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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
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PLEIN SUD - Malentendus

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PLEIN SUD - Malentendus

Rien ne destinait ce businessman reconverti en ministre de l’Environnement et de la Protection de la Nature à convier la presse sénégalaise et les autorités de notre pays à disserter sur les relations entre les deux institutions. Rien si ce n’est que le ministre en question vient d’ouvrir un nouvel espace de débat à travers sa fondation Démocratie et Liberté. Cet univers dédié à la démocratie et à la liberté n’est pas superflu: les derniers endroits où l’on cause utilement se font rares. Finalement, les citoyens n’ont plus que les émissions interactives et les pages opinions de la presse pour épancher les inévitables frustrations d’une vie quotidienne désenchantée. Mais cela vaut toujours mieux que le recours à la violence qui est l’ultime avatar d’une société de plus en plus dure et égoïste. Cela vaut toujours mieux que le recours à la facilité dans le monde politique qui consiste à s’invectiver et à s’injurier par le biais de petites phrases assassines. Ce genre de comportement est sans commune mesure avec l’investissement dans le règlement des problèmes des populations et les résultats positifs que l’on attend généralement de nos élites et de nos dirigeants. L’exercice qui a eu lieu vendredi soir autour du thème « Presse: pouvoir ou contre-pouvoir », avec Eugénie Rokhaya Aw, directrice du CESTI et Mame Less Camara, correspondant de BBC, deux éminents membres de la profession des journalistes, pourrait contribuer à lever certains malentendus. Il est dommage que le ministre des Affaires étrangères, qui est également journaliste, n’ait pas pu honorer son devoir de conférencier. Il était en effet à une position stratégique, de par sa fonction gouvernementale et sa profession de journaliste et enseignant de journalisme, pour contribuer grandement à éclairer l’opinion et les participants du dîner- débat sur les relations entre la presse et les pouvoirs. Etant entendu que le pouvoir se décline infiniment sur plusieurs secteurs, pas seulement celui, plus évident sans doute, du pouvoir politique. Les pouvoirs économique et religieux sont eux aussi l’objet d’enjeux très importants. Mais il est vrai que l’on exerce la profession de journaliste beaucoup plus librement que lorsque que l’on est tenu au droit de réserve et adepte de la langue de bois inhérent à la charge de membre de gouvernement. Dommage docteur Gadio!

En revanche, le philosophe Mame Moussé Diagne a honoré lui le rendez-vous avec la belle langue et les concepts pertinents du merveilleux professeur qu’il est. Il a replongé l’assistance et ses nombreux anciens élèves dans l’atmosphère enchantée des amphis suspendus à l’éloquence aristotélicienne d’un brillant enseignant. Une belle fête de l’esprit à l’initiative du ministre Thierno Lô. Mais ne nous égarons pas! Les politiques sont venus nombreux, la plupart pour régler des comptes personnels avec ces impertinents de journalistes qui ne manquent jamais de toupet ni d’audace à l’endroit de leurs excellences. Tel ministre s’est plaint que la presse voit les événements et les informations avec ses propres yeux et non pas ceux de son département. La collecte, le traitement de l’information et le commentaire qui en a été tiré ne conviennent guère à sa propre interprétation des faits survenus. Il s’agit en l’occurrence de la présence à la mairie de Thiès des inspecteurs de l’IGE (Inspection Générale d’Etat). Le ministre pense que les faits ont été exagérés et déformés. Sans doute que s’il s’agissait d’une municipalité où le maire ne serait pas l’ancien Premier ministre et fils spirituel de Me Wade, notre président bien aimé, cela n’aurait pas fait les choux gras de la presse ni attiré l’attention de l’opinion. Effectivement, l’IGE effectue un programme annuel de vérification des dépenses publiques, mais dans le cas de la mairie dirigée par Idrissa Seck, cela ne saurait être banal pour personne. C’est que nous nous tuons à rappeler à tous sous le principe du train qui n’arrive pas à l’heure ou du maître qui mord le chien. Il n’est pas donné à un homme politique, à un élu, un ministre ou même à un président de la république de changer cela. Telle autre éminente personnalité, socialiste sous Diouf, libérale sous Wade, nous a reproché ce penchant naturel à titrer sur ces fameux trains en retard. Oui, mais on ne se refait pas. Telle ministre, refoulée récemment d’un conseil interministériel pour cause de retard a fait part de son étonnement que la presse ait annoncé qu’il n’y avait pas foule à la manifestation organisée par son département il n’y a pas très longtemps. Alors que la salle aurait été pleine à craquer, selon elle et que la presse aurait fait preuve de mauvaise foi. Le cachet de la poste faisant seul foi, personne ne peut attester de la sincérité de l’une et l’autre partie. Mais la directrice du CESTI et tous les professionnels de bonne foi peuvent en revanche attester que l’on peut faire ce que l’on veut d’une caméra et d’une image: maquiller, faire un gros plan serré, cacher les misères d’un ratage et faire d’un meeting sans grand monde comme celui organisé récemment à Saint-Louis par le ministre Secrétaire général du gouvernement un semblant d’événement par la magie de la télévision. En revanche, une manifestation esseulée ne pourrait échapper à la vigilance d’un reporter de la presse écrite.

