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Serigne Mansour, am na ñu la, xam na ñu la, doy nga ñu! ( Par Cheikh Oumar Sy Djamil )

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Serigne Mansour, am na ñu la, xam na ñu la, doy nga ñu! ( Par Cheikh Oumar Sy Djamil )
J’avais à peine 15 ans. Nous étions à Thiès, en route vers Saint Louis, pour superviser la distribution de la viande, don de l’Arabie Saoudite, dont tu étais le responsable désigné au Sénégal et dans d’autres pays de la sous-région. Tu as subitement arrêté ta mission à la capitale du Rail, tout simplement parce que tu as ouï dire qu’une femme responsable politique de cette localité avait réservé une part très importante de cette viande pour la distribuer à ses militants. Tu es entré dans une colère noire parce que tu n’allais pas permettre qu’une telle forfaiture se passât sous tes yeux. Les principes de vie qui ont toujours guidé ses actions, consistent à protéger, à tout moment, les populations démunies contre l’oppression des plus forts. Tu as tenu à assister à la distribution de toutes les carcasses de moutons ; tellement tu ne voulais qu’aucun ayant-droit ne soit lésé.

Nous avons fini cette mission vers 22 heures à Thiès, au centre de l’Union Nationale des aveugles du Sénégal (UNAS), sans manger, ni boire, pendant toute une journée. C’est cette image que nous avons toujours gardée de toi, un homme qui se bat pour les causes justes. C’est ce qui transparaît également durant une de nos conversations dans l’intimité de ton salon lorsque, à la suite des attaques insupportables sur ta personne, je te demandais d’être moins visible dans la contestation. Ta réponse résonne encore dans mes oreilles : « Cheikhou, si je devais être seul à mener le combat je le ferais ; car je me préoccupe de cette prochaine génération », désignant du doigt mon fils, ton homonyme, alors présent dans la salle. J’avais les larmes aux yeux ce jour-là, tellement je voyais la détermination avec laquelle tu voulais offrir à ce peuple sénégalais son idéal de bonheur. Tu y as toujours cru, dans ce combat et tu n’as jamais cessé de répéter quand l’essentiel est en danger, s’engager est un devoir.

Les Sénégalais ont été surpris de découvrir ta lettre adressée au Président des Assises nationales, afin de te faire excuser ton absence à ce grand rendez du Sénégal avec son histoire. C’était le 1er Juin 2008. Au petit matin, tu apportais les dernières corrections sur cette correspondance qui allait, quelques heures plus tard, retentir dans la salle de congrès du Méridien Président comme un tonnerre. Elle était profonde dans le style comme dans le fond, et le fait inédit venant d’un chef religieux. Je me rappelle toujours ce grand intellectuel connu des sénégalais, assis à mes côtés, qui a sursauté à la lecture de ce qui suit : « Le Président Abdoulaye WADE doit participer à ces Assises…. Si tel n’était pas le cas, le Président de la République laisserait dans la conscience des citoyens sénégalais une informé et monstrueuse béance ». Cet homme, vêtu d’un joli costume, répéta à deux ou trois reprises « béance, béance, béance ». Une autre partie de ta correspondance a tout aussi retenu l’attention dans cette salle pleine comme un œuf : « C’est la seule réponse qui convient à une situation où le sol de notre pays tremble et s’affaisse ; et ce qui commence à s’effondrer n’est rien moins que notre identité de sénégalais. Cette incertaine et fuyante identité d’une Nation qui se construit et qui hante notre désarroi devant l’insouciance d’une génération vidée d’intériorité, de dignité, dépourvue d’éthique, au cœur presque inhabité, engloutie corps et âme dans cette étrange descente aux abîmes qu’il convient de conjurer maintenant plus que jamais. » Tout un manifeste dans une seule phrase !

Mais aujourd’hui, presque quinze années après, nous ne pouvons que nous désoler de constater que l’esprit des Assises a été dévoyé par ceux-là mêmes qui en étaient les initiateurs. Une des grandes figures de ce brillant exercice m’a révélé un jour que les politiques n’avaient pas contribué une seule phrase à la rédaction des conclusions des Assises nationales. Pourtant, ils en ont été les premiers bénéficiaires - à la fois aux élections municipales de mars 2009, et aux élections présidentielles de février 2012. En 2009, le peuple des assises avait été installé au pouvoir de la manière la plus légitime et la plus légale, et avant même la proclamation de la Charte de bonne gouvernance démocratique ; puisque les communes et les communautés rurales les plus importantes de ce pays avaient été raflées par Benno Siggil Sénégal.

