaux ennemis à son voisinage. Je ne veux pas dire que les accusations portées contre la Fao ne sont pas fondées. C’est une mauvaise prose pour une bonne cause, celle de la réforme. Mais tout le monde connait ce professeur de vertu. Il ne se sert jamais de sa science. Cette réforme, nous l’attendons depuis 8 années dans notre propre pays, dans nos propres institutions. Que l’argent des sénégalais aille aux sénégalais, et pas dans les poches de quelques politiciens véreux. Mais le président de la République fait maintenant feu de tout déboire. Tout le monde est coupable, ou plus coupable que lui. Le pauvre Jacques Diouf est devenu, à son corps défendant, son bouc émissaire principal. Les Ong, des ventouses posées sur le dos des Etats africains, qui sucent tous les financements et les détournent dans des dépenses de fonctionnement inutiles. Cette accusation est en partie vraie, mais elle n’est pas tout à fait juste. Je suis choqué par les publicités d’Ong qui inondent les télévisions occidentales. Je sais que toutes les sommes récoltées ne vont pas aux enfants « affamés » d’Afrique; que tous les enfants africains ne sont pas des affamés; que tous les enfants affamés ne sont pas des africains.
Mais à quoi bon ramener ce débat sur la Place publique ? Il est d’autant plus inutile que les Ong empruntent des circuits de financement complètement différents des modes de financement traditionnels des pays du tiers monde. Elles ne peuvent pas gêner les Etats, elles ne peuvent que les accompagner. Durant les années d’ajustement structurel marquées par le désengagement de l’Etat de secteurs vitaux comme l’Education et la Santé, ces organisations ont joué un important rôle d’appoint. Le procès en sorcellerie qu’on leur intente est malhonnête et injuste. Le président de la République aime bien afficher son populisme aseptisé, mais il a tort de le faire.
Abdoulaye Wade a lui-même survécu et le Pds avec, grâce aux Ong. Il avait, au début des années 80, lancé l’Institut sénégalais d’éducation pour la formation et l’information, ISEFI. Le Pds n’a jamais formé, encore moins informé personne, mais son institut recevait 20 millions tous les mois, gracieusement versés par la Fondation Naumann. C’est grâce à ces financements que Wade a cessé de travailler et fermé son cabinet de la rue Thionk. Quand Fournier, le représentant de la fondation à Dakar a bloqué les financements suite à des accusations de mauvaise gestion, il a été violemment pris à partie et prié de quitter le Sénégal par les escouades du Pds. L’entrée de Wade dans le gouvernement dit « d’union » n’avait pas d’autre explication. Le Pds n’avait plus d’argent. Mais jusqu’à la fin des années 90, il continuait de vivre des petites miettes que lui donnaient des Ong comme le CRDI où était un certain... Jacques Habib Sy ! C’est vous dire la malhonnêteté qui entoure ce sujet. C’est un pirate des mers qui se noie. Il est prêt à s’agripper à tout, même à une planche pourrie. Il crie sous tous les toits qu’il n’y a pas de famine au Sénégal, que jamais de son vivant il ne demandera de l’aide à la communauté internationale. Mais dès qu’il reprend ses esprits, il prend des haut-parleurs pour accuser la Fao de non-assistance. Je connais toute l’admiration que Jacques Diouf éprouvait pour le « leader tiers-mondiste ». Il admirait Wade, et Wade le méprisait. Mais la Fao est sans doute loin d’être responsable de la situation catastrophique que vivent les Sénégalais.

Au moment où les populations ont besoin de leurs administrations locales pour faire à une situation inédite, le président de la République les décapite une à une. C’est le comble de ce remue-ménage. S’il demandait à tous les Maires de se rapprocher de leurs administrés pour connaître leurs besoins, les populations auraient applaudi. J’ai toujours soutenu dans ces colonnes que la fonction de Maire est une fonction à temps plein. Au Sénégal, les salaires ne sont pas payés au mois, ils sont payés à l’heure de travail. Je trouve inadmissible qu’Idrissa Seck soit payé à passer du bon temps avec sa famille à Compiègne. Depuis qu’il a été élu Maire il y a 5 ans, l’ancien Premier ministre n’a participé qu’à deux réunions. Son remplaçant immédiat est malade depuis deux mois, et la Municipalité peine à fonctionner normalement. Mais le président de la République est le premier responsable des dysfonctionnements de nos Municipalités. Quand il est arrivé en 2000, il a porté des indemnités mensuelles de 45 000 francs Cfa à 800 000, et fait voter une loi qui permet le cumul des fonctions et des mandats. C’est ainsi que cette fonction sacerdotale qu’on embrassait pour servir est devenue la convoitise d’affairistes de la trempe de Maniang Faye.
