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[ Contribution ] LES DAIRAS: STRUCTURES DE DEVELOPPEMENT COLLECTIF ET NON PLUS OUTILS D'ENRICHISSEMENT PERSONNEL

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[ Contribution ] LES DAIRAS: STRUCTURES DE DEVELOPPEMENT COLLECTIF ET NON PLUS OUTILS D'ENRICHISSEMENT PERSONNEL

La daira» est un mot arabe au féminin qui signifie: cercle, structure, circonscription etc. Dans le contexte islamique sénégalais et en particulier dans le mouridisme c’est une association religieuse par vocation constituée officiellement et/ou officieusement regroupant indistinctement des disciples mourides (hommes et femmes, grands et petits) pour un but donné.
L’excellent visionnaire et l’incontestable chef de fil de ce qu’on pourrait appeler «le courant réformiste ou progressiste» du mouridisme Serigne Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma, fils aîné du premier calife des mourides et premier petit-fils du fondateur du mouridisme, fut à l’origine de la daira. En initiant le premier mouvement mouride du genre, Serigne Cheikh avait de la daira une conception beaucoup plus vaste, il voulait lui donner un contenu largement plus ambitieux que celui de la plus grande partie des dairas actuelles. En effet, il tendait à créer à l’échelle du couvent mouride et non de la maisonnée de Daroul-Khoudoss seulement un cadre socio-religieux propice pour des retrouvailles familiales et des causeries religieuses mais aussi pour la récolte de fonds destinés à des projets d’intérêt commun (PIC), de solidarité, d’action sociale et d’échanges intellectuels et culturels. Malheureusement, on constate avec amertume que la plupart des dairas se contentent de l’unique volet religieux et que même à ce niveau le conservatisme «aveugle» prévaut sur le progressisme éclairé.
Par ailleurs, le pullulement des dairas et la variété de leurs tendances, de leurs objectifs et de leurs champs d’action sont tels qu’il est difficile de les répertorier en catégories. Néanmoins, à y voir de près on arrive à les discerner et à les lister sur deux bases: l’adhésion et l’orientation.
Du point de vue de l’adhésion, elles se divisent en deux catégories : dairas à adhésion limitée et dairas à adhésion illimitée.
 1 Dairas à adhésion limitée; ce sont les dairas relevant des différents sous-groupes de la confrérie c'est-à-dire celles qui regroupent les disciples d’un fils, d’une fille de Cheikh Ahmadou Bamba, d’un grand dignitaire ou plus spécifiquement d’un membre de leurs familles. Pour adhérer à une daira de ce type, il est préférable et très fréquemment indispensable d’être un disciple d’un tel marabout ou un membre de la maisonnée à laquelle la daira en question est subordonnée. Le prototype de ces dairas est la Wilaya, la première du genre à naître dans la confrérie, qui rassemble les disciples de son marabout-fondateur Serigne Cheikh Mbacké. De même que les fédérations des dairas affiliées à un Cheikh (un grand dignitaire) ou un de ses fils (tel que les fédérations des dairas de Daroul-Khoudoss, de Daroul-minane et de Ndiénné par exemple) entrent toutes dans cette catégorie de daira à adhésion limitée.

