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Chronique

[ Chronique ] Wade, vous êtes donc mortel ?

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[ Chronique ] Wade, vous êtes donc mortel ?

«?Le président de la République ne saurait
être confondu avec aucune fraction. Il doit être
l’homme de la nation tout entière,
exprimer et servir le seul intérêt national?»
Charles de GAULLE

On a les idées qu’on peut?! A ses 85 ans révolus, Abdoulaye Wade se contente de tous les prétextes. Comme cette idée de rassembler toute la seigneurie étatique à l’inauguration d’une usine déjà inaugurée. C’est une situation humiliante. Mais elle est reposante au milieu des vitupérations de ces dernières semaines, des mines éplorées de ses propres collaborateurs, qui pensaient que leur vieux féticheur était déjà mort. Il aura donc fallu Alex Segura et sa mallette remplie de billets pour que le président de la République se rappelle enfin qu’au lieu d’être un Dieu vénéré, il est un vieillard barbouillé sans avenir. Ce n’est pourtant pas l’âge qui le décourage. Quand on pense que 2012 lui est inatteignable, Abdoulaye Wade se projette 50 ans plus loin et chevauche les décennies les unes après les autres. Si je ne survis pas, survivez-moi. Ainsi peut se résumer son éruption phraseuse aux allures de testament politique.
C’est dire qu’au lieu de penser à l’héritage qu’il va léguer au peuple sénégalais, l’homme de Kébémer pense à sa propre famille ; qu’au lieu de penser à ce que deviendra son pays, il pense à ce que deviendra son parti. Sa cleptomanie a souffert ces derniers jours de la clameur populaire, mais sa mégalomanie, elle, est intacte. Il lui fallait un assentiment flatteur de sa petite Cour, au milieu de l’indignation qu’il a suscitée dans le monde entier. La comparaison au prophète Abraham était un minimum sacrificiel que son égo exigeait. Idrissa Seck le lui a bien rendu, dans un discours que je trouve d’une pauvreté et en même temps d’une gravité préoccupante. Nous sommes en République, nous ne sommes pas dans une paroisse. Ce discours filial trempé dans la théologie ancienne est dangereux et malvenu. Du maire de Thiès, je n’attendais pas mieux. Il aime ces assemblages blasphématoires dans lesquels Wade et Dieu s’assoient côte-à-côte et se tutoient. Je pensais, en revanche, qu’il se faisait une plus haute idée de sa personne. On ne peut pas s’aplatir un si grand nombre de fois pour tout le temps se ramasser par terre. Avant lui, Iba Der Thiam s’était déjà illustré par une déclaration similaire, pour dire que des hommes de la trempe d’Abdoulaye Wade, la nature n’en fabrique qu’une fois par siècle. Kwame Nrumah, Martin Luther King et Nelson Mandela ont donc eu tort de venir en même temps. Le Pythagore des temps modernes ne souffre aucune comparaison.
La levée des excommunications qu’Abdoulaye Wade avait prononcées contre ses enfants «?égarés?» n’obéit qu’à sa logique de conservation. L’appel à Macky Sall et Jean Paul Dias, s’il est sincère, ne va pas au-delà de son pouvoirisme archaïque. C’est parce que son propre fils ne peut lui être d’aucun secours qu’Abdoulaye Wade bat le rappel de ceux qu’il traitait hier de bandits et de voleurs. Idrissa Seck n’a rien à perdre dans ces retrouvailles, pour une raison que je m’en vais vous donner tout de suite?: il?a déjà tout perdu. Ce n’est pas le cas de Macky Sall. Je pense que le leader de l’Apr a fait preuve jusqu’ici d’un courage et d’une constance qui ont forcé l’admiration de tous. Dans la vague de levées des excommunications, il est malheureusement le prochain sur le carrousel du pape. S’il s’obstine, les dignitaires religieux à la solde du Sopi l’acculeront jusqu’à ce que son grand corps se courbe devant la seule constante. La poursuite de la bamboula présidentielle est à ce prix là. Sont oubliées les accusations de détournement d’argent, les procès en sorcellerie manigancées depuis la présidence de la République. Mercredi, Idrissa Seck et Farba Senghor se sont fait des accolades comme à leur première rencontre. On ne saura jamais quelle est la part de mensonge, dans cette comédie sordide qui nous a tenus en haleine pendant six ans. Ce que nous pouvons dire, c’est qu’Abdoulaye Wade, s’il est sorti affaibli de ses multiples affaires, n’a rien perdu de sa rigidité impériale. Il a demandé plus de discrétion à son fils. Sa femme elle-même a quitté le pays et c’est à cette seule condition que la réhabilitation de sa vieille garde est envisageable. Mais sur l’essentiel, il fait preuve du même aveuglement.
Le regard projeté en permanence sur l’avenir le dispense de toute rétrospective sur sa gestion désastreuse.
Qu’il nous dise d’abord de ce qu’il a fait des douze années passées à la tête du pays. Mais avant de solliciter nos voix, il s’est déjà déclaré vainqueur avec son clan. Même dans les dictatures les plus vulgaires, un chef d’Etat n’a fait preuve d’autant de légèreté dans l’exercice de ses fonctions. Depuis le 27 février 2000, nous sortons d’une campagne électorale pour nous engager dans une autre, avec une frénésie qui ne nous laisse aucun répit.
Sur fond de pourriture et de déchéance, les libéraux nous montrent qu’ils ne sont mus que par leurs intérêts bassement matériels, loin des questions qui occupent les Sénégalais. Il n’a été question que de victoire électorale, de conservation du pouvoir au cours de leur randonnée festive. A aucun moment il n’a été question de l’avenir du Sénégal. Il y a, dans cette conspiration généralisée qui se prépare, une jonction inédite entre les puissances religieuses, les puissances d’argent et les puissances maçonniques. Le temple, le trône et les tentes n’ont jamais fait aussi bon ménage. C’est ce qui fait de Mbackiou Faye, businessman véreux, un grand représentant religieux. Ce bâtisseur de monument est aussi constructeur de mosquée, figurez-vous?! Un cumul de fonctions inédit dans l’histoire de la jurisprudence confrérique. Le 12 décembre prochain, chefs religieux, francs-maçons et hommes d’affaires s’uniront pour inaugurer ce qui fait le symbole de cette unité, la statue de la renaissance. Avant le 12 décembre, il y a la marche de l’opposition du 6 novembre. Je suis d’avis que ce qui nous unit au-delà des contingences partisanes, c’est l’amour que nous avons pour ce pays et notre peur de le voir tomber en déchéance. Nous avions pensé de Senghor et Abdou Diouf qu’ils étaient de mauvais présidents. Abdoulaye Wade n’est pas un mauvais président. Il n’est pas un président du tout. C’est un chef de clan. Accablé par ses propres performances, il semble qu’il veuille terminer sa carrière dans la comédie.
SJD



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