
Avec l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, l'Amérique est entrée dans une nouvelle phase critique en matière de politique étrangère. La rupture de la logique de puissance globale, qu'incarnait les États-Unis, s'est considérablement affaiblie avec la promulgation d'un unilatéralisme "hard". Les accords multilatéraux auxquels son pays a souscrit sont déchirés un à un par le Président néophyte, obsédé d'en découdre avec l'héritage Obama qui croit que tout est "renégociable".
L'accord sur le nucléaire iranien
Le 8 mai dernier, en sortant du JCPOA (Joint comprehensive Plan of Action) ou Accord sur le nucléaire iranien, Donald Trump a porté un coup dur à ses partenaires européens, chinois et russes. Dès sa campagne électorale, il n'avait pas hésité à qualifier l'accord d'"horrible" et d'"erreur historique". Suivant les spéculations mensongères et sans fondements de ses alliés arabes et israéliens, Trump n'a pas hésité à mettre fin à un accord multilatéral consensuel si durement acquis pendant 12 années de négociations ardues qui avait mobilisé les diplomates, les physiciens et les plus fins stratèges de l'Amérique.
Pourtant les conclusions de L'AIEA et des services de renseignements occidentaux, l'accord marchait à merveille, l'Iran respectait à la lettre les limites fixées par l'accord de Vienne allant même jusqu'à se débarrasser de 98 % de son stock d'uranium enrichi. En remettant les sanctions les plus dures sur les secteurs stratégiques de l'économie et en promettant de punir quiconque fera du commerce avec la République islamique en Dollar par le biais de l'extraterritorialité des lois américain, Trump croit qu'il pourra réaliser un "régime change" et porter un coup fatal à l'influence hégémonique de l'Iran au Moyen-Orient mais il se trompe lourdement.
La stratégie de fermeté totale concocté par les "Think Tank" néo- conservateurs, qui guide la politique moyen- orientale de l'administration Trump, sera vouée à l'échec. Cette dernière aura juste pour conséquence de déstabiliser le moyen- orient post Daesch déjà en plein chaos confessionnel, d'accélérer la montée en puissance de la ligne dure et une reprise pure et simple du programme nucléaire militaire de l'Iran plongeant ainsi le moyen- orient vers une course folle à l'atomique. Aujourd'hui, les multinationales français, allemands et italiens plient leurs bagages un à un à cause des sanctions américaines ouvrant ainsi le marché aux chinois, russes et indiens.
L'accord de Paris
Signé par 197 pays dont les États- Unis, l'accord de Paris sur le climat avait pour objectif de baisser la température à 2¨°C par rapport au niveau préindustriel et de limiter la hausse des températures à 1,5° C et un désinvestissement des énergies fossiles. Les États- unis avaient pris des engagements symboliques sous Obama dont la plus remarquable était la réduction de 26 à 28% de leurs émissions de gaz à effet de serre. Néanmoins, l'arrivée de Trump à la maison blanche marque le début d'une totale avec la politique américaine sur le climat.
Entouré de climato sceptiques, Trump a déchiré l'accord de Paris avant de déclarer : "Honnêtement, je n'ai pas un problème avec cet accord dans l'absolu mais j'ai un problème avec l'accord qu'ils ont signé". Considérant le changement climatique comme une "invention chinoise" pour nuire à l'économie américaine, Trump a relancé le très controversé pipeline Keystone XL pourtant suspendu à cause de son impact environnemental et culturel sur des territoires autochtones protégés et la suppression des normes environnementales imposés à l'industrie automobile. Pour galvaniser son électorat et justifier "la machine de jobs " dont il s'est autoproclamé, Trump n'a pas hésité à signer le décret autorisant l'ouverture des mines de charbons.
Dès lors, la Chine, l'Inde et les autres pays émergents en plein croissance économique commencent à montrer des signes de réticences quant à l'application de l'accord de Paris, après le retrait américain. Une fois de plus Trump porte un coup sévère au multilatéralisme.
L'OTAN
Fondé en 1949, l'alliance atlantique a été outil d'influence remarquable de la politique américaine contre la montée l'union soviétique. Financée à 90 % par les États-Unis, Donald Trump a jugé que l'OTAN est obsolète et qu'elle est aussi mauvaise que l'ALENA. Un coup dure porté aux pays membres d'autant plus que la percée russe en Crimée est redoutée par la majeure partie des petits pays du flanc oriental de l'alliance, notamment les pays baltes. Imposer aux pays membres d'augmenter leurs dépenses en matière de défense à hauteur de 2% ne saurait être contreproductif. En dehors de l'intégration militaire, Trump n'a pas compris que l'OTAN a permis aux États-Unis de se déployer dans tout le continent européen par le biais des bases militaires et d'y entretenir des garnisons portant sur le recueil de renseignements face à l'ogre Russe.
Pourtant cette alliance si vilipendée par Trump, est le garant du rayonnement militaire, humanitaire et géostratégique américain en dehors de ses frontières. Si ce n'était pas l'Alliance, les Talibans marcheraient sur Kaboul. Comme le disait le grand stratège polono-américain Zbigniew Brezezinski, "sans l'Europe, l'Amérique est puissante mais pas omnipotente, sans l'Amérique, l'Europe est riche mais pas puissante".
L'unilatéralisme de Trump risque de porter un coup sévère au leadership américain, d'accélérer le projet "Europe de la défense" et de pousser les Européens vers une reconfiguration de leur partenariat avec Moscou. Au finish, c'est le complexe militaro-industriel américain qui perd ses débouchés.
Le commerce
Concernant le commerce, Trump n'a pas hésité une seule seconde à lancer des discours virulents à l'encontre de ses partenaires commerciaux notamment le G7, L'ALENA, la Chine et l'Union européenne, qu'ils traitent de "voleurs". Le Tafta ou accord de libre-échange entre l'Europe et les États-Unis, de même que le TPP (Partenariat Trans-pacifique) sont déchirés alors qu'ils n'étaient pas du tout défavorables aux Américains.
Le TPP, qui regroupait 12 pays, était un outil d'intégration économique puissante. Il permettait de bloquer la Chine dans son environnement immédiat et de contrer son expansion dans le cadre du "pivot vers l'Asie". La guerre commerciale déclenchée face au monde entier avec les surtaxes douanières sur l'acier et l'aluminium à hauteur de 25% et 10%, et les produits importés de la Chine aura à long terme des effets désastreux sur les consommateurs américains. Trump n'a pas compris que la dépendance de l'Amérique vis-à-vis des autres pays, surtout du Vieux continent, permettait de mettre la pression sur l'Europe et guider sa politique étrangère en un mot le "satelliser". Mais le jour où la Chine dégainera l'arme de la dette américaine, le locataire de la Maison Blanche saura qu'une guerre commerciale ne se gagne pas.
L'architecture commerciale, sécuritaire et multilatérale n'a jamais été aussi menacée depuis la seconde guerre mondiale à cause d'un Président ultra-populiste, néophyte et conservateur qui s'est immiscé dans le multilatéralisme comme "un chien fou dans un jeu de quille". L'Amérique, qui se veut porte-étendard de la démocratie et championne incontestée du multilatéralisme, est devenue un bastion du populisme en plein isolationnisme. Donald Trump aura bon bâti sa réputation égocentrique d'un "Dealmaker" jusqu'au jour où il verra que le monde n'est pas "The art of deal".
0 Commentaires
Participer à la Discussion