Puis Madame le ministre a fustigé les dérives de la presse. Ces dérives ont pour nom absence d’éthique et de formation. C’est vrai hélas, reconnaissons-le et combattons-les. C’est ce que s’efforce de faire le Syndicat des Professionnels de la Communication Sociale (SYPICS), version Diatou Cissé Badiane. C’est ce que Eugénie Rokhaya Aw s’attache à faire avec les étudiants du CESTI et qu’elle appelle l’inlassable quête du savoir pour les apprenants et les professionnels aguerris des médias. Mais hélas qui se penchera sur l’éducation, la formation et la mise à niveau de certain demeuré de la presse de caniveau dont les colonnes ne servent qu’à arbitrer des querelles de responsables du parti au pouvoir et à diffuser de la haine contre les opposants au pouvoir de Me Wade, notre président bien aimé? Qui apprendra à cette presse haineuse et parfaitement inefficace que l’exemple de la radio Mille Collines n’est pas celui à suivre? Qui lui inculquera le respect de la différence dans l’adversité? Voilà des dérives que les éminents membres de notre gouvernement ne voient pas à leur porte. Sans faire du fétichisme du mythe du grand journaliste qui n’existe que dans les romans de gare et dans l’esprit du lecteur dont vous partagez les points de vue, il est indéniable que la problématique de la formation reste encore un défi dans l’exercice normal de la profession. Tout comme la directrice du CESTI et Mademba Ndiaye de la Banque Mondiale, les journalistes refusent d’être enfermés dans des catégories inventées spécialement pour le populations des pays sous développés. Nous ne sommes donc ni des journalistes de développement des journalistes africains, mais des journalistes tout court. D’ailleurs, nous ne sommes pas de femmes journalistes, mais journalistes tout simplement. Marre des catégorisations suspectes et dévalorisantes!

Ce débat de la fondation Démocratie et Liberté aura été profitable à plus d’un titre. Les politiques ont eu l’opportunité de déverser toute leur bile sur les journalistes. Tandis que ces derniers savent à quoi s’en tenir à propos de leurs partenaires obligés. Les contradictions entre les politiques et les journaliste sénégalais démontrent un vaste malentendu entre les deux partenaires. D’une part, cela montre une attitude irrationnelle des dirigeants et des gouvernants face à l’information. L’information n’est bonne à diffuser que lorsque qu’elle a été formatée, aseptisée, policée et décharnée comme une communication de gourou de la publicité. Lorsque qu’elle est tue et cachée comme cela arrive souvent. Lorsqu’elle n’est pas accessible au plus grand nombre. Lorsque sa diffusion auprès des populations ne provoque aucun remous. Lorsqu’elle caresse le pouvoir dans le sens du poil. Bref lorsque le train arrive à l’heure. D’autre part, les journalistes qui entretenaient des relations de connivence politique et de grande proximité avec les anciens opposants d’avant l’alternance découvrent que les intérêts de classe sont plus forts que l’amitié. Ces anciens opposants étaient plutôt amis avec l’influence et le pouvoir de pousser à la décision de leurs ex-grands amis les journalistes, qui au fond ne se reconnaissent comme unique raison de vivre que l’information. Aujourd’hui les politiques leur reprochent une certaine concurrence déloyale. Eux se sont soumis au suffrage universel, mais qui a fait roi les journalistes ? Qui leur a donné mandat de parler au nom des populations et des opinions désabusées par le cirque politique? Au nom de quelle légitimité ? Sans doute la légitimité donnée par l’opinion qui fait plus confiance à la presse qu’aux institutions, à l’institution politique encore moins.




1 Commentaires

  1. Auteur

    Allons Y Molo

    En Octobre, 2010 (18:37 PM)
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