C’est peut-être le désamour né de la gestion opaque des municipalités de 2009 à 2012, qui pourrait expliquer l’impact réduit du peuple des Assises, lorsqu’il s’est réveillé surpris de voir le Président Macky Sall à la tête de ce pays. Durant l’élection présidentielle de 2012, les candidats Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Cheikh Bamba Dieye et Ibrahima Fall réunis n’ont récolté que 28.24% contre 26.58% pour le seul candidat Macky Sall. Les populations ont réalisé que rien n’avait fondamentalement changé. Pourtant en 2009, Bennoo Siggil Sénégal avait non seulement battu campagne sur le thème des Assises, mais il était constitué des composantes les plus essentielles des Assises nationales. Les Sénégalais ont vite fait le bilan pour dire si oui ou non, le socle sur lequel étaient supposés reposer ces nouveaux arrivants, était solide. Le premier signal d’alerte fut la tempête causée à l’époque, au sein du Parti Socialiste, par la déclaration de patrimoine, devant un jury d’honneur, des maires nouvellement élus. C’était pathétique de constater que ces faits étaient l’œuvre des mêmes personnes qui appelaient les populations à adhérer à la Charte de gouvernance démocratique des Assises nationales.

Même cette charte, nous nous rappelons, avait été élaborée pour masquer les divergences de fond sur les préoccupations des principaux acteurs, concernant les conclusions des Assises nationales. Il s’est passé deux années entre la restitution de la charte en juin 2009 et la production du rapport des Assises nationales. Qui plus est, les multiples tergiversations pour trouver un candidat unique à Benno Siggil Sénégal entre le Parti Socialiste et l’Alliance des Forces du Progrès ont laissé dubitatifs les Sénégalais sur les ambitions réelles des uns et des autres pour placer le Sénégal dans la voie de l’émergence. « Nguuru rek » !
C’est pourquoi, il n’y a rien de nouveau aujourd’hui sous nos cieux ; mais nous savons, et eux aussi savent, que ton amour pour le pays est réel, et ton espoir d’un Sénégal meilleur se résume dans le vocable Bës Du Ñakk que tu as vite fait suivre du slogan « Sénégal, demain, un autre pays !»

J’étais témoin, le jour où tu avertissais les principaux leaders de Benno Siggil Sénégal sur les conséquences d’une éventuelle implosion de leur coalition. Ils n’ont rien voulu entendre. Chacun pensait qu’il pouvait passer au premier tour des élections devant le candidat du Parti Démocratique Sénégalais. Pendant ce temps, ta préoccupation majeure était comment les Sénégalais devaient s’approprier les conclusions des Assises ; car très peu d’entre nous connaissions ce qui avait été dit durant trois ans sur l'Énergie, sur l’Education, sur la Santé etc., et sur les changements de paradigmes nécessaires aux véritables ruptures refondatrices. Et souvenons-nous que l’une des manifestations les plus importantes sur la restitution publique de ces conclusions des Assises a été le Dîner Débat que Bës Du Ñakk a organisé le 19 mars 2011 sur le Thème : « Les Assises nationales, un désir d’émancipation ».

Cette conférence animée par l’ancien Premier Ministre Mamadou Lamine Loum, a vu la participation de la quasi-totalité de la classe politique sénégalaise, sous la Présidence du Professeur Amadou Makhtar Mbow. C’était un moment inoubliable de restitution du livre de plus de 100 pages des conclusions des Assises nationales.
Manifeste citoyen ! Refondation nationale ! Ruptures refondatrices ! Dynamiques de transformations sociales ! Orientations stratégiques ! Voici autant de concepts qui ont été fouettés durant cette période où un débat fécond s’était installé. Nous te devons un grand remerciement pour ton implication à un tel niveau dans la réflexion sur la marche du pays. Tu m’as fait l’honneur de m’associer aux six personnes qui ont élaboré les textes de base de ce mouvement, depuis le document de dix-huit (18) pages jusqu’à son enrichissement à quarante-quatre (44) pages et à la synthèse de quatre (4) pages qui circule sur internet. C’est cette version qui a fait l’objet de l’adhésion, par leur signature, de presque tous les leaders politiques de l’époque. Ton rôle a été prépondérant.

