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[ Contribution ] NICOLAS SARKOZY, ABDOULAYE WADE ET LE DIABLE : QU’ONT-ILS EN COMMUN ?

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[ Contribution ] NICOLAS SARKOZY, ABDOULAYE WADE ET LE DIABLE : QU’ONT-ILS EN COMMUN ?

« Il y a des politiciens qui, si leurs électeurs étaient cannibales, leur promettraient des missionnaires pour le dîner. » (Henri Louis Mencken)  

Décidément, la France et le Sénégal semblent avoir un destin croisé. Le « pacte de sang » ficelé depuis l’esclavage, en passant par la colonisation sans mentionner la « France à fric », laisse aux relations franco-sénégalaises de beaux jours devant elles. L’engouement suscité par l’élection de Nicolas Sarkozy au soir du 6 mai 2007 peut être mis dans le même contexte que l’avènement de l’alternance au Sénégal, le 19 mars 2000. Que de promesses, que de déceptions ! L’illusion est à son comble. Quel président inspire l’autre ? Les pratiques se ressemblent à tel point qu’on serait tenté de croire que Nicolas Sarkozy et Abdoulaye Wade consulteraient les mêmes conseillers avant d’agir. Mis à part leur obsession pour le petit écran, ces faux-messies semblent ne pas avoir d’opposition crédible devant eux, et capable de mettre fin à leurs dérives autocratiques. Même si ces présidents ont tous été élus à plus de cinquante pour cent des suffrages, leurs pratiques machiavéliques ont fait de nous, des « athées et renégats » de la politique. Si François Fillon a du mal à exister dans l’univers du Sarko Show, le mutisme, voire l’ « inexistence » du premier ministre sénégalais Cheikh Adjibou Soumaré a fini par faire déchanter plus d’un. Ce dernier, loin de tirer les ficèles, semble perdu dans les méandres et dédales du navire libéral dont Abdoulaye Wade lui a confié les commandes.

Leurs points communs

En France, on parle de Sarkomania, de Sarkoze obsessionnelle, ou d’univers du Sarkoland. L’ « omni-président » se bat sur tous les fronts, jusqu’en Géorgie… Nicolas Sarkozy veut tout contrôler, quitte à empiéter sur certains acquis et libertés. Même pour une grève de syndicats d’ouvriers, le « Zorro » du pouvoir d’achat se montre hyperactif, toujours prêt à intervenir, excepté en Guadeloupe où il préfère déléguer son émissaire « Don Diego De la Guadeloupe ». Devant la recrudescence de la violence suivie de la mort d’un manifestant, l’absence notoire de l’ « omni-président » fait encore débat. Idem pour le président sénégalais qui préfère se pavaner dans les rues de Paris, à la veille de Noël, à l’heure où la ville de Kédougou était réduite « à feu et à sang », par des jeunes manifestants qui réclamaient des lendemains meilleurs. La mort du jeune Sina Sidibé, tué par balle par les forces de « désordre » ne fera pas écourter le séjour du président dans les hôtels luxurieux de la capitale française.

Volonté de contrôler la presse

Non seulement il ne leur suffit pas de passer à la télé tous les jours, nos deux super-présidents veulent exercer une mainmise totale sur le petit écran. La réforme de l’audiovisuel annoncée par le président français lors d’une conférence de presse le 8 janvier 2008, à la surprise générale, pourrait remettre en cause l’indépendance du service public. Désormais, c’est Nicolas Sarkozy qui nomme le président de France Télévisions, suite à sa décision de priver le service public de publicité après vingt heures. Et pourtant, cet « enfant de la télé » voudrait faire croire aux Français et au personnel de France Télévisions que la suppression de la pub rentre dans le cadre de l’amélioration des programmes du service public. Seulement avec moins de revenus, et devant l’incertitude sur le financement annoncé par l’ « hyper-président », France Télévisions survivra-t-elle aux « réformes » Fillon ? France 3 est-elle à l’abri d’une privatisation ?

Que dire du président Wade qui refuse de débloquer l’aide à la presse, sous prétexte qu’une bonne partie de la presse privée lui est hostile ? Si le président a rangé des les tiroirs, sa volonté plus qu’arbitraire d’interdire la parution du Soleil au lendemain de l’alternance, c’est dû à des calculs politiciens dans la mesure où ce média d’Etat qui l’avait toujours diabolisé, pourrait bien devenir un outil à sa disposition, une arme à retourner contre ses détracteurs, et c’est le cas aujourd’hui.