Hamza Ahmad DIAKHATE
2 Daira à adhésion illimité; on peut les appeler également «dairas généralistes» parce que l’adhésion à ces dairas n’est pas limitée aux adeptes d’un Cheikh ou d’une famille maraboutique donnée uniquement. N’importe quel mouride peut y adhérer quelle que soit son sous-groupe de subordination. Le caractère illimité ou généraliste de ces dairas est dû surtout au fait qu’elles s’adressent directement et exclusivement au chef suprême de l’ordre mouride: le calife général. Les dairas Hizbut-Tarqyya et Matlaboul-fawzaini sont suffisamment représentatives de cette catégorie des dairas généralistes ou à adhésion illimitée.
Sur le plan de l’orientation, elles se répartissent également entre dairas traditionnelles et dairas modernes.
 1 Dairas traditionnelles; il s’agit des dairas qui se consacrent uniquement aux activités religieuses: récitation de kassaid, (écrits poétique de Cheikh Ahmadou Bamba), récolte de hadiyyas (dons pieux) puis ziaar (visite pieuse) au calife général ou au marabout de subordination à qui les hadiyyas ramassées seront remises et quelques fois organisation de Thiant (cérémonie de recueillement et de louange à Dieu) etc. La majeure partie des dairas, aussi bien celles à adhésion limitée que celles généralistes, sont de ce genre.
 2 Dairas modernes ; outre la vocation religieuse des dairas traditionnelles, certaines dairas ont adopté dés leur naissance ou par la suite de nouvelles orientations en s’intéressant davantage à la modernité et à la diversification de leurs activités: causeries religieuses qui cadrent avec les thèmes d’actualité, organisation de journées culturelles au lieu de Thiant, utilisation des mass-médias particulièrement les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), investissement d’une partie des cotisations, des hadiyyas et des contributions dans le social et dans les micro et macro-projets.
En fait, elles sont des associations, des organisations non gouvernementales (ONG) ou des groupements d’intérêt économique (GIE) à fond religieux plus que des dairas stricto sensu et elles sont très efficaces bien qu’elles ne soient pas nombreuses actuellement.  A mon avis, le temps milite en faveur desdites dairas modernes et par conséquent, il n’est pas erroné d’affirmer que l’avenir leur appartient. C’est précisément pour cela qu’à travers ces lignes je voudrais attirer l’attention de mes compatriotes sénégalais surtout de mes condisciples mourides - au premier chef les dirigeants des dairas – sur l’extrême nécessité d’avoir une nouvelle notion de la daira, une notion qui soit plus moderne c\'est-à-dire plus modelée sur les réalités et exigences de notre temps. Parmi ces dairas, il y a trois qui méritent plus d’attention vu le travail de qualité qu’elles abattent sur le terrain à Touba. Il s’agit de Hizbout-Tarqiyya, de Matlaboul-fawzaini et de Touba-Toscane.
Comme je l’ai dit plus haut, la daira est une association substantiellement religieuse formée d’hommes et de femmes qui partagent un ensemble commun de principes, d’idées, d’objectifs et chi, dans certains cas, ont le même marabout tout comme on a vu que sa traditionnelle action de routine consiste à réunir les hadiyyas (donations) des adeptes adhérents et les remettre à leur marabout de manière souvent collective et solennelle.
Mais l’émergence dans la confrérie d’un nouveau modèle de daira - que je qualifie de daira de développement - appelle à réfléchir sérieusement à la question des dairas de façon globale pour étudier comment les impliquer davantage et en masse dans la construction de notre ville Touba et de notre pays parce que les dairas «best of» comme Hizbout-Tarqiyya (avec l’IIERM: institut international d’études et de recherches sur le mouridisme financé et édifié par elle), Matlaboul-fawzaini (avec la première structure hospitalière moderne qu’elle a construite à Touba) et Touba-Toscane (qui a projeté et réalisé la toute nouvelle morgue du principal cimetière toubien ainsi que l’électrification du périphérique ouest de la capitale  confrérique des mourides) ont prouvé que la daira - en tant qu’entité organisée et légalisée - peut et doit jouer un rôle de premier plan dans l’amélioration des conditions de vie de la diaspora mouride et sénégalaise établie à l’extérieur et des compatriotes sur place dans le pays et peut en conséquence être un véritable levier du développement de notre localité et porter une pierre précieuse à l’édification de la patrie. Ceci est fondamental d’autant plus que dans le monde actuel caractérisé par des mutations multiples et perpétuelles et dans cette époque contemporaine régie par le soi-disant nouvel ordre international dont la règle d’or est «chacun pour soi», il est plus que jamais évident que l’auto-développement, c\'est-à-dire le fait de savoir compter sur soi même, est la voie d’issue pour un pays du tiers-monde comme le nôtre.
