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Le Sénégal, un pays bien singulier

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Le Sénégal, un pays bien singulier

Le Sénégal entier s’est passionné pour le combat de lutte sans vainqueur entre Moustapha Guèye et Yahya Diop “Yékini”. Pendant ce temps, les coupures d’électricité succèdent aux coupures d’eau. Le Sénégal émergent de Wade vit dans le rationnement permanent. Même la circulation dans Dakar est rationnée avec les travaux sur la Corniche Ouest pour les besoins du sommet de l’Oci. L’affaire mérite qu’on s’y arrête. Pour une semaine de conférence qui aura lieu dans deux ans (peut-être), une Agence nationale (Anoci) a été constituée et confiée au fils du Président en personne avec un budget de X milliards. A charge pour cette Agence de construire un hôtel, en fait un site, pour accueillir cette conférence. A cet effet, toute la Corniche, de Fenêtre Mermoz (Tableau Air Afrique) à l’Université, sera aménagée en hôtels, centre d’affaires et sites privés. Plus de vue sur la mer, ni d’accès à la plage pour le citoyen lambda. Certains diront que le citoyen lamda a d’autres soucis. Sans doute. Mais, par et pour l’organisation de ce sommet, la route de la Corniche est bloquée pour des travaux d’élargissement et de construction d’une portion de voie souterraine permettant de desservir rapidement le centre ville. Une bonne chose certainement. Cependant n’était-il pas possible de réserver le Méridien Président, construit pour le précédent sommet de l’Oci, tout en faisant les travaux d’élargissement et d’aménagement de la route de la Corniche ? Cherchez l’erreur !

LA PRODUCTION D’ELECTRICITE A PARTIR DE CHARBON EST-ELLE STRATEGIQUE ?

Le projet de construction, au Sénégal, d’une centrale électrique à charbon d’une puissance de 250 Mw suscite de nombreuses interrogations. Le Sénégal a une très forte dépendance vis-à-vis de l’étranger pour satisfaire ses besoins énergétiques dans les domaines de la production d’électricité, des transports, de l’industrie, ou de l’agriculture. Or, depuis 3 ans, le prix du baril de pétrole a presque triplé, ce qui a un impact négatif sur l’économie du pays, les ménages et la compétitivité des entreprises. Quelques exemples pourraient être cités, comme l’augmentation de la facture pétrolière, l’augmentation des prix de transports, des carburants et de l’électricité, entre autres.

Le prix du charbon a certes augmenté moins vite que le prix du pétrole durant ces dernières années, et les réserves mondiales de charbon sont bien plus importantes que celles de pétrole, ce qui pourrait laisser présager moins de tensions sur le marché international du charbon dans les années à venir. Malgré tout, personne ne peut dire quel sera le prix du charbon dans 5 ans. Par conséquent, une stratégie de reconversion énergétique du pays ne peut reposer sur des hypothèses peu fiables de prix des énergies primaires dans les prochaines années. Qui aurait pu prédire, il y a 3 ans, que le baril du pétrole coûterait 70 dollars en octobre 2005, alors qu’il coûtait 25 dollars en moyenne en 2002 ?

Le recours massif au charbon, pour la substitution d’une partie des produits pétroliers servant à la production d’électricité, ne peut donc se justifier, d’autant plus que la combustion du charbon présente de nombreux inconvénients.

En effet, l’utilisation du charbon pour alimenter une centrale électrique de 250 Mw produirait des rejets de l’ordre de 250 tonnes de gaz carbonique par heure dans l’atmosphère, ce qui ne contribuera à améliorer ni la qualité de l’air, ni la santé des populations riveraines.

Ainsi, des études faites dans la Province de l’Ontario au Canada ont montré que les émissions de centrales au charbon étaient responsables de plusieurs centaines de décès prématurés, et plus de mille admissions dans les salles d’urgence des hôpitaux. A l’horizon 2009, toutes les centrales de production d’électricité à partir du charbon, installées dans cette province, seront arrêtées. La santé des citoyens d’un pays en développement serait-elle moins importante que celle des citoyens d’un pays développé ? Je ne le crois pas.

Par ailleurs, la solution de remplacer une partie des produits pétroliers par du charbon, pour produire de l’électricité, ne contribue pas non plus à résoudre le problème de la forte dépendance énergétique du Sénégal.

La flambée des prix de l’or noir est préjudiciable aux pays non producteurs de pétrole, mais elle représente également, pour ceux-ci, une occasion de repenser leur politique énergétique. Les réflexions à mener pour redéfinir notre politique énergétique devront intégrer les enjeux suivants :

- la préservation de l’économie du pays, de la compétitivité des entreprises et du pouvoir d’achat de nos concitoyens, contre les augmentations imprévisibles et non maîtrisables des énergies primaires importées ;

- l’augmentation de l’indépendance énergétique du pays ;

- la production locale d’énergies primaires qui se substituera à des importations, créant ainsi de nouvelles richesses nationales ;

- la contribution à la préservation de l’environnement et à la santé des populations ;

- la préparation de la gestion de l’après-pétrole ;

Le développement des énergies renouvelables d’une part, et la maîtrise des consommations d’énergie d’autre part constituent deux axes autour desquels pourraient s’articuler la nouvelle politique énergétique sénégalaise.

