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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
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[ Contribution ] Comment lire nos conduites sexuelles ?

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[ Contribution ] Comment lire nos conduites sexuelles ?

S’il est un sujet qui est quotidiennement relaté, analysé dans la presse sénégalaise, c’est bien celui de la sexualité, des conduites sexuelles contemporaines ou plus précisément des déviations ou orientations sexuelles. Il ne se passe un jour sans qu’on ne fasse mention d’une affaire de ce genre.

Viol, pédophilie, homosexualité rivalisent avec les querelles politiciennes, et l’on peut se demander ce qui se passe réellement au sein de ce pays pour que l’on soit tenu en haleine exclusivement autour de ces deux activités.

Cela dit à  propos de la sexualité, ou des pratiques sexuelles, en toute objectivité, l’on remarquera que c’est le domaine des conduites humaines où se pose de la façon la plus nette, la question du caractère arbitraire ou du moins déterminé par la culture, la religion, l’histoire ; les frontières entre normalité, criminalité et maladie.

Autrement dit, les questions des conduites humaines en matière de sexualité  relèvent du construit social, plutôt que du naturel, si nature il y a. Elles relèvent autant, sinon plus, de la morale et de la justice que de la psychiatrie. Ainsi, une conduite sexuelle quelle qu’elle soit, ne saurait être appréciée que par rapport à son contexte social et historique. En dehors de celui-ci, on risque tout simplement de verser dans  l’amalgame, l’arbitraire ou tout simplement dans le réductionnisme.

Dans les temps actuels l’on voudrait qu’une conduite sexuelle soit licite ou illicite qu’à partir de certains principes qui ne sont pas forcément universels.

Ainsi, la modernité  se flatte aujourd’hui de ne retenir comme critères départageant les actes licites et illicites en matière de sexualité que trois ou quatre principes :

  • le premier principe veut que les deux partenaires soient consentants et volontaires. Ainsi, dans une conduite sexuelle quelle qu’en soit l’orientation (hétéro ou homo), si les deux partenaires consentent et sont animés de cette volonté à commettre cet acte, il n’y a plus rien à redire ! Ils sont majeurs et vaccinés.

Ce qui fait qu’on rejette le viol, la pédophilie et le « détournement de mineur ». Parce que dans ces cas de figure, on supposerait que pour ce qui est du viol, il n’y aurait manifestement pas de consentement. Et pour ce qui est de la pédophilie et du détournement de mineur, on pense qu’un enfant, un mineur ou une mineure n’a pas encore toutes ces capacités de discernement pour être en mesure de consentir. Il serait dans une certaine minorité psychologique, mentale, et (surtout) juridique si bien que l’acte sexuel qu’il pourrait commettre avec un adulte est considéré comme étant de la pédophilie ou du détournement de mineur. Cependant, curieusement on ne se tourmente pas juridiquement et de plus en plus moralement, si deux mineurs s’adonnaient à cet acte charnel. L’inquiétude, et non la pénalité résiderait dans des formes de questionnement quant à la prise en charge de la possible maternité ou  paternité précoce.

Ce qui fait qu’on remarquera que dans les sociétés d’avant, on n’accordait pas de considération au consentement des supposés mineurs quand on leur donnait en mariage, compte tenu bien sûr que dans ces dernières sociétés, le critère de consentement n’était pas un critère de départage, de qualification des actes.

  • le deuxième principe qui rendrait un acte sexuel licite ou non à l’époque moderne, est le principe d’égalité.

Quand les deux ou plusieurs conjoints sont égaux en droit et quand aucun d’entre eux n’est déficient mentalement, on considère en cas de relation sexuelle,  cet acte comme étant licite.

Ainsi, dans la modernité qui récuse carrément l’esclavagisme, contrairement aux époques antérieures, des relations sexuelles entre un esclave et son propriétaire seraient alors illicites.

L’égalité des conjoints est donc le second critère de détermination, de qualification de l’acte sexuel entre deux ou plusieurs conjoints. Ce qui fait qu’aussi, si une personne abuse de son autorité et de son ascendance sur une autre pour l’amener à entretenir ces relations, on pourrait en conclure qu’il s’agit d’un acte sexuel illicite, décliné en ces termes : harcèlement, abus de pouvoir, viol passif, etc.

