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[ Contribution ] Le président Bourguiba n’en était pas arrivé à autant de délires et de radotages !

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[ Contribution ] Le président Bourguiba n’en était pas arrivé à autant de délires et de radotages !

Si la télévision nationale était à la hauteur de sa mission de service public, il lui arriverait, de temps en temps au moins, de prendre ses responsabilités et de censurer notre président manifestement vieillissant. Ce serait salutaire pour lui-même et pour l’image de plus en plus écornée du pays. Un de ses plus ardents défenseurs, le Pr Iba Der Thiam, invité du journaliste Oumar Gning à l’Émission « Opinion » de la radio Walf Fm du dimanche 15 juillet 2007 affirmait, sans sourcilier, que « le président Wade ne parle que quand c’est nécessaire »[1]. Nous sommes en démocratie, même tropicale. Chaque citoyen est donc libre de ses choix et de ses propos. Cependant, je n’ai vraiment pas le sentiment que l’homme que nous pratiquons depuis 1974 et surtout depuis le 1er avril 2000, « ne parle que quand c’est nécessaire ». Wolof Njaay dirait plutôt que dafay tiit di wax : Il parle à tout propos, sans précaution et sans retenue. Te wax bu baare asaka genn ca ! Autrement, quand on passe le plus clair de son temps à parler de tout et de rien, on commet forcément de temps en temps des bourdes. C’est ce qui arrive exactement à notre vieux président, et il nous gêne de plus en plus.

Il en a été ainsi lors de son tout récent voyage à Ndjamena, pour les besoins du Premier Sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays partenaires du Projet de la « Grande muraille verte ». A l’occasion, notre Jupiter national a prononcé un discours long, trop long, particulièrement lassant, surtout plein d’incohérences et de contrevérités. C’était visible dans les différentes attitudes de l’assistance, même des membres de sa très forte délégation. Sans compter l’aplomb devant ses pairs auxquels il s’adresse comme un professeur à ses étudiants.

Cet homme nous gêne, nous gêne terriblement, surtout quand il préside une rencontre internationale. Nous en avons vécu une triste expérience le lundi 14 juin 2010, lorsqu’il a présidé, dans la même journée, deux grandes rencontres : le Business Meeting sur le financement des plans d’investissements agricoles et le 9ème Conseil présidentiel de l’Investissement (Cpi). Un très sage et très effacé chef religieux dit de lui qu’il est si haut perché dans son nuage qu’il ne voit plus rien de ce qui se passe par terre. Il est vraiment dans les nues, quand il affirme avec aplomb avoir éradiqué la pauvreté au Sénégal[2] et y avoir réalisé l’autosuffisance alimentaire. Concernant notre consommation annuelle de riz et notre production de la même céréale en 2009, il donne des chiffres fantaisistes, qui sont formellement démenties par les sources les plus officielles, notamment celles de Direction de la Prévision et des Etudes économiques (DPEE). Je renvoie le lecteur au site de ladite structure : il se rendra compte à quel point notre vieux président délire et radote, bien plus que le président Habib Bourguiba, destitué pour diverses incapacités, notamment intellectuelles, à l’âge de « seulement » 83 ans. Il délire quand, parlant de l’arachide, il affirme ceci : « Cette année, nous avons produit un million de tonnes, et il n’y a plus un seul grain d’arachide dans le Sénégal. Nous avons pu tout vendre. Et on nous demande de doubler ou de tripler la production, si nous le pouvons. » Il ajoutera, pour mieux convaincre, que « notre production de cette année a atteint le niveau de la colonisation quand régnait la monoculture d’arachide ».

On n’a vraiment pas besoin de remonter loin dans le temps pour le démentir : lors de la campagne agricole 1999-2000, la production de l’arachide a été de plus d’un million cent mille tonnes. D’ailleurs, les Libéraux qui venaient d’accéder au pouvoir n’ont pas pu acheter cette importante récolte et, pour la première fois, les paysans se sont retrouvés avec des bons impayés massifs. Quant à l’affirmation selon laquelle « il n’y a plus un seul grain d’arachide dans le Sénégal (et que) nous avons pu tout vendre », a-t-on vraiment besoin de s’y attarder ?