Un large éventail d’énergies renouvelables peut être développé au Sénégal, à condition qu’il y ait une volonté politique pour y arriver. Cela concerne notamment les biocarburants à partir des productions agricoles, les éoliennes, la valorisation d’ordures ménagères, le développement de l’hydroélectricité ou la biomasse.

D’autre part, la maîtrise des consommations d’énergie pourrait être initiée grâce à une politique incitatrice du gouvernement. Là aussi, de multiples solutions existent, parmi lesquelles : l’utilisation à grande échelle d’équipements et matériels à haute efficacité énergétique comme des lampes à économies d’énergie, de l’électroménager à faible consommation d’énergie électrique, des voitures tractées par moteurs à faibles consommations spécifiques, ou des chaudières à rendement optimal dans les usines.

COMMENT FAIRE AVEC LA CHINE ?

Ces derniers mois, la presse internationale, notamment française, s’est inquiétée de l’offensive chinoise en Afrique, illustrée par les contrats d’exploitation du fer au Gabon ou l’obtention de contrats d’exploration et d’exploitation de pétrole au Tchad. Au Sénégal, les commerçants dits “baol-baol” se plaignent, depuis déjà deux ou trois ans, du dumping exercé par les nombreux commerçants chinois présents sur le territoire national.

La Chine détient aujourd’hui une réserve financière importante qu’aucune des grandes puissances mondiales n’est capable de concurrencer. Elle a des besoins d’approvisionnement en matières premières importants et divers, qui vont du coton au pétrole en passant par le fer ou d’autres minerais. Sur le plan diplomatique, la Chine est à la recherche de soutiens internationaux dans sa guerre d’usure contre Taïwan et le Tibet. Et, son dynamisme économique, sa présence au Conseil de sécurité de l’Onu et sa puissance militaire en font la puissance des cinquante prochaines années avec qui il faudra travailler. Ceci constitue pour nous à la fois une chance et un défi.

En effet, la Chine représente un défi pour nombre de pays africains, car sa stratégie de développement économique lamine les économies africaines et peut nous empêcher de renforcer certaines productions développantes. D’une part, la Chine a une stratégie industrielle qui englobe tous les secteurs de production elle ne laisse aucun segment de marché. Elle produit à très bas coûts, compensant par des prix très bas la qualité généralement, médiocre de sa production. Sa taille lui permet d’alimenter l’ensemble du marché africain, entravant ainsi toute industrie naissante. Une illustration peut être donnée avec l’industrie du textile. La Chine achète le coton du Mali ou du Burkina Faso et le transforme pour nous vendre du tissu à très bas prix et de qualité assez mauvaise (voir la popeline très bas de gamme qu’on trouve sur les marchés dakarois). Pire, elle s’attaque à l’artisanat local en produisant chez elle les modèles locaux, notamment de chaussures et de sacs, pour les exporter ensuite en Afrique. D’autre part, elle implante sa population qui vient s’installer sur place pour écouler sa production, ce qui garantit une prise de bénéfices verticale sur toute la chaîne, de la production à la commercialisation. Que nous reste-il alors ? Sommes-nous condamnés à n’être que des acheteurs, vendant notre force de travail ailleurs pour acheter des biens produits ailleurs ?

Face à cette situation, le dynamisme de la Chine peut être une chance si nous sommes capables d’inscrire nos relations avec elle dans une stratégie propre de développement. Dans les premières décennies des indépendances, nous avons raté le coche de l’industrialisation par les transferts de technologies. Plusieurs explications peuvent être avancées parmi lesquelles la mauvaise volonté des pays occidentaux, le coût exorbitant de ces technologies, l’absence de cadres et de main d’œuvre qualifiés, la gabegie, les détournements de fonds etc. Aujourd’hui, la Chine dispose d’un certain nombre de technologies et de savoir faire peu chers. C’est à nous de déterminer les conditions de leur implantation sur le continent. On pourrait commencer par obtenir que lors des constructions d’infrastructures, au moins la moitié de la main d’œuvre soit locale et que des cadres (ingénieurs et autres) nationaux soient employés. Certains diront : comment avoir des exigences lorsqu’on reçoit des dons ? C’est oublier que ce ne sont des dons que de nom, qu’ils sont souvent la contrepartie de facilités ou de contrats que nous octroyons. Il vaut mieux arrêter de les appeler des dons, les insérer pleinement dans les négociations et ainsi en discuter toutes les modalités jusqu’à l’exécution. Par ailleurs, en mettant pleinement en concurrence la Chine avec nos partenaires traditionnels nous pouvons obtenir de tous des conditions plus avantageuses d’échanges et de coopération.