Wade-Sarko : Les liquidateurs

Les bras de fer répétés avec la presse privée dénotent à quel point le président sénégalais compte exercer une mainmise sur les médias. Un de ses ministres mis en cause dans le saccage des rédactions de deux quotidiens de la place (l’As et 24h Chrono), affirmait sur un plateau télé, que l’Etat du Sénégal comptait priver de publicité, tout organe de presse réputé hostile au président Wade et ses alliés. Si TF1 et Le Figaro ont de la sympathie pour Sarko, les médias d’Etat comme la RTS et Le Soleil sont devenus une tribune ouverte pour le président Wade et le Parti Démocratique Sénégalais (au pouvoir). Leur propagande zélée au profit du pouvoir serait à la hauteur de l’acharnement sur le régime actuel, de la part d’une bonne partie de la presse privée que le président Wade qualifie d’incompétents et considère comme des opposants sans parti politique. En tout état de cause, l’emprisonnement d’El Malick Seck, directeur de publication de 24h Chrono, l’agression du journaliste Souleymane Jules Diop à Chicago en juillet 2008 et le passage à tabac de ses confrères Kambel Dieng et Kara Thioune par des policiers, sans mentionner le défilé incessant des journalistes et simples citoyens à la Direction des Investigations Criminelles, laissent présager des lendemains incertains pour les métiers de l’information et de la communication. Qu’en est-il de la situation en France, avec l’interpellation brutale en novembre dernier, de l’ex PDG et ancien directeur de publication de Libération par des policiers pour une affaire de diffamation ? Vittorio de Filipis affirme : « j’ai été réveillé vers 6h40 ce matin par des coups frappés sur la porte d’entrée de ma maison … [puis au commissariat et plus tard dans les sous-sols du TGI] on me demande de vider mes poches, puis de me déshabiller… Je me retrouve en slip devant eux, ils refouillent mes vêtements, puis me demandent de baisser mon slip, de me tourner et de tousser trois fois.» Ces témoignages bouleversants publiés dans Libération révèlent un malaise profond de la presse dans le pays des droits de l’homme. Rama Yade doit être convaincue que les atteintes aux droites de l’homme ne sont plus l’apanage de la Chine ou de la Russie… Wade et Sarko seraient-ils des jumeaux de la politique, comme le pense l’éditorialiste Mamadou Ibra Kane ?

Présidents et partie civile

Si Nicolas Sarkozy a voulu porter plainte contre Le Nouvel Observateur en février 2008 à propos d’un texto que le président français aurait envoyé à son ex épouse « si tu reviens, j’annule tout », Abdoulaye Wade n’a pas caché son intention de vouloir traîner en justice les éditions l’Harmattan basées à Paris. Le président sénégalais s’était senti diffamé suite aux publications des livres du journaliste et écrivain Abdou Latif Coulibaly en 2005 « Affaire Maître Sèye : un meurtre sur commande » et « Une démocratie prise en otage par ses élites » en 2006. La diffamation est elle devenue un fourre-tout, une épée de Damoclès suspendue au dessus de la tête des professionnels de la communication ?

Syndrome de la « montgolfière »

Il faut voyager, beaucoup voyager, toujours voyager, encore voyager.

Au lendemain de l’alternance, le président Wade était présent sur tous les fronts, très proche des populations alors que maintenant, les Sénégalais ne le voient qu’à la télé, au moment où son avion atterrit, ou juste après avoir décollé, étant donné que le président passe presque tout son temps dans les airs. Cette passion pour la « montgolfière », il la partage avec Sarkozy. Lui aussi, semble beaucoup adorer les airs, avec ses voyages multiples à l‘étranger, armé de son bâton de pèlerin pour « apaiser » les foyers de tension. Si Sarko a eu sa Géorgie, Wade n’a pas eu besoin d’autorisation pour se rendre au Darfour. Si l’un et l’autre ont réussi plus ou moins à faire valoir leur point de vue pour régler des conflits, le proche Orient semble tout leur refuser. Tout porte à croire que cette « zone interdite » reste hostile à toute médiation. De toute évidence, une résolution de ce vieux conflit contredirait Malraux selon qui, « le 21ème siècle sera religieux ou ne sera pas. » Quelque soit la durée de leurs séjours dans les airs, osons espérer que Wade et Sarko n’épuiseront pas les réserves de kérosène du monde avant 2012.

Réduire l’opposition au silence 

Devant la faiblesse de l’opposition censée jouer le rôle de contre pouvoir, les deux présidents créent une ou des oppositions au sein de leur propre formation politique. En France, le débat a lieu au sein de la majorité même. La cacophonie gouvernementale ou les rivalités entre ministres d’ouverture et ministres de droite ont le mérite de mettre à nue les limites du gouvernement d’ouverture sur lequel comptait Nicolas Sarkozy pour mieux refléter la diversité. La sortie de Nadine Morano (secrétaire d’Etat à la famille) contre Rama Yade puis contre la Garde des Sceaux Rachida Dati, sans mentionner les tensions sous-jacentes entre Christine Boutin et Fadela Amara sur le « plan banlieue », inquiètent au plus haut niveau. «  La diversité n’est pas un bouclier, …on doit faire comme les autres, ou plus que les autres », martelait Nadine Morano, suite au refus de la secrétaire au droits de l’homme de diriger la bannière UMP à Paris aux élections européennes, comme le souhaitait le président Sarkozy.