Incontestablement donc, l’homme raconte n’importe quoi. Il parle de tout et de rien, dit une chose et son contraire presque aussitôt, s’emmêle carrément les pinceaux dans ses innombrables projets, dont les traits caractéristiques sont en particulier l’improvisation et l’incohérence. A titre d’exemple, on se souvient que, le 18 avril 2008, dans la grande salle de conférence du Méridien-Président, à l’occasion d’un conseil présidentiel sur l’Agriculture, notre homme-miracle lançait officiellement sa fameuse Grande Offensive agricole pour la Nourriture et l’Abondance (Goana). Sans la présence (signalée) d’aucun technicien de l’agriculture, il décline, devant une assistance médusée, les objectifs de ce programme, un programme vraiment fou celui-là. Des objectifs titanesques, pour l’hivernage en cours (2008-2009) : 2 000 000 de tonnes de maïs, 3 000 000 de manioc, 500 000 de riz, 2 000 000 pour les autres céréales (mil, maïs, fonio, sorgho), 400 000 000 de litres de lait (vous ne rêvez pas du tout !), 43 500 tonnes de viande. Tous ces objectifs titanesques en un hivernage qui allait démarrer dans un mois ou deux ! Quelques jours seulement après, afin que nul n’en ignorât, des affiches géantes placardées dans toute la ville de Dakar et sa banlieue, répétaient exactement les mêmes objectifs fous et insensés. Par an !

Moins d’une semaine après le lancement officiel de cette fameuse Goana qui devait produire 500000 tonnes de riz dès la fin de cet hivernage (2008-2009), il procédait à l’ouverture du Conseil national de développement des Collectivités locales (Cndcl) au Méridien-Président. A l’occasion, il déclare : « Ce matin (mercredi 23 avril 2008, ndla), j’ai reçu un message du Premier ministre de l’Inde qui m’a dit qu’il va fournir au Sénégal tous ses besoins en riz, c’est-à-dire 600 000 tonnes par an pendant six ans. » Notre vieux président aux intarissables idées-minutes, affirme ensuite avoir sollicité les services de l’Armée pour l’acheminement du riz indien à l’intérieur du pays. Il interpelle ensuite son Premier ministre (absent de la rencontre) en lui demandant de « surveiller les débarquements »[3]. Très en verve, il ajoute que, chaque mois, 50 000 tonnes seront débarquées et le riz acheminé dans les coins les plus reculés du pays.

Nous n’avons jamais vu aucun grain de ce riz, ni à Dakar, encore moins dans les coins les plus reculés du pays ! Et même si, par extraordinaire, les 600 000 tonnes de cette céréale indienne étaient effectivement livrées, que ferions-nous de notre riz local, dont 500 000 tonnes devaient être (déjà) produites à la fin de l’hivernage 2008-2009 ? Voilà ce qu’il en est des mille projets et engagements volatiles de ce « Père Noël » sénégalais ! Il n’est pas seulement politicien, il n’est pas seulement malhonnête : en réalité, il ne contrôle plus rien, il n’est plus maître de ses reflexes. C’est ainsi qu’il nous promet trois Tgv en quatre ans (2008-2011), deux centrales nucléaires dont une à Oussouye et une autre, mobile, portée par un bateau au large de Dakar, un chemin de fer à grand écartement Dakar-Ziguinchor-Tambacounda en quinze mois, dont quatre mois pour les études, etc.

Au Sénégal, nous ne prenons pour fous que les hommes et les femmes qui se promènent nus dans les rues. Or, dans un chant célèbre, l’artiste Ibrahima Guèye de Pout faisait remarquer fort justement ceci : « Nit a ngi ci nit ñi, waaye dof a ngi ci nit ñi. » Avec l’homme qui nous dirige et qu’on nous présente sans état d’âme comme « le candidat idéal en 2012 », le Sénégal est en péril. Non seulement il délire et radote, mais tâtonne dans sa gestion du pays. Il se laisse aller à des choix solitaires, politiciens et irréfléchis, et finit par se rendre compte de leurs conséquences dangereuses et veut revenir en arrière. C’est ce qui lui arrive quand, lors du 9ème Conseil présidentiel sur l’Investissement du 14 juin 2010, il envisage « une dégression des fonctionnaires », « une dégression du mammouth », pour paraphraser le Pr Claude Allègre, ancien ministre français de l’Education nationale. Il constate que « plus de 60 % voire 90 % des budgets que nous avons vont au fonctionnement et, pour l’action, il n’y a rien ». Et, à titre d’exemple, il donne celui du Ministère de la Famille qui, sur un budget de 18 milliards, ne consacre que 300 millions à l’action. La titulaire est pourtant Ministre d’Etat et garde son poste, avec parfois les félicitations appuyées du président de la République.