Il n’y a guère longtemps, d'aucuns pensaient que participer à l'édification de notre Sénégal était l'apanage d'une certaine classe politique qui avait bénéficié à l’époque (il faut l'avouer) d'une excellente formation. Mais ces femmes et ces hommes de valeurs se sont métamorphosés au fil du temps en un club de privilégiés, faisant de la chose politique leur chasse gardée. Les principaux acteurs de cette supercherie ne se prévalent, en réalité, d’aucune légitimité. Mais ils ont su construire un arsenal de produits « éloigneurs » composés de calomnie, de menace, d'insulte, de marginalisation, de stigmatisation...la liste est longue. L'émergence des mouvements citoyens a été, à mon avis, un des facteurs déterminants pour remettre en question cette certitude préfabriquée de nos dirigeants. L'acceptation massive par les principaux leaders politiques de notre pays du Manifeste Citoyen pour la Refondation Nationale Bes Du Ñakk en est une parfaite illustration.

Plusieurs mouvements citoyens sont nés : Yemale de Bara Tall, Fekke ma ci boole de Youssou Ndour, Jog Jotna de Cheikh Tidiane Gadio, Mouvement Y’en a marre, mais très peu ont théorisé cette nouveauté dans l’arsenal juridique sénégalais. L’élaboration du Manifeste Citoyen pour la Refondation Nationale a été un début dans ce processus de conceptualisation du mouvement social à vocation politique - à mi-chemin entre une association apolitique à but non lucratif et un parti politique.
C’était une période très riche qui a fait dire à Feu Ousmane Tanor Dieng (Yalla nako Yalla yërëm), en signant le manifeste, que « c’était le souffle politique qui manquait aux Assises nationales ». Et comme le stipule le Manifeste : « L’originalité du rassemblement….vise à faire en sorte que se rencontrent, dans une même démarche commune, l’expérience du mouvement démocratique des forces de gauche, les leçons tirées de l’expérience de gouvernement du Parti Socialiste et de l’Alliance des Forces de Progrès, le capital symbolique dont jouissent les religieux, la créativité des intellectuels et des artistes, le patriotisme des artisans et des travailleurs, l’engagement des organisations du monde rural, des mouvements sociaux des jeunes, des femmes, des coopératives, des syndicats, tous tendus vers le même objectif d’émancipation humaine. » Cette expérience était unique, après celle des Assises.

Serigne Mansour, il y a quelques années, un de mes aînés "Cheikh-Antiste" me prévenait en ces termes : « Le Sénégal a connu trois faux départs dans son histoire récente : l’Indépendance en 1960, la Transition en 1980, l’Alternance en 2000. » Aujourd’hui, en 2020, dans la même séquence temporelle, mon seul souci est de savoir ce que Bes Du Ñakk doit faire pour participer à la restauration d’une nouvelle confiance, élan pour un départ réussi qui nous fera dire : cette fois-ci c’est la bonne ! Tu peux grandement y contribuer.
Dans un autre registre, ton amour du savoir est sans commune mesure et ton fonds documentaire est unique au Sénégal. Tu dévores près d’un livre par semaine. Ce qui est énorme et fabuleux à la fois. En religion, tu as pu reconstituer presque toute la bibliothèque de Mame Maodo, par la simple exploitation de la bibliographie des livres de référence tel que « khilassou zahab », « kifayatou raaghibbiine » ou « ifhaam al mounkiril djaani ». La recherche de ces livres rares, épuisés dans presque toutes les librairies du monde, t’a parfois amené à prendre l’avion depuis Jeddah pour aller en acheter un qui t’a été signalé au Caire. Cette détermination à vouloir préserver l’héritage de ton grand-père est une très grande fierté pour nous, tes frères et sympathisants.

