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[ Contribution ] GTI : L'encombrant legs

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[ Contribution ] GTI : L'encombrant legs
«Un dictateur n'est qu'une fiction. Son pouvoir se dissémine en réalité entre de nombreux sous-dictateurs anonymes et irresponsables dont la tyrannie et la corruption deviennent bientôt insupportables.»

Gustave Lebon

Pionnier dans son domaine au Sénégal, GTI-Dakar est un producteur indépendant privé d'électricité et, est une filiale du groupe américain General Electric. Cette société américaine qui s'est illustrée par ses nombreux coups de gueule avec Samuel Sarr, l'ex-directeur général de la Sénélec, est depuis 1996  liée à la société nationale d'électricité du Sénégal par un contrat exclusif de fourniture d'énergie électrique et cela pour une durée de quinze années. Ce contrat avait été signé par le directeur général de la Sénélec sous le magistère de Magued Diouf, le jeune frère du président Abdou Diouf, alors ministre de l'Energie du Sénégal. Depuis cette date, GTI exploite, aujourd'hui encore, une centrale en cycle combiné d'une puissance de 53 Mégawatts environ. Cette unité est composée d'une turbine à gaz (TAG) de 37 Mégawatts et d'une turbine à vapeur (TAV) de 16 Mégawatts. «Depuis le début de l'exploitation commerciale du contrat avec GTI, en 2000, soutient une correspondance confidentielle passée entre autorités de la société, l'épreuve de l'exécution du contrat d'achat d'énergie entre Sénélec et GTI a montré à suffisance que certaines clauses du contrat constituent des contraintes dont la mise en œuvre est quasi insupportable pour la Sénélec.»

Ces contraintes, dont parle cette note, résultent d'un environnement fortement troublé par des facteurs exogènes non maîtrisables qui pèsent lourdement sur la gestion de la Sénélec et annihilent pratiquement tous les efforts déployés envers «ce fournisseur qui tient le pays par la gorge.» De plus, ces contraintes modifient l'allocation des risques entre les parties et menacent sérieusement l'équilibre général du partenariat. Ainsi, en raison du déséquilibre de ce contrat, totalement favorable à GTI, Sénélec n'a jamais été en mesure de respecter l'échéance de paiement qui était de 45 jours depuis le début de leur collaboration.

Pour illustration, l'économie du contrat était basée sur un prix du baril ne dépassant pas 30 dollars US: le prix en vigueur au moment de la signature de ce contrat étant de 10 dollars US. Ce prix, conséquence des bombes successives balancées par les américains sur l'Irak et l'insécurité qui règne sur les routes du pétrole, en Afrique, dans la boucle du Niger et dans l'océan indien où les combattants du cheikh Oussama Ben Laden dictent leur loi, en faisant couler des pétroliers, a atteint cette année la barre des 90 dollars US1.

En plus de cette donnée qui échappe entièrement au contrôle du Sénégal, «cette centrale, selon les services de renseignements sénégalais, a enregistré un incident grave le 26 décembre 2005 et, elle est restée indisponible jusqu'au 2 mai 2006.» Mise devant ces révélations, une voie autorisée à la Sénélec avait fini par reconnaître que «cette indisponibilité a entraîné les coupures massives d'électricité que le pays a connues au premier semestre 2006.»

À cette période de l'année 2006, cette société vendait le kilowattheure à 72,08 F. Pour des raisons non encore élucidées, lors de la signature de son contrat qui la lie au Sénégal, GTI a réussi à faire accepter et signer par les autorités sénégalaises que «la Sénélec s'engageait à lui acheter toute sa production énergétique.» «Pire, s'offusquent nos sources à la Sénélec, que l'on prenne cette énergie ou pas, nous sommes obligés de payer». C'est ce qui dans le jargon des pétroliers et du milieu des financiers est appelé «take or paye». Autre anomalie que nous n'avons pu comprendre et que nos nombreuses sources ont refusé de dévoiler; ce contrat oblige la Sénélec, et à travers elle les citoyens sénégalais, à payer à la GTI de l'électricité que nous n'avons pas consommée. Et, lié par un contrat dit léonin avec GTI, le Sénégal ne peut pas dénoncer ce partenariat sans se mettre les Américains à dos et être obligé de casquer fort.

Le fonctionnement de cette centrale a connu plusieurs perturbations qui étaient surtout, à cette période, dues à l'indisponibilité pendant quatre mois des turbines de GTI. «Cette indisponibilité serait, à en croire nos sources à GTI, la conséquence de la rupture de l'arbre fusible de l'alternateur de la turbine à gaz.» En plus de cette panne mécanique survenue du 26 décembre 2005 au 02 mai 2006, la centrale a connu plusieurs arrêts à cause, notamment, du manque de combustible. «Le non-respect par les pétroliers du contrat d'approvisionnement en combustible qui les lie à GTI en est la cause», avait soutenu un officiel de GTI rencontré aux heures critiques de cette crise. Du côté des pétroliers, on rétorque que «c'est parce que GTI n'a pas payé ses factures après 45 jours d'attente, comme prévu, que le jus lui a été coupé.» Et ce dernier, comme il faut toujours trouver un responsable à ces couacs, pointe un doigt accusateur dans la direction de la Sénélec qui aurait enregistré un retard de paiement.