Quant au président Wade, il a réussi à déstabiliser l’opposition « traditionnelle » qui semble perdre du terrain devant l’émergence de ses anciens collaborateurs et désormais opposants à Wade. En 2007 par exemple, les électeurs sénégalais ont eu le choix entre Wade et Idy, donc une stratégie très efficace des libéraux pour conserver le pouvoir. Le même scénario risque de se reproduire en 2012, avec les candidatures du même Idrissa Seck (même s’il est retourné au PDS), de Macky Sall (désormais opposant), d’Abdoulaye et Karim Wade, un « quartet » de libéraux prêt à tout pour conserver le pouvoir. A quand l’organisation de primaires aux Sénégal, afin de procéder à une présélection et trier le meilleur candidat au Ps comme au PDS ?

Le culte de la personne et la volonté de mettre leur fils en avant :

Abdoulaye Wade est considéré comme la seule constante du Parti Démocratique Sénégalais. L’assimilation du parti au président Wade exclut la création de tout courant ou tendance au sein même du PDS. L’autoritarisme de Doudou Wade et les exclusions arbitraires des députés Moustapha Cissé Lo et Mbaye Ndiaye dénotent de l’absence de démocratie interne dans le fonctionnement de cette formation politique manifestement très réfractaire à l’autocritique. Seul Karim Wade, fils du président, a le droit de mener sa propre formation qui se veut apolitique, et qui pourtant présente des candidats aux élections locales de mars prochain, tout en dévoilant progressivement ses ambitions pour 2012. Ce mouvement politique qui ne dit pas son nom est en train de phagocyter le parti au pouvoir, avec la complicité du père président. Nicolas Sarkozy copierait-il sur Abdoulaye Wade ? Tout porte à le croire avec les rumeurs il y a quelques semaines, sur la proposition faite à Jean Sarkozy de participer à la direction collégiale de l’UMP, malgré les démentis fournis par le principal « mise en cause ».

Si jean Sarkozy est descendu dans l’arène avant de devenir président du Conseil Général des Hauts de Seine, Karim Wade, lui, retarde encore l’échéance. Sa candidature à la mairie du Point E fait sourire ses adversaires, étant donné que le fils du président sénégalais tarde à s’exprimer officiellement sur ses intentions de prendre les commandes de la mairie de Dakar. La barrière linguistique serait-elle un frein aux ambitions politiques de Karim Wade ? Tout porte à le croire car jusqu’ici, Wade Junior ne s’exprime pas en public et ne s’adresse aux Sénégalais que par personnes interposées. En tout état de cause, Karim Wade devra couper le « cordon ombilical » et descendre sur le terrain, à l’image de son père, pour faire face aux électeurs, comme Jean Sarkozy. Être fils de président n’a jamais été un mérite. Mis à part la différence d’âge, les similitudes entre les deux présidents ne les empêchent pas de partager des points communs avec le diable.

Les avocats et le diable

« Je serai le président du pouvoir d’achat » : ces promesses du président français ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd. Il y a quelques mois, François Fillon annonçait qu’il était à la tête d’un Etat en faillite, malgré la polémique sur le bouclier fiscal. A son tour, Nicolas Sarkozy se refusait à « vider des caisses qui sont déjà vides », alors que curieusement, il parvient à trouver une garantie à hauteur de 360 milliards d’euros pour sauver les banques françaises. De toute évidence, l’humoriste Anne Roumannoff semble ne pas se tromper à propos du pouvoir d’achat, lorsqu’elle déclarait que « Sarkozy aura du mal à relancer la croissance en France, étant donné qu’il a déjà du mal à relancer la sienne. » Quant à son homologue sénégalais, même le recours à une « perfusion élyséenne » n’a pas permis de payer en totalité la dette intérieure du Sénégal. Toutefois, Abdoulaye Wade qui a hérité d’une République, a le mérite d’avoir transformé la première démocratie ouest africaine en une copie pâle et imparfaite de la monarchie, où les fils lorgnent le fauteuil de leur père. Avec la candidature de son fils Karim aux élections locales, le Sénégal tombe bien bas, à l’image du Togo, et s’achemine inévitablement vers une dévolution monarchique du pouvoir. L’accès des jumeaux « Nicolas Wade » et « Abdoulaye Sarkozy » à la magistrature suprême a permis de mettre à nue, les tares de la démocratie, ce couteau à double tranchant dont se servent les monarques d’aujourd’hui pour aliéner leur peuple et mieux asseoir leurs délires et dérives autocratiques, au nom d’une majorité parlementaire. Et comme disent les Allemands, « celui qui, une seule fois, invite le diable chez lui, ne s’en débarrasse jamais. » La République survivra-t-elle aux dérives autocrates de ces deux jumeaux de la politique ? Time will tell.

Momar Mbaye

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