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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

[ Chronqiue] Retour de ballon

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[ Chronqiue] Retour de ballon

« Le privilège du succès est, dans l’ordre
du temps, une marque de vérité »
C. MAURRAS

Pardonnez-moi de jouer les oiseaux de mauvais augure, mais nous avons mérité cette humiliante défaite face à l’Angola. Ce n’est pas une leçon de football qui nous est ainsi administrée, c’est une leçon de vie. Quand nous avons fait le match nul contre la Tunisie, nous avons tous pensé que nous passerions sur l’Angola comme sur un ferry boat. Mais au football comme à la guerre, il ne faut jamais s’avouer vainqueur. Vous avez beau avoir la meilleure préparation, les meilleures munitions, quand les hommes sur le terrain refusent de combattre, vous allez à la déroute. Quand vous visiterez l’Angola, sortie de plusieurs décennies de guerre civile, après une indépendance tardivement arrachée au colon portugais, vous comprendrez pourquoi ce pays est voué à un grand destin. Il y a chez chacun de ces frères lusophones une âme de soldat et un sens du devoir qui est la marque de fabrique des grands peuples. Cet engagement ne se remarque pas seulement dans le football. Il se retrouve aussi dans le basket ball, avec des gifles systématiques qu’ils nous administrent à chaque fois que nous avons la malchance de nous mettre sur leur chemin en Coupe d’Afrique. Il y a une raison à cela : nous avons toujours eu de bons effectifs, mais nous n’avons jamais eu une bonne équipe. Ce qui fait une équipe, ce n’est pas la somme de ses individualités. C’est, comme je dirai en politique, un commun vouloir de victoire commune. Les talents individuels comptent beaucoup, mais ils ne font pas l’essentiel. Il faut de l’engagement, et une bonne dose de patriotisme qui nous manque malheureusement souvent. Les joueurs n’ont jamais compris le sens symbolique du drapeau qu’ils reçoivent des mains du chef de l’Etat, à chaque expédition continentale ou mondiale. Ils vont au palais en pantalon tailleur comme des top models, habillés par « Nous Deux » ou par « Amy Boutique ». Ils ne comprennent pas hélas, qu’en prenant ce référent collectif, ils prennent en main le destin de tout un pays, toute une nation qui, il faut l’avouer, leur a tout donné : son cœur, son âme, et sa poche !  Dans l’imaginaire collectif, le ballon a remplacé depuis très longtemps le canon. Si El Hadj Diouf et Tony Sylva l’avaient compris ainsi, ils ne seraient pas dans une discothèque en train de deviser avec des filles de nuit pendant que le pays entier a l’espoir accroché à leurs crampons.
Je connais la furie de nos Lions. Partout où ils sont passés depuis 2002, il y a eu rupture de stock de préservatifs. Ils ont fait un passage mémorable au Japon que l’on raconte encore dans les salons de Tokyo avec une stupéfaction mêlée de curiosité. Ils avaient, ce soir-là, causé une rupture de stock, cette fois-ci de prostituées, dans les rues de la capitale du Japon. Mais ils ne sont pas les seuls à blâmer.
Ce n’est pas non plus la faute à Henri Kasperczac. Nous sommes les derniers de la planète à comprendre que les entraîneurs européens, comme les mercenaires des premières années d’indépendance, sont motivés par la kagne, pas la gagne. Cet esbroufé arrivé au pays avec un petit sac et deux pantalons n’a jamais cru en cette équipe. Il l’a drivée comme s’il était tout le temps dans un canot de sauvetage, obligé de se sauver avant de sauver les autres. Voyez comme il s’est tiré de la barque, au moment où le bateau faisait naufrage ! Mais après l’avoir bien affligé, nous devons tourner notre regard condescendant vers nous-mêmes. Nous avons toujours traité nos autres frères africains comme des moins que rien, et c’est ce qui nous a perdu. S’il était digne, Mbaye Ndoye serait le premier à démissionner dans ce groupe. Il ne peut pas déclarer publiquement que le Sénégal gagnerait largement contre l’Angola, perdre ce match décisif et attendre qu’on lui demande de partir. Ce douanier n’a d’autre expérience que le champ de tir de Dakar-Bango. Toute sa crédibilité, il l’a bâtie sur la force de la sorcellerie. Dans les vestiaires, les préparateurs mystiques ont remplacé par dizaines les préparateurs physiques. On parle aux jeunes recrues de « xondiom » avant de leur parler de « diom ». C’est aussi notre prétendue supériorité sur tous les autres. Nous pensons que dans ce domaine aussi, nous sommes les meilleurs au monde. Pardi ! Nous entretenons le même mythe dans tous les domaines. La plupart des pays de la sous-région ont réalisé l’alternance avant nous, et même plusieurs fois pour des voisins comme le Bénin ou le Ghana. Mais nous continuons à nous autoproclamer « vitrine de la démocratie en Afrique ». Quand vous entendez le président de la République du Sénégal parler de son pays à l’extérieur, vous êtes impressionné. Allez à Ouagadougou, à Bamako, à Abidjan, pour ne pas vous imposer un long voyage. Vous reviendrez avec un peu plus d’humilité.