Comme une litanie, désormais tous les mois, la centrale de GTI a été à l'arrêt dès l'expiration de l'échéance des 45 jours. Cette indisponibilité permanente de l'énergie de GTI conduira à priver le pays de 50 MW: cette puissance représentait 15 % de l'offre totale de la Sénélec. Ces mêmes pannes, selon de nombreuses sources à la Sénélec, seraient à nouveau revenues en Juin 2009 créant les mêmes conséquences. Et elles ne devraient être résolues qu'en Septembre 2009. «Conscients de leur puissance et de leur importance dans le réseau de la Sénélec, confiait un diplomate occidental très au fait des questions énergétiques, les dirigeants de GTI menaçaient chaque fois de saisir la garantie gouvernementale.»

Entre la Sénélec et GTI, c'est une longue histoire d'amour parsemée éternellement de période de crise. Et ces innombrables crises ont toujours été réglées sur le dos du pauvre goorgorlou1. Cette relation de partenariat qui va durer plusieurs années encore, à moins que l'Etat prenne le risque de la confrontation et de la dénoncer comme avec Elyo Hydro-Québec, est toujours sujette à des querelles. Comme de coutume, «les factures de cette année 2006 ont fait l'objet de beaucoup de contestation de la part de la Sénélec suite à des divergences d'interprétation de certaines dispositions du contrat dont l'épreuve, de leur exécution depuis 2000, a démontré, selon un rapport interne fourni par les cadres de la Sénélec à leurs autorités, à suffisance qu'elles ne sont plus adaptées et doivent être corrigées». Le cumul des montants contestés en 2006 était de trois milliards quatre cent dix millions cinq cent soixante-quatorze milles cent Francs (3.410.574.100 FCFA). Mais pour décanter la situation inquiétante dans laquelle ce blocage a plongé le pays, la Sénélec, faute de moyens, a demandé et obtenu qu'un protocole d'accord soit signé le 23 novembre 2006 avec GTI. Ayant participé à cette réunion, une source proche du palais affirme «GTI a renoncé à 645.187.852 FCFA et la Sénélec a accepté de payer 2.765.386.248 FCFA». «Si, ce niveau de contestation a été atteint, poursuit-elle, c'est parce que GTI a supprimé unilatéralement le mécanisme d'échanges avec la Sénélec avant l'envoi de la facture définitive et, pire, elle a refusé toute forme de concertation pour examiner l'ensemble des points soulevés par Sénélec. Elle a toujours prétexté le règlement total de l'ensemble des montants dus.» Considérant cela comme un chantage, la Sénélec qui fait pourtant vivre la même chose aux populations, va après un temps de refus, finir par accepter de payer. Juste retour du bâton, la Sénélec voulait obtenir de son partenaire un moratoire. Et ce moratoire, ironie du sort, son nouveau patron l'avait toujours refusé aux consommateurs qui étaient venus toutes les fins de mois pleurer devant les techniciens de la Sénélec pour son obtention. Comme une vérité divine devenue loi pour les employés de la société, «le moratoire est un cercle vicieux, et celui qui s'y engage n'en sort jamais.» En plus des divergences sur certaines dispositions du contrat, «les points de désaccord concernaient aussi des problèmes d'exploitation.»

Pour couronner le tout et montrer que des choses pas du tout orthodoxes entourent les relations de partenariat entre notre société nationale d'électricité et GTI, deux des principaux responsables de la production de la Sénélec au moment des négociations avec GTI occupent, présentement, d'importantes fonctions au sein de ce producteur indépendant et ils travaillent actuellement à Dakar. Cette situation abracadabrantesque, qui sous d'autres cieux serait qualifiée de prise illégale d'intérêt et conduire ses auteurs à s'expliquer devant la justice, n'offusque personne au Sénégal. Ces deux personnes qui étaient en face des agents de GTI et négociaient pour le compte de la Sénélec se nomment Mamadou Ly, ancien directeur de la production, et son collaborateur Sérigne Diop, ancien chef de centrale du Cap des Biches.

Bacary Touré
Journaliste-écrivain
Consultant international



1 Commentaires

  1. Auteur

    Mspage

    En Janvier, 2013 (08:33 AM)
    Si on ne s'en est pas offusqué, c'est que personne n'en était informé. Pour le coup, l'agence de régulation n'a pas fait son travail et personne à la Senelec n'a pensé à une quelconque dénonciation.
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