La moto est un mode de transport très répandu au Sénégal, notamment dans les grandes villes comme Dakar, où les motos-taxis (connues sous le nom de « Jakarta ») sont omniprésentes. Si la moto peut offrir une grande liberté et des avantages indéniables en termes de mobilité, elle fait également face à des préjugés et à une perception de danger liée à la sécurité routière. Ce contexte soulève des questions sur la sécurité routière au Sénégal, l'image des conducteurs de moto et la nécessité d'une meilleure régulation pour protéger à la fois les usagers de la route et les conducteurs.
La Moto : entre passion et nécessité
Au Sénégal, comme dans de nombreux pays en développement, la moto est perçue par certains comme un moyen rapide et peu coûteux de se déplacer, notamment dans les zones urbaines où les embouteillages sont fréquents. Pour des passionnés comme Alioune Dramé, cet ingénieur en Génie civil, directeur de société et Président des Patriotes Riders, la moto est bien plus qu’un simple véhicule utilitaire. Depuis 2021, il utilise sa moto, une BMW GS 1250 Adventure (alors même qu’il dispose de véhicules propres), non seulement pour ses déplacements professionnels, mais aussi comme un outil au service de sa passion.
Alioune Dramé souligne qu'il est essentiel de distinguer les motards des conducteurs de moto. Les motards sont des passionnés, tandis que les conducteurs de moto se répartissent entre ceux qui possèdent une moto par nécessité, faute d'autres moyens de transport, et ceux qui l'utilisent comme source de revenus, tels que les conducteurs de Jakarta, également appelés « Jakartamen ».
Les motards et le souci de la sécurité : exemple des Patriotes Riders
Les Patriotes Riders, dont Alioune Dramé est le représentant, constituent un mouvement d’individus passionnés de moto au Sénégal qui s'engagent pour la sécurité routière et la défense des droits des motards. Ils ont participé à la coalition DiomayePrésident lors des dernières élections présidentielles.
Par ailleurs, ils ont activement participé aux États Généraux des transports publics et ont proposé des mesures pour améliorer la sécurité, comme la formation des conducteurs de mototaxis, l'agrément des motos, la lutte contre la corruption dans les contrôles techniques et l'obtention des permis de conduire, notamment par la digitalisation des processus administratifs et le port obligatoire du casque.
Ils ont aussi lancé plusieurs campagnes de sensibilisation lors de grands événements comme le Magal, le Gamou et le pèlerinage de Popenguine.
Alioune Dramé milite pour des mesures concrètes afin de renforcer la sécurité sur la route, telles que l’obligation pour tous les conducteurs de porter un casque, d’avoir une carte grise et une assurance, et de respecter scrupuleusement le code de la route. Après tout, c’est grâce à son équipement complet - casque homologué, veste de moto, pantalon en jean et bottes de moto - qu’il a survécu à un accident il y a deux ans.
Les Patriotes Riders ont également contribué à la rédaction d’un manuel de sécurité qui encourage une conduite responsable et souligne l'importance des équipements de protection individuelle (EPI).
Les Jakarta : une image négative et un manque d’encadrement
Les motos Jakarta, qui circulent dans les rues de Dakar et d'autres villes sénégalaises, sont souvent perçues comme un fléau pour la sécurité routière. Utilisées principalement pour transporter des passagers, elles sont fréquemment conduites par des individus qui ne respectent pas toujours les règles de circulation. Ce phénomène est aggravé par le manque de formation des conducteurs, l'absence de réglementation stricte et l'utilisation parfois abusive des motos, ce qui plonge la circulation dans une situation anarchique.
Face à cette réalité, le nouveau gouvernement a récemment imposé une obligation d'immatriculation pour les motos, avec un délai fixé au 13 mars 2025 pour que les usagers régularisent leur situation. Cette mesure vise à lutter contre les délits et les accidents souvent associés aux motos non immatriculées.
Cette décision a suscité des réactions négatives parmi les « Jakartamen », qui estiment que ces mesures nuisent à leur capacité à gagner leur vie. Des conducteurs de Jakarta à Ziguinchor ont manifesté le 7 janvier 2025 en guise d’opposition. Le lendemain, des manifestants, soutenus par des leaders syndicaux, ont exprimé leur mécontentement en bloquant des routes et en brûlant des pneus, demandant à l'État de reconsidérer ces mesures qu'ils perçoivent comme une menace pour leur emploi et leur autonomie économique. Le même scénario s’est passé à Kaolack.
Selon Alioune Dramé, il est primordial de mettre en place des contrôles, de rendre obligatoire l’immatriculation des motos et d'assurer que les conducteurs respectent le code de la route. Il plaide pour une législation plus forte pour encadrer cette pratique, afin de garantir la sécurité des conducteurs et des passagers.
Blaze (non membre des Patriotes Riders), de son coté, motard depuis deux ans, propriétaire d’un T-max, trouve le comportement des conducteurs de Jakarta inconcevable. Il encourage tout conducteur à être en règle pour le bien de tous sur la route.En définitive, la moto, qu’elle soit utilisée à des fins professionnelles ou comme passion, occupe une place importante dans la vie des Sénégalais. Si elle est souvent perçue à travers le prisme du danger et des préjugés, de nombreux motards œuvrent pour démontrer qu’il est possible de conjuguer passion, sécurité et respect des règles.
Les Sénégalais aspirent à un changement significatif, mais leur volonté de transformation se heurte à des pratiques profondément ancrées. Bien que beaucoup expriment le désir d'abandonner les anciennes méthodes, la question demeure : sont-ils réellement prêts à renoncer aux comportements qui ont longtemps prévalu dans la société et la politique sénégalaise ?
Il est important que les conducteurs de Jakarta se rendent compte que les mesures prises par le nouveau gouvernement ne sont pas contre eux mais pour la population dont ils font partie.
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