  • enfin, le dernier principe de départage des actes licites ou illicites en sexualité, est celui qui voudrait qu’il n’y ait pas de dommages sur un tiers.

De ce fait, un acte sexuel serait illicite, s’il peut occasionner ou avoir des conséquences fâcheuses sur un individu autre que les deux partenaires en action. On pense ici, au fait de ne pas planifier la venue d’un enfant, ou le fait que cet acte-là puisse indisposer d’autres individus de quelques manières que ce soit (par exemple des parents qui seraient obligés de prendre en charge l’enfant qui serait né des agissements de jeunes-adultes encore sous la tutelle financière de ces dits parents). 

En résumé, on retiendra fondamentalement que dans le cadre de l’éthique ou de la morale sexuelle, les temps présents (la modernité) voudraient que ce qui rend légitime un acte serait son cadre contractuel. Le consentement mutuel entre les partenaires légitime l’acte lui-même.

Mais, la modernité ne serait-elle pas entrain de se fourvoyer ? Avec ce principe général de consentement, n’est-elle pas entrain de vouloir une chose et son contraire ?

Si on ne devrait prendre comme critère que le consentement, pourquoi jusqu’ici l’inceste, les relations sexuelles hors mariage (l’adultère, la fornication), la prostitution, etc. sont jusqu’ici intolérées, confinées voire même stigmatisées.

Rien qu’à travers ces exemples, on comprendra que le critère requis de consentement n’est pas suffisant. S’il peut suffire pour  pénaliser le viol (et encore ?), la pédophilie (et encore ?), la zoophilie, la nécrophilie, et j’en passe, pour d’autres conduites sexuelles, il pourrait carrément se mêler les pieds.

De ce fait, l’attitude la plus objective et la moins réductionniste consisterait à faire fi de ce critère de consentement et de ses dérivés, ou à défaut de ne lui accorder pas plus d’importance que les autres critères  traditionnels (où le consentement n’était pas requis) de codification des actes sexuels.

Ainsi, n’avons-nous pas à nous prononcer sur le caractère licite ou illicite d’une conduite sexuelle, parce que supposant une démarche normative et moralisante, qui ne serait pas à proprement parler une démarche qui ferait abstraction du temps et de l’espace.

Ainsi, c’est parce qu’on use ou abuse même de ce critère de consentement que les mariages sans consentement sont décriés actuellement, alors que pendant longtemps nos parents et nos ancêtres se sont mariés sans qu’il y ait consentement mutuel. C’est pourquoi, il nous semble plus judicieux de parler de « mariage arrangé » plutôt que de « mariage forcé » (expression très stéréotypée et sans aucune considération pour nos pauvres parents qualifiés ainsi d’attardés mentaux).

Par ailleurs, si on observe bien nos réalités ou nos conduites sexuelles dites modernes, il se pourrait bien qu’avec un peu d’attention, on trouve que la plupart des actes hétérosexuels dans ou hors mariage constituent des cas de viol caractérisés, sans qu’on ne se mette à ameuter les gens. Et surtout ces relations tant prisées que sont les relations maritales hétérosexuelles.

Dans une société  où les relations amoureuses sont d’abord des relations de conquête ou de domination, où les rapports de genre sont des rapports de pouvoir (où le sexe féminin est infantilisé, sinon chosifié), où la phallocratie est encore en érection, pourrait-on parler de rapports égaux jusqu’à en déduire une sexualité basée sur le consentement. Ainsi, toutes les relations sexuelles ne seraient-elles pas des cas de viol ?

Rien qu’à travers le langage usité, on peut en avoir une certaine confirmation,  on utilise paradoxalement un langage guerrier ou de subordination pour courtiser : « je l’ai eue »,  « il ou elle m’appartient », « je suis ton esclave », « je suis son plus fort », « lu mu yagg yagg maay daan » (comme le dirait Youssou Ndour), etc.

Mamadou Moustapha WONE

Sociologue

BP : 15812 Dakar-Fann

[email protected]

Sénégal.



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