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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
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Le mercato des chevriers est bientôt ouvert.

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Le mercato des chevriers est bientôt ouvert.

En cette période de saison des pluies, et de vaches maigres les conversations des sénégalais ne portent ni sur l'abondance des précipitations, ni sur les inondations enregistrées dans certaines localités du pays. Ce qui anime allègrement les discussions, c'est le phénomène tout à fait local de la «transhumance», l’herbe emprunte la combinaison du jaune et du bleu.. 

Faisons un peu d’histoire.

     Sous la présidence du père de l'indépendance Lépold Sédar Senghor, il s'attachait plutôt à fusionner son parti avec d'autres partis venus se dissoudre dans l'UPS (Union progressiste sénégalaise), devenu par la suite Parti socialiste.

Sous Abdou Diouf, son successeur, confronté à la pugnacité du leader de l'opposition et actuel président Abdoulaye Wade, le phénomène de la transhumance politique a pris une ampleur de plus en plus grande. Pour réduire l'influence du mouvement de ce dernier, le Parti démocratique sénégalais (PDS), les partisans d'Abdou Diouf se sont livrés à un débauchage systématique de chevriers, il a dépouillé toutes les formations de l’époque. Cela a duré vingt ans, mais toute chose a une fin.

     Viens l’ère de l’eternel opposant, délicieusement projeté au pouvoir par la masse populaire le président Wade. Celui a focalisé l'espoir de tout un peuple pour le changement, semble avoir repris la méthode à son compte. Ne devait-il pas revisiter l’histoire avant de se lancer dans un tel mercato ? L’histoire du Sénégal a montré que les transhumants sont généralement rejetés part les militants…

A la veille des élections, le la est sonné.

     Le constat amer fait par l’ensemble des citoyens est la sempiternelle défection des hommes politiques de leurs formations ou de leur idéologie politiques pour une chaise confortable. La conviction, l’idéal politique, la ligne de conduite du parti sont sacrifiés au profit de la politique alimentaire. La transhumance politique s’installe dans les mœurs, et au lieu d’être les grands outils d’animation de la vie politique, ces partis peinent à acquérir la maturité et la solidité qui devraient traduire la consolidation de l’expérience démocratique. Les interminables vagabondages de nombres d’animateurs des formations politiques des élus notamment constituent une des raisons de cette fragilisation, et donc de cette menace sur la soi-disante démocratie.

     Alors un certain nombre de questions méritent des réponses, à savoir : pourquoi la transhumance politique ? Et comment la combattre ?

Il faut  reconnaître que beaucoup d’acteurs politiques n’ont pas la capacité de proposer des projets de société fiables, susceptibles d’enclencher l’adhésion des citoyens. Ne dit-on pas qu’il n’y a pas de véritable démocratie sans multipartisme ? Au Sénégal l’on dira qu’il ne saurait y avoir de démocratie véritable sans opposition. Les partis constituent le moteur de la vie politique dans une démocratie pluraliste : sans eux, nombre de libertés fondamentales perdraient une bonne part de leur raison d’être, notamment l’émission de critiques pertinentes à l’endroit du gouvernement dans la gestion de la chose publique, la tenue d’élections transparentes et régulières, le combat pour que la vie politique ne soit pas placée sous le signe du monologue qui est un frein à l’épanouissement de la liberté politique. Les partis et leurs leaders sont les intermédiaires qualifiés entre le peuple et l’Etat. 

     Scrutez le champ politique, sans être féru de science politique, vous remarquerez la transhumance, quand l’herbe est plus verte ailleurs, les chevriers y conduisent le troupeau. « Ces bergers d’un genre nouveau qui, une boussole à la main, une calculatrice dans la tête, vont de pâturage en pâturage pour «brouter ». A l’écoute de la météo, les yeux rivés sur les sondages, ils arpentent les sentiers du nomadisme politique, comme ailleurs l’on emprunte les chemins d’alpage. Le matin, le «nomade » politique flirte avec l’opposition, l’après-midi, il se laisse séduire par le pouvoir. Puis, déçu de ne pas avoir été bombardé ministre, il renoue avec ses premières amours, qu’il délaissera à la première occasion pour les allées du… pouvoir. Le nomade politique s’installe là où l’herbe pousse. Si quelques rares ministres refusent obstinément de verser dans le nomadisme, la plupart ont rejoint les rangs du parti présidentiel », des élus de la nation, des élus communaux fuient leurs formations politiques pour se réfugier dans d’autres qui leur paraissent plus…alléchantes. Comme le ridicule ne tue plus dans ce pays, l’incohérence des partis face à leurs militants se traduit par l’existence d’un parlement monocolore où le terme d’opposition a quasiment disparu. Les hommes politiques sénégalais sont les précurseurs d’une nouvelle façon de faire la politique dans une démocratie où le peuple a l’impression d’être pris en otage par ceux qui sont censés le protéger des éventuels excès que la boulimie du pouvoir est susceptible d’inoculer à son détenteur.

Quelle immoralité !

     Le Sénégal a cru trouvé une solution à travers la révision constitutionnelle du 22 janvier 2001. Selon cette révision constitutionnelle, le problème de transhumance des parlementaires a été solutionné. La question qui a fondé cette démarche est de se demander si le député qui démissionne de son parti conserve son mandat ou non.

