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OUSSAMA BEN LADEN : De la terreur et des principes

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OUSSAMA BEN LADEN : De la terreur et des principes

Il y a une fin à  tout ! Dix ans et huit mois plus tard, Oussama Ben Laden serait donc tombé, sans défense, mais sans preuves palpables, dans une luxueuse résidence en territoire pakistanais. Luxueuse résidence ? C’est, en toute innocence, la précision supplémentaire que l’appareil de communication militaire des Etats-Unis a cru bon de rajouter aux détails scabreux d’une expédition vengeresse que l’Amérique attendait depuis les événements du 11 septembre 2001. L’homme est venu au monde une cuillère d’or à la bouche et, d’après sa famille et ses proches, il serait mort depuis décembre 2001 ! Du point de vue américain, Ben Laden aurait donc quitté ce monde sur un antagonisme révélateur de la fragilité humaine : vécu austère et déchéance mortelle. Dans le monde entier, experts et journalistes estiment qu’une page du terrorisme international vient de se refermer, que les djihadistes colériques de tout acabit ne peuvent plus opérer comme avant, que la démocratie est bel et bien l’univers indépassable des sociétés ouvertes d’aujourd’hui. Mais retenons au passage cet élément pertinent : pour la première fois dans l’histoire contemporaine, un Etat, fût-il le plus puissant sur terre, fait accepter à l’écrasante majorité des médias de la planète et de l’opinion publique mondiale, la mort d’un « terroriste » sans présenter la moindre petite preuve, dans une opacité absolument ahurissante. « Ben Laden est mort, parlez-en, écrivez-le ! » Une quasi sommation bien prise en charge par une industrie médiatique intolérante pour ceux et celles qui, sans aucune espèce d’inimitié à l’égard de l’Amérique, osent poser les bonnes questions qui incitent au doute méthodique. Oui, il y a de grosses zones d’ombre autour de cette exécution extrajudiciaire du chef spirituel de « La Base » (Ndlr : Al Qaeda). Oui, ces doutes sont légitimes, moralement compréhensibles, éthiquement nécessaires. Ben Laden est mort ? Que l’Amérique en donne la preuve ! Aujourd’hui, après le refus du président Barack Obama de diffuser les photos du fugitif saoudien « défunt », la tendance à l’opacité déjà relevée aux premières heures de l’affaire se confirme : la priorité de la Maison Blanche et de la Cia est de fabriquer autour de cette intrigue une chronique officielle homologuée qui puisse tenir la route quelques semaines ou quelques mois ou à jamais, le temps que l’attention du monde soit redirigée ailleurs. Sous toutes les coutures, les scénarios changeants et contradictoires qui ont été présentés par les responsables américains avaient déjà le parfum d’une manipulation planétaire dont les opposants sont, de façon systématique, traités de « conspirationistes ». L’hommage du vice à la vertu, c’est  toujours bon à prendre ! 

UNE PRESSE OCCIDENTALE MUSELEE

Critique et clairvoyante lorsqu’elle le veut, la presse occidentale a joué une véritable fonction de relais amplificateur de la stratégie de désinformation américaine auprès des médias du reste du monde. Elle ne s’est posé aucune (bonne) question, des plus élémentaires aux plus complexes, sur le processus de liquidation physique et morale d’Oussama Ben Laden. Autant par chauvinisme, par idéologie que par paresse intellectuelle, elle a rembarré tout ce qui était susceptible de représenter une menace pour la crédibilité de la version officielle sur les « faits ». Pliés, les faits ! Circulez, y a rien à vérifier ! Quarante-huit heures auparavant, la France, les Etats-Unis et la Grande Bretagne larguaient des missiles de l’OTAN qui tuaient le fils du dictateur Mouammar Kadhafi, sa femme et ses enfants. C’est à peine si les journalistes bien-pensants de Paris, Washington, Londres et même d’Afrique ont accordé de l’importance à ce fait tragique. C’est qui le fils de Kadhafi ? C’est qui la belle-fille de Kadhafi ? Ils sont qui, ces trois enfants innocents dont le seul crime est d’être des petits-fils de Kadhafi ? Pour faire diversion, c’est un tir groupé en direction du Pakistan qui est organisé, l’idée étant d’incriminer cet allié nucléaire des Etats-Unis coupable de n’avoir pas favorisé plus tôt la capture de Ben Laden.  

EXECUTION EXTRA-JUDICIAIRE

 

