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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

[ CHRONIQUE ] Pds contre Pds

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[ CHRONIQUE ] Pds contre Pds

« Nous rabaissons trop la providence quand, 
par dépit de ne pouvoir la comprendre, 
nous lui prêtons nos idées » 
Fiodor DOSTOIEVSKI
 

Le Parti démocratique sénégalais n’existe plus, c’est un fait. Abdoulaye Wade a détruit, sans aucun émoi, ce qui avait aidé hier à asseoir sa réputation et son pouvoir. Pour la première fois s’organisait en Afrique, dans un cadre légal, un parti d’opposition, avec une administration performante, des cadres politiques auxquels obéissaient des militants disciplinés. Il ne lui fallut aucune peine, pour démanteler cette armée conquérante. Ce que nous constatons tous les jours avec effarement, c’est l’incapacité de son chef à la remplacer par quelque chose. Toutes les réformes entamées sont remises au lendemain. Les congrès sont annoncés, puis reportés. Jusqu’au dernier renoncement du président de la République, qui a préféré enterrer le Pds-l, annoncé pourtant en grandes pompes comme étant la dernière expression du génie éternel. Partout où passe le caravanier Farba Senghor, monté du jour au lendemain du grade de caporal à celui de commandant, s’enchainent les cris d’indignation et les appels à la résistance. Plus aucun jour sans que les uns soient accusés de détourner l’argent des militants, les autres de le garder dans leurs comptes personnels. 
C’est un fait inédit. Cette armée, jadis obéissante, Abdoulaye Wade l’a décimée, en liquidant un à un ses lieutenants. Ce n’était pas pour asseoir son propre pouvoir, qui était incontesté, mais celui de son fils. Pour que vive Karim Wade, il fallut tuer Idrissa Seck, Macky Sall, et tous les autres, ce que le Napoléon de Kébémer a fait sans état d’âme. Se dresse maintenant devant lui une bande de mutins radicalisés contre lesquels il ne peut malheureusement plus grand chose. Il est vieillissant et son autorité de plus en plus contestée. Il est même étonnant que la plus forte résistance au projet successoral d’Adoulaye Wade vienne, non pas de l’opposition, mais du Pds lui-même. L’époque où les militants acceptaient l’autoritarisme wadien sans broncher est décidément révolue. Ce sont les plus fidèles du président de la République qui, aujourd’hui, s’opposent le plus farouchement à son projet, au risque de tomber en disgrâce. S’opposer au pouvoir, préférer la prison à la soumission aveugle, c’est ce qu’Abdoulaye Wade leur a appris pendant plus d’un quart de siècle. Mais il n’y croyait pas.
Pour imposer son fils à la tête du Sénégal, le président de la République comptait sur deux choses : la docilité de son parti et la complicité de la communauté internationale. C’est pourtant à ces deux niveaux que se manifestent les oppositions les plus radicales. La France n’entend pas cautionner ce projet, les Etats-Unis expriment ouvertement leur indignation. Pour soumettre le Pds, il suffisait de le faire marcher au canon, hélait le président. Mais rien de tout cela ne s’est produit. A part quelques nabots conciliants, militants et responsables du Pds soutiennent la croisade de Pape Samba Mboup contre « le malotru ». Quand vous êtes avec eux, éteignez vos dictaphones, et vous serez dépassé par les injures. Souleymane Ndéné Ndiaye, Pape Diop, Abdoulaye Faye et Aminata Tall, au-delà des propos convenus, s’opposent à ce projet monarchique et le cachent à peine.
Abdoulaye Wade voulait utiliser les élections du 22 mars 2009 au seul bénéfice de son fils. Il avait poussé l’effronterie jusqu’à dire à Nicolas Sarkozy que « son mouvement est si important que même pour les élections à venir, nous avons été obligés de nouer une alliance avec lui. Parce que devant la Génération du concret, le Pds peut perdre ». Le Pds lui a enlevé tout alibi, en le laissant subir sa mémorable raclée. Emprisonner Idrissa Seck, humilier Macky Sall, soumettre Aminata Tall pour avoir le Sénégal entier à ses pieds, quel esprit enfantin ! 
Au final, Abdoulaye Wade ne peut plus soumettre son parti sans le rebeller. Le fils dans le lit conjugal du père ? Après avoir été fidèle à Abdoulaye Wade pendant plus d’un quart de siècle, le Pds se refuse à ce mariage incestueux. La tentative de remplacer le Pds par des clients de la Génération du concret en l’appelant Pds-l s’est révélée un échec lamentable. On ne s’improvise pas chef de parti et meneur d’hommes. Pour échouer aussi lamentablement avec les centaines de milliards de l’Anoci et l’appareil d’Etat, il faut être un incapable notoire. Alors qu’il n’avait rien négligé, jusqu’aux cours de wolof à domicile : « Sama pappa yu goor yi ak sama pappa yu jigéen yi, mangi leen di nuyu. » Il fallait le faire !
En se laissant aveugler par les ambitions de son fils, Abdoulaye Wade n’a pas seulement compromis les chances de son parti de se maintenir au pouvoir. Il a gravement écorné son image et celle de son pays. C’est tout mérité pour Abdoulaye Wade, mais ce n’est pas mérité pour le Sénégal. Nous sommes un petit pays par la taille et par la richesse. Mais nous étions grands dans l’estime des autres. La grandeur de tout un pays s’en trouve compromise. J’essaie, dans cette ambiance nauséabonde, de trouver quelque motif de satisfaction, une chose à devoir à Abdoulaye Wade. A part quelques routes qui sont le symbole-même de sa corruption, cet homme n’a rien réussi. Il dit investir tous les ans près de la moitié du Budget dans l’Education, il a rendu l’école sénégalaise plus malade. Il dit avoir investi près de 1000 milliards dans le secteur énergétique, n’en résultent que des coupures de courant prolongées. Il se vante d’avoir fait de nouveaux riches, mais les Sénégalais n’ont jamais été aussi pauvres. 
C’est ce qui se produit quand, au lieu de s’entourer de gens réfléchis, on se met avec des nabots conciliants prêts à défendre l’indéfendable. Partout dans le monde, le président sénégalais passe maintenant pour un dictateur mégalomane et un corrompu. Les chancelleries occidentales trouvent toujours des exemples pour étayer leurs rapports, et entretiennent une chronique quotidienne sur « les frasques du vieillard ». L’alternative qui s’offre maintenant à lui est épouvantable. S’il veut imposer son fils par tous les moyens, il aura contre lui son parti, son pays et la communauté internationale. S’il ne le fait pas, il n’aura aucune garantie que son fils ne finira pas sa vie dans un cachot, le plus grand bien que tout le monde lui souhaite. Que pourra dire Karim Wade, pour expliquer comment un kilomètre de route a coûté six milliards de francs Cfa ? A force de le laisser agir selon son bon plaisir, Abdoulaye Wade ne lui offre aucune autre perspective que de devoir faire face un jour, à la Justice de ce pays. Le laisser finir ses jours paisiblement dans un salon avec son Nintendo serait une grande injustice.

SJD 


 
 



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