La solution consacrée par la pratique institutionnelle sénégalaise antérieure à 2001, et confortée par une déclaration du président de l’Assemblée nationale en date du 12 janvier 1980 - solution qui, du reste, a fait jurisprudence en la matière - consiste à considérer que «les députés exclus de leur parti ou démissionnaires restent encore députés de l’Assemblée nationale». Cette solution s’appuie sur la théorie précédemment expliquée de la souveraineté nationale et le mandat représentatif, en vertu desquels «l’élu représente le peuple et non pas un parti, une faction ou une section». Mais elle reste tout de même dépourvue de toute éthique, pouvant entraîner des glissements de majorités en cours de législature, préjudiciables à la stabilité institutionnelle. C’est cette éthique que restaure la Constitution de 2001 par le biais de son article 60 qui prévoit que tout député qui démissionne de son parti est automatiquement déchu de son mandat. En ce sens, on peut dire que l’article 60 constitue un acquis démocratique de taille pour le processus démocratique sénégalais et africain. 
L’article 60 de la constitution sénégalaise après la révision de 2001 dispose que : «Les députés à  l’Assemblée nationale sont élus au suffrage universel direct. Leur mandat est de cinq ans. Il ne peut être abrégé que par dissolution de l’Assemblée nationale. 
Les Cours et Tribunaux veillent à la régularité de la campagne  électorale  et du scrutin dans les conditions déterminées par une loi organique.

     Une loi organique fixe le nombre des membres de l’Assemblée nationale, leurs indemnités, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités. 
Tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat. Il est remplacé dans les conditions déterminées par une loi organique». 
 

     Aussi pensons-nous que pour résoudre ce problème, pour évacuer la transhumance de notre vie politique, pour, en tout cas, en limiter l’effet et l’impact, il faut essayer de se demander quelles sont les causes de la transhumance. On ne peut guérir une maladie qu’en posant correctement le diagnostic.

     La transhumance est l’expression du mauvais usage fait de la liberté. Il faut le dire hautement : on n’est pas libre de faire ce qu’on veut. Celui qui s’engage en politique doit savoir que la politique a ses traditions, ses structures, ses mœurs et même un certain langage. La politique se vit à travers des institutions respectables qu’il n’est pas permis à n’importe quel parvenu, au premier arriviste de venir détruire.

     La transhumance est surtout la conséquence très éloquente de l’inexistence dans notre pays de partis politiques dignes du nom, jouant pleinement et sérieusement le rôle que leur assigne la Constitution à savoir : « les partis politiques concourent à l’expression du suffrage », mieux, « les partis politiques concourent à la formation et à l’expression de la volonté politique ». Un parti politique a pour rôle principal de former l’opinion et ses militants par un encadrement doctrinal et idéologique. C’est grâce à cette formation assurée par le parti que seront connues les idées, le programme dont se réclame tel ou tel candidat qui sollicite de ce parti son investiture à une charge politique. C’est donc par la formation qu’il assure à ses membres qu’un parti en fait des militants fidèles à la cause commune et pétris d’une éthique qui leur interdit tout vagabondage, toute errance.        

     Oui, la solution au phénomène de la transhumance politique est à  chercher de ce côté-là, et s’il y a une réforme constitutionnelle à faire sur ce point, c’est celle qui imposera aux partis de jouer plus pleinement, plus sérieusement le rôle que leur confère la Constitution. Aussi, tant qu’il n’y aura pas, dans notre pays un parti digne du nom, qui prenne à cœur la formation de ses cadres, de ses militants, tant que le champ politique restera ouvert aux parvenus et aux arrivistes de tout acabit, on ne pourra pas lutter efficacement contre le fléau de la transhumance. Aussi, la grande tâche politique, aujourd’hui, est-elle l’effort et le sacrifice à consentir pour l’émergence de grands partis politiques dignes du nom. Ce ne pourra être que l’œuvre de patriotes qui ont enfin compris que : « les grandes formations politiques qui ont conduit les plus grandes transformations sociales,  ont pris naissance à partir d’un noyau réduit et déterminé de femmes et d’hommes… ». Oui, l’émergence de tels partis réhabilitera la politique, par le retour des militants et la fin de la transhumance. Exeunt « les salariés ou les mercenaires politiques qui ont remplacé les militants bénévoles. Venus chercher en politique les moyens de survivre et de s’enrichir, ils butinent de groupuscules en groupuscules en récriminations et en jérémiades chaque fois que leurs objectifs ne sont pas atteints.      

     Tache difficile et ardue, mais urgente. Tache presque impossible. Mais retenons cette belle pensée de Max Weber ;  «  on n’aurait jamais pu atteindre le possible si dans le monde on ne s’était pas toujours et sans cesse attaqué l’impossible ». Et le président Barack Obama disant le 6 juin dernier en Normandie, en parlant du débarquement allié « c’est en pareille circonstance que l’ordinaire devient l’extraordinaire ». Ajoutant que c’est pareille circonstance que les hommes ordinaires prennent une stature de héros »  



1 Commentaires

  1. Auteur

    Boy Loukhouuss

    En Juin, 2011 (01:34 AM)
    Dieuredieuf sunu Borom :up:  :up:  :up:  :up:  :up: 

    Bismila vous pouvez commencer les commentaires!
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