Quand nos Lions sont allés en finale, je dis bien en finale de Coupe d’Afrique des Nations en 2002, Abdoulaye Wade les a traînés comme des trophées partout dans le monde. Je me rappelle encore de cette grande rencontre de Durban, en 2002, où il s’est mis à genou pour supplier ses joueurs de venir à cette grande rencontre africaine. Et dans une salle où il n’y avait que des chefs d’Etat et leurs épouses, Wade s’est présenté à chaque chef d’Etat, avec chaque joueur, pour vanter ses qualités techniques et athlétiques. Evidemment, les plus enchantées, ce jour-là, étaient les épouses de chefs d’Etat. Une d’elles, Mme Bongo, s’est sentie blessée quand Amdi Faye a refusé de lui serrer la main. La plupart des chefs d’Etat qui étaient là avaient déjà gagné la Coupe d’Afrique, parfois plusieurs fois. Mais c’était comme si El Hadj Diouf et sa bande revenaient d’une autre planète, pour tomber dans un paradis du football qui s’appelle le Sénégal. La nuit, Me Wade, toujours dans ses œuvres, avait réuni Obasanjo et El Hadj Diouf, pour demander à l’enfant de Balakoss de leur présenter ses vues sur le Nepad ! Nous sommes le seul pays au monde à avoir ce que nous appelons les anciennes gloires du football, alors que nous n’avons jamais rien gagné depuis le trophée symbolique des jeux de l’Amitié, en 1962.
La victoire, chers compatriotes, va à ceux qui la veulent le plus. L’exigence de résultat commence d’abord par l’exigence dans le choix des hommes qui doivent diriger notre football. Ce que nous appelons le staff technique des Lions est une bande d’instituteurs, dirigés par un douanier, pendant que de grands spécialistes du football, ceux qui connaissent le jeu et les joueurs, sont envoyés à la retraite forcée. Quand Abdoulaye Sarr et Amara Traoré ont pris cette équipe, ils étaient restés près d’un an sans être payés. Le polonais a gagné 15 fois plus, avec un parachute financier confortable, sans absolument rien nous apporter.
La présidence de la République a innové cette année, en nous apportant comme partenaire « marketing », un ancien trafiquant de drogue qui n’a aucun passé, aucune expérience. Un douanier et un ancien trafiquant de drogue dans une même équipe ! Nous payons pour toutes ces incohérences. C’est ce qu’on appelle un retour de bâton. De ballon dans ce cas-ci !
Depuis l’expédition de 2002 en Coupe du monde, le football a généré énormément d’argent. L’idée de départ, très généreuse, était de réinvestir ces sommes dans les infrastructures sans lesquelles nous ne pourrons jamais réaliser quelque chose de durable dans le sport. La solidarité générationnelle, qui doit s’appliquer dans le sport plus qu’ailleurs, eut voulu que nous pensions aux générations à venir, en leur laissant des infrastructures pour leur épanouissement. Mais tout cet argent est allé dans les poches de quelques dirigeants du football restés jusqu’ici impunis. Nous ne nous sommes jamais demandés pourquoi nous ne faisons rien dans le domaine de la petite catégorie, dans lequel excellent les camerounais et les ghanéens. C’est parce que nous avons un football qui marche sur la tête. Nous attendons que la vague de joueurs émigrés fasse des écumes pour, disons-nous, « constituer une équipe ». Ce n’est pas possible. Nous ne pouvons pas tout demander au football, sans avoir jamais rien donné au football. La seule infrastructure footballistique de taille dont nous disposons nous a été donnée par la Chine. Après avoir monnayé le retour de ce pays, nous lui demandons encore de nous faire des stades régionaux, comme si nous n’étions capables de rien. Dans le basket ball, nous n’avons jamais fait mieux que le stadium Marius Ndiaye. C’est cela le paradoxe sénégalais. Nous construisons dans ce pays plus de mosquées que d’écoles. Nous piochons à coups de milliards, mais nous oublions ce qui fait le ciment d’une nation, son éducation, qu’elle soit sportive ou intellectuelle.
Quand nos joueurs sont arrivés à Tamalé, même grands bringueurs devant l’éternel, ils sont allés prier le vendredi. En quittant la mosquée, ils y ont laissé quelques millions de francs Cfa contre, disait le dévoué imam, une place en finale de la Coupe d’Afrique. Ce sont des miettes, à côté des primes qu’ils reçoivent du contribuable sénégalais. Mais s’ils avaient laissé ce montant à une petite école de football, comme il y en a à Rufisque et à Saint-Louis, ils auraient fait, qui sait, les champions de demain.



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