Heureusement, il y a déjà  dans le mouridisme cette prédisposition qu’il faut impérativement exploiter et voilà justement pourquoi il y a un grand besoin pour les dairas - qui sont en réalité une des manifestations de cette prédisposition - de changer en réformant leurs modes de fonctionnement, en redéfinissant des orientations plus en phase avec l’évolution, en adoptant une vocation carrément lucrative et donc en devenant plus avantageuses pas uniquement pour l’idéal religieux mais aussi pour le progrès culturel et socio-économique de la confrérie mouride et de la société sénégalaise en général. Autrement exprimé, il faut que les dairas soient au service non pas des chefs religieux seulement mais aussi de la communauté toute entière.
Certes, il est très bon et louable de donner les hadiyyas récoltées au guide suprême et aux marabouts de subordination respectifs (Pourvu que ces marabouts dépensent les hadiyyas dans l’intérêt général de la confrérie. Autrement, il serait mieux de se passer d’eux pour les investir au service de Touba et de la confrérie.) mais il n’est pas du tout moins recommandable et moins profitable que cet argent mobilisé à travers les dairas, que ces hadiyyas soient investies, totalement ou partiellement, dans des œuvres de charité et/ou dans de différents actions d’intérêt communautaire.
Voici par exemple une proposition qui consiste à créer un nombre de dairas qui pourraient se spécialiser dans les divers et importants secteurs où il y a bien lieu pour les dairas de s’engager et de se diviser éventuellement en catégories de dairas-ong (organisations non gouvernementales), de dairas-organismes, de dairas-entreprises bref, de dairas de développement:
Dairas de prédication : elles s’occupent du strict domaine religieux: les pratiques rituelles, les lieux de culte, les prêches...
Dairas d’investissement : elles vont opérer dans les finances, banques, marchés financiers etc.
Dairas d’éducation; leur domaine d’intervention sera l’enseignement: jardins d’enfants, écoles profanes et religieuses (daara), instituts de recherche, la lutte contre l’analphabétisme etc.
Dairas de culture: elles s’occupent du patrimoine culturel: art, musée, centres culturels…
Dairas d’urbanisme : elles s’engagent dans l’immobilier, l’assainissement, l’aménagement, la voirie etc.
Dairas de «services populaires» c'est-à-dire publics : elles s’occupent  de l’action sociale et des problèmes de la santé, de l’eau, de l’électricité, du gaz…
Dairas de communication : elles cibleront le secteur des mass-médias (radio, TV, presse), des NTIC, des télécommunications, de l’édition etc.
Dairas d’entreprenariat : elles investissent dans les secteurs primaire, secondaire et tertiaire. Autrement dit, dans l’industrie, le commerce, l’alimentation, l’artisanat et ainsi de suite.
Dairas de transport; elles auront comme secteur-cible le transport urbain et interurbain et pourquoi pas, à long terme, celui ferroviaire et aérien en appui à l’action de l’État ?
Dairas d’environnement : elles s’occuperont de l’hygiène, du Set-setal (propreté publique), du ramassage payé des ordures etc.
Dairas de tourisme; elles travailleront à promouvoir le tourisme local voire national: hôtels, gastronomie, espaces touristiques, excursions et visites guidées etc.
Dairas d’agriculture et d’élevage; elles vont s’intéresser à l’univers animal et végétal: culture de la terre dans toutes ses formes, l’élevage, la pêche la chasse…
Dairas de sport et de loisirs; elles mèneront des activités sportives et divertissement licites parce que le sport en soi n’est pas entièrement prohibé en islam à l’inverse d’une opinion très répandue dans les milieux musulmans et particulièrement chez les mourides.
Dairas de mobilisation; elles auront en charge la mobilisation des ressources humaines, de l’organisation des événements etc.
Évidemment, il incombe à l’autorité publique de gérer beaucoup de ces questions mais avec un conseil rural dont les compétences et les prérogatives sont très limitées  dans une agglomération aussi immense et au statut particulier comme Touba, l’implication patriotique des citoyens par ailleurs disciples est vivement exigée. Je dirais même que c’est une obligation religieuse et civique. De toute façon, les dairas pour leur part sont plus que jamais appelées aujourd’hui à devenir des cadres d’action pour le bien-être des populations et pour le développement national et non plus des outils d’enrichissement pour certaines classes maraboutiques préoccupées par leurs intérêts personnels plutôt que par ceux de toute la confrérie et du pays.

Oui, je crois que dorénavant c’est le temps des dairas de développement



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