Pour en revenir à  l’exécution politique annoncée de Ben Laden, il y a nécessité de distinguer les deux pôles d’une action militante : le terrorisme d’un côté, les principes directeurs par ailleurs. De manière claire et nette, le recours à la violence dont se prévalait Oussama Ben Laden et les réseaux qui se réclament de lui est fondamentalement indéfendable. En aucune manière, il n’est acceptable de légitimer, d’une manière ou d’une autre, l’assassinat d’hommes et de femmes avec des prétextes qui seraient tirés de convictions religieuses, à l’aide de voitures piégées, de bombes humaines, de fusillades...si tant est que de telles actions violentes sont toujours l’œuvre de « terroristes islamistes ». En aucune manière, il n’est tolérable que des changements de sociétés à l’intérieur du monde musulman (ou ailleurs) soient justifiables par un besoin quelconque de rétablir le « dar al islam » aux moyens de méthodes meurtrières. La pluralité des sociétés musulmanes d’aujourd’hui, les diversités sociales, culturelles et religieuses qui les caractérisent, ainsi que les interactions mondialisées en vigueur, appellent, au contraire, à la mise en œuvre de tensions dynamiques positives porteuses d’émancipations communautaires aptes à favoriser un vécu global harmonieux qui ne lèse personne. C’est en cela que la stratégie violente et sectaire des réseaux Al Qaeda a le plus souvent été un tissu de vraies fausses solutions à des questions concrètement vitales. C’est pourquoi l’organisation n’a pas bénéficié de soutiens décisifs dans les pays musulmans.

 

En revanche, il faudrait être myope, sourd et muet pour ne pas constater que ce besoin irrépressible de justice, de liberté et d’épanouissement social est souvent annihilé, dans le contexte des pays musulmans, par le soutien inconditionnel des Européens et des Américains à des régimes politiques corrompus, impopulaires, criminels… En Egypte et en Tunisie, les desseins funestes de Hosni Moubarak et de Zine El Abidine Ben Ali ont invariablement servi les intérêts économiques, militaires, diplomatiques de l’Occident. Il a fallu que ces deux icônes de la répression globale soient balayés par des aspirations démocratiques inarrêtables pour que Washington, Londres et Paris daignent ouvrir les yeux et se positionner opportunément sur la nouvelle ligne de masse. Le drame sans fin des Palestiniens rendu possible par le soutien aveugle de l’Europe et des Etats-Unis à l’Etat juif, le sort tragique infligé aux Irakiens après les mensonges fédéraux immondes de Georges W. Bush, les lois exceptionnelles appliquées aux bagnards incrédules de Guantanamo dont la plupart ne savent pas, onze ans après, ce qui leur est arrivé, le fonctionnement sous tutelle des régimes en place en Arabie saoudite et au Koweït par exemple, ont constitué des éléments du fonds de commerce de Ben Laden et de ses ouailles. Qui ne reconnaîtrait pas l’impertinence naturelle de telles réalités dans un monde où l’apologie des droits humains et l’universalisme de la démocratie pluraliste s’imposent comme les deux mamelles d’une coexistence apaisée ? Cité dans le livre « Holy War Inc., Inside the secret world of Osama Bin Laden » écrit par Peter Bergen en 1997 et consacré à Ben Laden, ce dernier dit exactement ceci : « l’effondrement de l’Union soviétique a rendu les Etats-Unis plus hautains, et ils ont commencé à se considérer comme les maîtres de ce monde en établissant ce qu’ils appellent un nouvel ordre mondial (…) Aujourd’hui, les Etats-Unis ont un double langage, appelant terroriste quiconque va à l’encontre de leur injustice. Ils veulent occuper nos pays, voler nos ressources, imposer leurs agents pour nous diriger (…) et ils veulent que nous soyons d’accord.»  

EXCES DE PUISSANCE

La brutalité  criminelle de Georges W. Bush n’est plus de mise, remplacée par les ruses tactiques de Barack Obama, mais les résultats concordent au finish : les Etats-Unis sont demeurés intelligemment violents. Le président américain, prix Nobel de la Paix, a bien été capable d’adresser au monde musulman un discours sage et lucide à l’Université du Caire, ses bonnes intentions se heurtent à l’agenda des superstructures non officielles que Peter D. Scott appelle « l’Etat profond » américain. Dans son discours solennel du 1er mai annonçant la mort d’Oussama Ben Laden, Obama a tranché : « Justice est faite ». C’est une décision politique de grande envergure que le chef de la Maison Blanche prend ainsi. Celle qui enterre définitivement toutes velléités de chercher à l’intérieur de cet Etat profond surpuissant et impuni les responsabilités individuelles et collectives ayant rendu possibles les événements du 11 septembre 2001. Oussama Ben Laden déclaré mort, les Etats-Unis d’Amérique peuvent maintenant se tourner vers une autre étape, celle de l’accélération du « Nouveau siècle américain » basé sur une « stratégie de primauté » formalisée par Paul Wolfowitz et Lewis Libby. Autant dire un monde à l’envers où les émules de Ben Laden savent déjà à quoi s’en tenir : la potence sans jugement. Bob Woodward a raison : le sympathique Barack Hussein Obama est finalement devenu un chef de guerre comme l’aiment l’Amérique et ses lobbies. Mais attention à l’excès de puissance ! 

 

Par Momar DIENG (Journaliste) 



3 Commentaires

  1. Auteur

    Lom

    En Mai, 2011 (09:27 AM)
    Bel analyse mon cher!



    Vas apprendre est à El Malick à écrire 10 lignes au moins!
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  2. Auteur

    P'tite Rectif

    En Mai, 2011 (09:33 AM)
    c plutôt 9 ans et 8 mois
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    Auteur

    Undefined

    En Mai, 2011 (11:28 AM)
    Merci, tres bel article
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