Mais la seule stratégie développante possible est d’inscrire l’ensemble de ces relations dans le sens de l’augmentation de nos capacités de production et de transformation sur place. Ce qui génère le développement, à terme, c’est l’augmentation continue de la production de biens et de services. Ceci doit être notre seul objectif dans la coopération internationale. Obtenir la construction de stades, d’hôpitaux et de routes, c’est bien, mais ça ne fait pas le développement. C’est à cette aune qu’il faut juger Abdoulaye Wade et son Premier ministre de retour de voyages en Chine, qui exhibent fièrement les contrats et dons obtenus de construction de stades et autres infrastructures sans par ailleurs nous informer des contreparties consenties.

SENEGAL, DEMOCRATIE SANS DEVELOPPEMENT

Il faudrait en convenir : la question du développement économique et social n’a jamais été une priorité pour les différents régimes qui ont dirigé notre pays depuis son indépendance. Le parti-Etat mis sur pied par Senghor avait surtout misé sur la culture tout en préservant une économie de structure coloniale et centrée sur la monoculture de l’arachide. Ainsi, le Sénégal du duo Senghor-Diouf s’est ingénié à faire de l’habillage démocratique une carte de visite séduisante aux yeux de l’Occident et des bailleurs de fonds pourvoyeurs d’aide et d’investissements. La logique d’une économie extravertie conjuguée à une gestion népotique et corrompue eut pour conséquence l’aggravation de la situation socio-économique. Le Sénégal, asphyxié par des dettes faramineuses, fut le premier pays africain à recevoir les prescriptions du Fmi en 1981. Le président de la Cour suprême, Kéba Mbaye, après avoir écouté le discours d’investiture de Diouf s’était écrié: «Il s’agit de sauver notre peuple de la misère, de l’immoralité et d’instaurer la justice sociale. Les Sénégalais sont fatigués : c’est la logique des campagnes et des faubourgs…»

Prononcée à la fin du règne de Senghor, cette mise en garde fut de mise à la fin de la présidence de Diouf pendant laquelle aucune désenghorisation ne fut entreprise. Pire, en l’absence de vision et de stratégie novatrices pour le long terme, ce régime a perpétué, tout en l’aggravant, une situation socio-économique des plus catastrophiques qui a amené nombre de nos concitoyens à regretter leur poète-président. Diouf s’était aussi targué de renforcer la démocratie, mais sans rechercher à sortir le Sénégal du marasme. L’évocation des conjonctures intérieures et internationales devint une panacée prompte à masquer les carences et l’attentisme d’un pouvoir corrompu et usé jusqu’à la corde. Alors que le budget national du Sénégal est passé à 1 000 milliards de francs Cfa, (jamais autant d’argent n’aura circulé dans notre pays depuis son indépendance), le régime Pds de Wade s’est englué dans les scandales politico-financiers, les effets d’annonce et l’autoritarisme. La politique de développement de l’Etat semble se résumer à l’augmentation de salaires pour certains, les dépenses ostentatoires et quelques réalisations urbanistiques minimes qu’on s’empresse de magnifier à coup de propagande télévisuelle confiée à la Rts.

Alors que la situation socio-économique du pays était qualifiée de grave à la fin des mandatures socialistes, elle est désormais devenue catastrophique. L’exode de centaines de jeunes Sénégalais désœuvrés à l’assaut de la Méditerranée et de l’eldorado européen en est une manifestation patente. La croissance soutenue de notre économie, agitée sans cesse comme slogan par le parti au pouvoir, n’a pas de retombées sur la logistique sanitaire, ni sur la courbe du chômage. Elle parvient encore moins à lutter contre la pauvreté endémique dans les banlieues et le monde rural. Les fruits de la croissance ont été à coup sûr engloutis dans les dépenses incontrôlées de la primature, le relèvement des salaires des fonctionnaires et des parlementaires et, enfin, dans la logistique électorale du Pds et de ses alliés inconditionnels. Pendant longtemps, une bonne partie de nos concitoyens étaient sceptiques quant à l’impact du vote sur leur niveau de vie des patriotes avaient avancé comme argument que voter était une manière de développer le Sénégal et pourtant, 6 ans après, le pays se retrouve comme en 2000, à la case départ.

Le Sénégal, un des pays les plus aidés d’Afrique, est resté le royaume de l’incurie, de la gabegie, de la corruption et donc du sous-développement endémique. Au lieu de rechercher les voies et moyens du développement par une meilleure gestion des biens de la nation, en particulier de l’argent public, au lieu de régler définitivement les problèmes de délestages ; ou encore d’œuvrer dans le sens de l’autosuffisance alimentaire et de la lutte contre la pauvreté, notre pays continue à se gargariser de sa démocratie au «ventre creux» avec la complicité de nombreux lobbies socio-économico-religieux qui se partagent ses lambeaux.

 



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