Ta bibliothèque est déjà riche en ouvrages de qualité dans les trois langues que sont l’anglais, le français et l’arabe. Ta fréquentation assidue du siège du Hizbut Tarqiya sur la VDN aux alentours des Sicap Amitiés a pu te faire bénéficier de l’acquisition de nombreux ouvrages et documents sonores sur la pensée de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké. Tu as accumulé tout le programme d’étude du niveau primaire, moyen et secondaire de plusieurs pays arabes ou asiatiques. Je peux citer la Tunisie, le Maroc, l’Algérie, l’Arabie Saoudite, la Malaisie, l’Egypte, le Liban et j’en passe. Tous les grands érudits du Sénégal ont pour la plupart verser pour toi, dans des cassettes (TDK, Maxwell, Sony, BASF), plusieurs cours sur la grammaire (Nakhwou), la jurisprudence islamique (Fiqh), l’exégèse du Coran (Tafsir), l’histoire du Prophète SAW (Siira) etc… Et tu as fini de saisir en machine les œuvres complètes de Serigne Babacar Sy et de Seydil Hadji Malick Sy (RTA) en attente de leur publication et de leur traduction en anglais et en français. Le douanier qui passait devant tes effets personnels en provenance de l’Arabie Saoudite était ahuri de découvrir un conteneur rempli de livres et de cassettes alors qu’il s’attendait à tomber sur des appareils électroniques ou électroménagers. Tu peux, à toi seul, créer un institut de recherche avec les outils appropriés et nécessaires. Et tu ne te limites pas à seulement chercher le savoir, tu veux aussi le partager, le transmettre. Tu fais la fierté de toute une génération d’intellectuels qui admire ta capacité à rendre au savoir ses lettres de noblesse. Le daara que tu as réussi à implanter dans la cour de la maison de Seydi Djamil est aujourd’hui fréquenté par plus de huit-cents (800) élèves qui viennent chaque jour s’abreuver aux sources de la culture islamique.

La conférence que tu as donnée, il y a quelques années à Louga en l’honneur de Serigne Sam Mbaye, a été pour moi un grand moment de découverte de ta finesse intellectuelle. Ton discours sur notre système éducatif, ainsi que le parallélisme que tu as établi entre les écrits de Elhadji Abdou Aziz Sy Dabakh (« Khalifatou Cheikh ») et ceux du Président Léopold Sédar Senghor (la description de la rythmique dans la poésie africaine), nous avaient remarquablement fasciné. Un cours magistral ! Tes interventions dans une conférence organisée au sein d’une Église à Dakar, abordant, à la satisfaction de tous les participants, des questions d’une extrême sensibilité, nous montraient toute ta dimension intellectuelle et ton mérite pour avoir réfléchi très tôt sur plusieurs questions concernant les piliers qui fondent le Sénégal.

Je finis par dire, Serigne Mansour, que nous t’aimons d’un amour profond pour tous les éclairages que tu ne cesses de nous apporter sur les vicissitudes de la vie. Serigne Mansour, ci li la Yalla defal ngay muñe li ñu lay def. Mame El Hadji Abdou Aziz Sy Dabakh a déjà composé deux poèmes à ton honneur. Serigne Mansour Sy Boroom Daara Ji en a fait pareil. La fumée qui se dégage de Muchakalun, ce très beau texte de El Hadji Abdou Aziz Sy Dabakh, cocktail d’ambre et de oud, effleure d’ici nos narines de bonheur et d’espérance. Tu as été victime de ta générosité. Mais Al Amine ne t’avait-il pas averti un jour en te disant : « Ya ngi ci seen biir waye boole wu ñu la ci seen biir ».

« Bayyi leen ma ak sama yalwaanu talibe » : c’est en ces termes que Serigne Moustapha Sy Djamil avait répondu au Président Léopold Sédar Senghor lorsque ce dernier était venu lui proposer de lui octroyer un chèque en blanc pour ses dépenses personnelles. Seydi Djamil a décliné avec ces propos pleins de sens et d’enseignements. Mais wolof neena : « am ko te xamoo ko, ñakk ko te xam koo ko gën ». Je rajouterai que ñakk laa xam itam woorul. Tu es le digne héritier de Seydi Djamil et tu es aussi l’espoir de beaucoup de jeunes. Merci de nous avoir montré le chemin. « Yalla na la Yalla fay yiw. Serigne bi, doo ñoom, duñu yow ».
Comme disait Abdoulaye Mbaye (Yalla nako Yalla yërëm) dans la chanson de campagne qu’il t’avait dédiée : « Inond’Action seede na ko ; Pikine, Yeumbeul, Guédiawaye seede na ñu li nga fi def ».

C’est pourquoi, je cours à la rencontre de ces 600 jeunes qui ont été arrachés de l’eau des inondations pour vivre un mois de vacances dans le confort, pour scander avec eux : « Jërëjëf, Serin bi jërëjëf, Mansour Djamil, Jërëjëf, Serin bi jërëjëf, Mansour Djamil » !

Ton frère qui t’adore, Cheikh Oumar SY Djamil. 

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