Mais le problème des Mairies n’est pas un problème d’homme, c’est un problème structurel lié aux lois qui régissent leur fonctionnement. Je disais il y a un mois ma stupeur quand j’ai vu que dans le nouveau budget de la région de Dakar, un milliard est consacré au fonctionnement, et 200 millions aux investissements. C’est comme si vous payiez à un entrepreneur le prix d’un château pour vous creuser un trou de serrure. Je comprends que des gens dont la carrière est de faire la politique se tuent pour occuper ces fonctions. Elles donnent droit aux indemnités de fonctionnement, aux contrats juteux et aux... emplois fictifs.
Malgré tout, je trouve tout de même injuste qu’on veuille régler des comptes politiques par des moyens illégaux, en prétextant des « blocages ». Surtout qu’au même moment, aucune réponse n’est apportée au blocage du Parlement, qui fait face à un, vide juridique étonnant. L’Assemblée nationale et le Sénat fonctionnent dans une parfaite absence de textes réglementaires. Les lois entrent en vigueur sans être promulguées, appliquées aux citoyens sans la moindre publication dans le journal officiel. Eh bien, il faut mettre de l’ordre dans ce poulailler où s’échauffent deux coqs de basse-cour, avant de s’attaquer aux privilèges des petites gens.
Je ne sais pas si Abdoulaye Wade se rend bien compte de la fierté avec laquelle chaque élu porte son élection qu’il tient jalousement de la population locale, de la petite indemnité des petits montants récoltés par le percepteur. Il ne doit pas se rendre compte des centaines de familles à l’échelle nationale qu’il envoie injustement au chômage, pour coller aux ambitions de son fils. C’est ce mythe local qu’il est en train de détruire avec son alchimie de politicien. Les municipalités ont toujours été des lieux où justement le parachutage n’a jamais marché. Les conflits électoraux ont souvent fini dans des bains de sang, parce que les populations tiennent à leurs terroirs et à ceux qui en sont le symbole. Ca, le président de la République ne le sait pas, parce qu’il n’a jamais été un élu local. Vouloir imposer des inconnus comme il avait voulu le faire en envoyant Abdou Fall à Thiès et Lamine Bâ à Louga est une sorcellerie de mauvais goût. Un Conseil municipal, c’est une Assemblée d’élus. Ce ne sont pas des flagorneurs parachutés de Dakar pour administrer des inconnus.
C’est pourquoi il reçoit toujours des rapports qui lui disent ce qu’il veut entendre : le pays va bien, il n’y a pas de famine. Vous avez entendu les déclarations de son ministre de la Communication à la télévision française ? La majorité des sénégalais crie famine, et le porte-parole du gouvernement l’accuse de trop manger. Qui a dit ça ? Aziz Sow, un ancien membre de la section sénégalaise de la IVe internationale élevé sous Trotsky, désidéologisé sous Wade. Les Sénégalais ne voudraient pas assez de riz, ils en voudraient trop, et passeraient des heures à en manger ! Mais croyez-moi, cette incurie, il la tient de son maître. Cette semaine, ils étaient en fête à Sorano. La semaine prochaine, ils s’en iront tous à Paris fêter en grandes pompes « la vie et l’œuvre de Wade » . Peut-être l’occasion de revisiter cet homme. Professeur, il a déserté l’université. Avocat, il a déserté le barreau. Député, il a déserté l’Assemblée nationale. Ministre d’Etat, il a déserté les ministères. Voilà que nous en faisons un président, et il exerce son mandat à l’étranger.
SJD



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