En vérité, l’homme se rend compte, bien trop tard, des conséquences désastreuses de la générosité sélective et électoraliste, qu’il a déployée entre 2004 et 2007. Dans cette période de précampagne électorale, il a accordé à bout de bras des indemnités, dont certaines passaient de moins 50000 à 900000 francs par mois. Il a, sans prendre le soin consulter les techniciens, doublé, voire triplé des salaires. Toute cette « générosité » exclusivement en faveur des autorités administratives, des ministres, des députés et des chefs de collectivités locales, des hauts gradés des Forces de sécurité, des magistrats. Cette injustice flagrante a donné lieu à des grèves déterminées, qui n’ont épargné aucun secteur de la Fonction publique, tous les autres agents exigeant légitimement leurs parts du partage du « gâteau » présidentiel. L’inconscient et insouciant pyromane n’avait plus d’autres choix que de s’employer à éteindre rapidement les différents incendies qu’il avait imprudemment allumés, en concédant des augmentations de salaires et d’indemnités parfois à des niveaux qui surprenaient même les grévistes[4].

Aujourd’hui, il doit boire l’abondant riz au lait (très chaud) qu’il a lui-même préparé. Il constate que la masse salariale, qui ne cesse de gonfler, ne permet plus que des recrutements de volontaires, de contractuels et de vacataires. Il veut désormais faire marche arrière et taper sur les fonctionnaires. Ces derniers n’accepteront sûrement pas d’être les agneaux du sacrifice et se font déjà bruyamment entendre. Il existe de nombreuses autres portes auxquelles il peut et doit frapper pour mettre un terme aux différents gaspillages. Point n’est besoin de s’y attarder : une gouvernance vertueuse à la place de celle des Wade ferait facilement, en un an, des économies substantielles de 200 à 300 milliards de francs Cfa, voire plus. C’est bien possible et il est facile de le démontrer.

En attendant, le navire Sénégal est sérieusement en danger : son capitaine ne sait manifestement plus où il va et peut à tout moment l’écraser contre les gros rochers en pleine mer. Il convient donc de le changer pendant qu’il est encore temps. Mais, ce ne sera pas du tout chose aisée car lui-même et son adjoint – son propre fils –, s’incrustent dans la cabine de pilotage et s’accrochent désespérément au gouvernail. Il faudrait plus que des enfants de chœur pour les en déloger. Benno Siggil Senegaal originel est-il prêt à payer le prix fort qu’il faut pour arriver à cet objectif hautement citoyen ? Je suis sérieusement perplexe quant à la réponse à cette question. Les mois qui nous séparent de 2012 nous édifieront peut-être.

 

MODY NIANG, e-mail : [email protected]

 

 


[1] C’est le même défenseur de Me Wade qui affirmait sans sourcilier ceci : « Me Wade fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait. » C’était au Journal télévisé de 20 heures 30 du 31 décembre 2005. Il commentait alors le message à la Nation du président de la République.

 

[2]  Il fera état sur place de la stratégie qu’il a mise en place pour éradiquer la pauvreté au Sénégal dans quelques années. Et puis, quel est le pays au monde, fût-il le plus riche, qui est arrivé à éradiquer la pauvreté ? Quand même !

[3]  Ce Premier ministre-là n’a pas le temps de coordonner l’action gouvernementale !

[4]  Devant sa « générosité » déferlante, j’ai très tôt tiré la sonnette d’alarme, au moins dans deux contributions : « Les conséquences de la générosité sélective de Me Wade », « Le Quotidien » du vendredi 21 juillet 2006 ; « Me Wade, le seul responsable », « Le Matin » des samedi-dimanche 12-13 mai 2007.



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